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Ses visiteurs ne l'ignoraient pas et le lui firent savoir.

Publié le 06/01/2014

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Ses visiteurs ne l'ignoraient pas et le lui firent savoir. Un peu vexé, le guide s'éloigna en faisant mine de vouloir vérifier l'assise d'une fenêtre. Marion consultait à nouveau son plan. -- Cette chambre royale se trouve aujourd'hui sur l'axe nord-est. -- L'axe Fontainebleau-Reims, commenta Yvan. -- Certains historiens se demandent toujours pourquoi cet emplacement a été choisi. On s'attendrait plutôt à voir la chambre du roi dans le corps principal du bâtiment, et non dans une annexe... Cette anomalie pose également un problème de symétrie sur le plan. -- C'est peut-être un fait exprès, une intention à décoder, suggéra Yvan. Le guide était revenu vers eux, le front bas. Il était là pour répondre aux questions. Celle que lui posa Marion le révéla soudain prolixe. -- Disposez-vous d'archives pouvant indiquer des liens quelconques entre Chambord, Fontainebleau et Reims ? -- Les châteaux sont liés par la royauté et le passage des monarques, mais ici aucun document n'atteste de liens particuliers entre ces édifices. Les plans du château n'ont d'ailleurs jamais été retrouvés. Seuls des travaux de Léonard de Vinci indiqueraient qu'il a bien dessiné l'escalier à double révolution. On peut même penser qu'il a personnellement pris part à la conception du château... Mais si vous êtes en quête d'un trésor, vous ne serez pas les premiers, ni les derniers. Des légendes, ces murs en ont inspiré des wagons ! Le guide les conduisit sur la terrasse principale où s'élevait la tour-lanterne. Il fit tinter ses clés jusqu'à isoler celle qui ouvrait la grille d'accès à la tour, en dessous du panneau d'interdiction d'entrée au public. Dans un grincement de serrure, le guide referma derrière eux. L'escalier était si exigu que l'on en raclait les parois en gravissant les marches. Marion et Yvan marquèrent un temps d'arrêt pour étudier les médaillons aux croix papales. Le foisonnement et la minutie des éléments architectoniques rendaient leur examen irréalisable en aussi peu de temps. Le guide se lança dans des explications techniques, pour conclure que l'entretien et les restaurations de la tour demandaient un savoir-faire de plus en plus difficile à obtenir d'un artisan. -- La vérité, c'est qu'on serait incapable de reproduire un tel chef-d'oeuvre. On est devenu des moutons dans l'enclos. Ici, c'est la tanière d'un fauve qui avait de la classe. Ce commentaire personnel mit Marion mal à l'aise. Cependant, l'heure avait tourné. Il leur fallut clore la visite.   Après avoir quitté ses clients, le guide se rendit dans un coin de la terrasse et, s'assurant qu'il s'y trouvait seul, composa un numéro sur son portable. -- Ils sont venus à deux, lui et une fille qui doit lui rendre quinze ans, à vue d'oeil. Son interlocuteur marqua un temps de silence avant de répondre. -- Qu'il soit seul ou pas ne change rien à nos objectifs. Ont-il posé des questions susceptibles de révéler leurs axes de recherche ? Le guide répéta ce qu'il avait pu saisir de leurs conversations. -- Curieux... -- Quel type de surveillance dois-je assurer ? demanda le guide. -- Pour le moment, tiens-t'en à celle qui nous permettra de progresser discrètement. -- J'y veillerai, comptez sur moi. -- Parfait. Les conditions de notre accord restent les mêmes, des versements réguliers et un partage équitable à la fin. Eddy Lopez, guide saisonnier à Chambord, éteignit son portable et quitta la terrasse, emportant avec lui la vision du cou de Marion dont il imaginait la douceur. 13 Dans l'après-midi, Marion et Yvan poursuivirent leur visite de Chambord à bord d'un véhicule toutterrain conduit par un garde forestier. Ils allaient parcourir une petite portion des trois cents kilomètres de sentiers qui sillonnaient le domaine. -- Il y a trois châteaux de Chambord : le réel, l'imaginaire et le symbolique. La majorité des esprits s'arrête aux limites du réel. En se laissant pénétrer par l'Histoire, les portes de l'imaginaire s'ouvrent. Puis, par degrés, on accède à sa valeur symbolique, lança Yvan à Marion alors qu'ils démarraient. Très vite, l'ombre des sous-bois les absorba. Le guide roulait à faible allure, évitant les cahots. La forêt s'ouvrait devant eux, avec ses taillis, ses fossés et ses rais de lumière qui perçaient les feuillages comme s'ils portaient une injonction céleste. -- Que peut-il bien rester des secrets cachés, s'il y en a ? murmura Marion. Dans le sillage du Land Rover, mais hors de la vue de ses passagers, un véhicule s'était engagé à son tour dans la réserve de chasse. -- Nous allons aborder la rive ouest de l'étang de Périou, annonça le garde forestier. Cet endroit est remarquable pour sa flore. Comme la plupart des grands cervidés viennent s'y abreuver, je vous demanderai de vous montrer discrets une fois descendus de la voiture. Celle-ci fut garée en retrait de la pièce d'eau et ses trois occupants gagnèrent les berges à pied. -- Voici le meilleur point de vue, reprit la garde. Le domaine de Chambord est cinq fois plus peuplé en gros gibier que n'importe quel autre parc d'Europe. Préserver ce patrimoine n'est pas facile. Mais nous disposons des étangs qui constituent d'irremplaçables biotopes et garantissent l'approvisionnement en eau des espèces. -- À l'époque de François Ier, ce parc servait exclusivement de réserve de chasse. Est-ce que le roi avait des parcours favoris ? demanda Marion. -- La configuration du parc a évolué au cours des siècles, répondit le garde, mais nulle part nous n'avons trouvé mention que les rois qui se sont succédé ici privilégiaient un endroit plutôt qu'un autre. De l'autre côté de l'étang, accroupi au milieu des roseaux, Eddy régla ses jumelles pour suivre les mouvements des visiteurs. Ces derniers empruntaient le circuit réservé aux VIP. Que venaient-ils faire là ? User de leurs passe-droits ? Eddy avait son idée. Il avait surtout l'oeil sur la fille, pas l'une de ces bombes siliconées qui font la couverture des magazines, non, une fille nature, à l'allure sage, une de ces petites salopes qui cachent bien leur jeu, avec une peau tendre et savoureuse, bref, tout ce qui lui donnait les crocs. Un quart d'heure plus tard, le Land Rover repartait. Eddy les fila jusqu'au retour en mâchouillant un bâton de réglisse. La balade l'avait laissé sur sa faim.   -- Merci pour cette journée. Yvan rendit à Marion un sourire qu'il voulait paternel, mais la présence de l'étudiante, calée dans son siège et ses jambes ramenées vers elle, le perturbait. Il continua de fixer des yeux la route en tapotant sur le volant. -- Tu veux bien que je mette la radio ? demanda-t-il pour faire diversion. -- Conduis, je m'en charge. Elle balaya les fréquences et s'arrêta sur une station commerciale. De la pub à vomir et de la pop standard. Il aurait préféré du classique ou du jazz. Ce constat l'irrita car il aurait voulu qu'ils s'accordent sur tout. -- Pfff... C'est nul, dit Marion après cinq minutes. À toi de choisir. -- France Inter, ça te va ? -- Parfait. Il régla le son assez bas et Marion finit par s'assoupir, bercée par le ronronnement du moteur. Tandis qu'ils approchaient de la sortie d'Orsay, une émission fit soudain dresser l'oreille à Yvan. L'animateur annonçait un titre chanté par une interprète dont le nom lui rappela des souvenirs. Il l'avait connue en compagnie de Lise car celle-ci était l'une de ses parolières favorites. Yvan tendit la main pour augmenter le son. C'était une nouvelle chanson de son répertoire, et il ne put s'empêcher de penser que Lise en était peut-être l'auteur. Une façon pour lui de prendre des nouvelles. Elle lui en voulait toujours, il en était persuadé. Mais il n'avait pas eu le choix. Et Aurélia ? Il s'interdisait d'y penser quand la tristesse venait le dévorer certains jours. Sa fille lui manquait plus que tout. Si un jour on m'avait dit qu'il ferait jour au pays Aujourd'hui, sous l'habit, tout est fait de pluie Jouer à faire croire ce que l'autre veut voir C'est mentir au miroir, donner de faux espoirs   Loin de tout, loin de toi C'est mieux pour moi, tant pis pour toi Loin de tout, loin de toi Je découvre la foi, je retrouve ma joie   Tout est né d'un brûlant désir Aux mille reflets de saphir Puis un jour tout se déchire Quand on apprend ce qu'il y a de pire   Si tu voulais me retenir Il ne fallait pas me mentir Oui j'ai cru mourir, en préférant partir Abandonner ton sourire, n'en garder qu'un souvenir. « Ne pas chialer, surtout pas. Pas maintenant. » Il cligna des yeux à plusieurs reprises, au bord des larmes. -- Je peux prendre le volant si tu veux, lui glissa Marion. -- Ça ira, merci. Perdu dans ses pensées, il n'avait pas fait attention à elle. Sans doute avait-elle remarqué l'émotion qui l'avait étreint à l'écoute de la chanson. Il resta silencieux jusqu'à la fin du trajet et Marion ne se manifesta pas davantage. Elle savait très bien ce qu'il avait voulu dissimuler. Combien de fois elle-même avait dû se contraindre devant les autres pour ne pas fondre en larmes ou simplement pousser un cri ? Ça vous transperçait sans prévenir, à partir de rien ou presque, une sensation, un mot, une ritournelle... Tous deux portaient en eux ce couteau qui les faisait saigner de l'intérieur. Lui aussi cachait ses plaies. Elle aurait aimé le lui dire, apprendre ce qu'il avait vécu pour qu'il sache à son tour ce qu'elle avait traversé. Mais c'était une tâche immense que de confier son coeur. Ils n'en étaient pas là. Et ils avaient à vivre une autre aventure.

« 13 Dans l’après-midi, MarionetYvan poursuivirent leurvisite deChambord àbord d’unvéhicule tout- terrain conduit parungarde forestier.

Ilsallaient parcourir unepetite portion destrois cents kilomètres de sentiers quisillonnaient ledomaine. — Il ya trois châteaux deChambord : leréel, l’imaginaire etlesymbolique.

Lamajorité desesprits s’arrête auxlimites duréel.

Enselaissant pénétrer parl’Histoire, lesportes del’imaginaire s’ouvrent. Puis, pardegrés, onaccède àsa valeur symbolique, lançaYvanàMarion alorsqu’ils démarraient. Très vite,l’ombre dessous-bois lesabsorba.

Leguide roulait àfaible allure, évitant lescahots.

La forêt s’ouvrait devanteux,avec sestaillis, sesfossés etses rais delumière quiperçaient lesfeuillages comme s’ilsportaient uneinjonction céleste. — Que peut-ilbienrester dessecrets cachés, s’ilyen a ? murmura Marion. Dans lesillage duLand Rover, maishorsdelavue deses passagers, unvéhicule s’étaitengagé à son tour dans laréserve dechasse. — Nous allonsaborder larive ouest del’étang dePériou, annonça legarde forestier.

Cetendroit est remarquable poursaflore.

Comme laplupart desgrands cervidés viennent s’yabreuver, jevous demanderai devous montrer discretsunefoisdescendus delavoiture. Celle-ci futgarée enretrait delapièce d’eau etses trois occupants gagnèrentlesberges àpied. — Voici lemeilleur pointdevue, reprit lagarde.

Ledomaine deChambord estcinq foisplus peuplé en gros gibier quen’importe quelautre parcd’Europe.

Préserver cepatrimoine n’estpasfacile.

Mais nous disposons desétangs quiconstituent d’irremplaçables biotopesetgarantissent l’approvisionnement en eau desespèces. — À l’époque deFrançois I er ,ce parc servait exclusivement deréserve dechasse.

Est-cequeleroi avait desparcours favoris ?demanda Marion. — La configuration duparc aévolué aucours dessiècles, répondit legarde, maisnulle partnous n’avons trouvémention quelesrois quisesont succédé iciprivilégiaient unendroit plutôtqu’un autre. De l’autre côtédel’étang, accroupi aumilieu desroseaux, Eddyréglasesjumelles poursuivre les mouvements desvisiteurs.

Cesderniers empruntaient lecircuit réservé auxVIP.

Que venaient-ils faire là ? User deleurs passe-droits ? Eddyavaitsonidée.

Ilavait surtout l’œilsurlafille, pasl’une deces bombes siliconées quifont lacouverture desmagazines, non,unefillenature, àl’allure sage,unedeces petites salopes quicachent bienleurjeu,avec unepeau tendre etsavoureuse, bref,toutcequi lui donnait lescrocs. Un quart d’heure plustard, leLand Rover repartait.

Eddylesfilajusqu’au retourenmâchouillant un bâton deréglisse.

Labalade l’avaitlaissésursafaim.   — Merci pourcette journée. Yvan rendit àMarion unsourire qu’ilvoulait paternel, maislaprésence del’étudiante, caléedans son siège etses jambes ramenées verselle,leperturbait.

Ilcontinua defixer desyeux laroute en tapotant surlevolant. — Tu veuxbienquejemette laradio ? demanda-t-il pourfairediversion. — Conduis, jem’en charge. Elle balaya lesfréquences ets’arrêta surune station commerciale.

Delapub àvomir etde lapop standard.

Ilaurait préféré duclassique oudu jazz.

Ceconstat l’irritacarilaurait vouluqu’ilss’accordent sur tout. — Pfff… C’estnul,ditMarion aprèscinqminutes.

Àtoi de choisir. — France Inter,çateva ? — Parfait. Il régla leson assez basetMarion finitpars’assoupir, bercéeparleronronnement dumoteur. Tandis qu’ilsapprochaient delasortie d’Orsay, uneémission fitsoudain dresserl’oreilleàYvan. L’animateur annonçaituntitre chanté parune interprète dontlenom luirappela dessouvenirs.

Ill’avait connue encompagnie deLise carcelle-ci étaitl’une deses parolières favorites.Yvantendit lamain pour augmenter leson.

C’était unenouvelle chanson deson répertoire, etilne put s’empêcher depenser que Lise enétait peut-être l’auteur.Unefaçon pourluide prendre desnouvelles.

Elleluien voulait toujours, il en était persuadé.

Maisiln’avait paseulechoix.

EtAurélia ? Ils’interdisait d’ypenser quandlatristesse venait ledévorer certains jours.Safille luimanquait plusquetout.

Si un jour onm’avait ditqu’il ferait jouraupays Aujourd’hui, sousl’habit, toutestfait depluie Jouer àfaire croire ceque l’autre veutvoir C’est mentir aumiroir, donner defaux espoirs   Loin detout, loindetoi C’est mieux pourmoi,tantpispour toi. »

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