Vocabulaire: COMPASSÉ, -ÉE, participe passé et adjectif. I.— Participe passé de compasser* II.— Adjectif. A.— Rare. Mesuré au compas (confer compasser). — Par extension. Fait comme au compas, avec régularité, symétrie. Leurs fonds [des abeilles] pyramidaux savamment compassés (ABBÉ JACQUES DELILLE, Les Trois règnes de la nature, 1808, page 140 ). Les jardins monarchiques et compassés de Le Nôtre (HYPPOLYTE-ADOLPHE TAINE, Philosophie de l'Art, tome 1, 1865, page 85 ). De longues faces du Nord aux sourcils égaux et compassés (MAURICE DRUON, Les Grandes familles, tome 1, 1948, page 100 ). B.— Courant, au figuré. 1. Qui est réglé minutieusement, codifié, qui ne laisse aucune place à l'imprévu : Ø 1.... chaque fois que l'heure sonnait, il se passait quelque chose dans la maison des Schwanthaler (...) tout cela si bien réglé, si compassé, si méthodique, que d'entendre tous ces Schwanthaler se mettre en branle au premier coup de timbre (...) on songeait au défilé des apôtres dans l'horloge de Strasbourg... ALPHONSE DAUDET, Contes du lundi, 1873, page 66. 2. Péjoratif. [En parlant de la manière d'être d'une personne ou, par extension, d'une personne] Qui est mesuré, étudié, retenu dans de strictes limites, qui bannit toute spontanéité, toute vivacité. Air, attitude, gestes, manières, maintien, pas, démarche, ton compassé (e, s); personne compassée. Il avait ce maintien compassé, tenait cette allure mesurée qui faisait dire aux uns, en se moquant, qu'il ressemblait à un maître à danser (ANATOLE-FRANÇOIS THIBAULT, DIT ANATOLE FRANCE, Les Dieux ont soif, 1912, page 168) : Ø 2. Aussi longtemps qu'on vit la tour de Saint-Martin, chacun des beaux messieurs garda l'air compassé. Mais sitôt qu'on fut hors des yeux de la cité, tous les fronts s'éclaircirent, et les esprits se mirent comme moi, en bras de chemise. ROMAIN ROLLAND, Colas Breugnon, 1919, page 143. · En particulier. Style compassé (en littérature, peinture, musique); portrait, prose compassé(e). Cette lettre (...), ce papier froid et compassé, cette écriture soignée (...) avec des points et des virgules! (PROSPER MÉRIMÉE, Le Théâtre de Clara Gazul, 1825, page 336 ). La littérature compassée du siècle de Louis XIV (GÉRARD DE NERVAL, Nouvelles et fantaisies, 1855, page 131 ). PARADIGMES. a) Quasi-synonymes : affecté, apprêté, gourmé, guindé. b) Termes souvent associés froid, glacé; formel; cérémonieux, digne, grave, raide, sage, sérieux, solennel. c) Antonymes animé, chaleureux, fougueux, libre, naturel, simple, spontané. — Emploi comme substantif. Personne compassée. Ça m'amuse que des compassés comme vous aient un enfant drôlichon comme cette moutarde-là (SIBYLLE-GABRIELLE-MARIE-ANTOINETTE DE RIQUETTI DE MIRABEAU, COMTESSE DE MARTEL DE JANVILLE, DITE GYP, Ces Bons docteurs, 1892, page 16) : Ø 3. Fontanes avait l'imagination vive, ardente, primesautière (...), il avait une inexpérience d'enfant en beaucoup de choses, une vraie bonhomie et candeur (...) le contraire du compassé... CHARLES-AUGUSTIN SAINTE-BEUVE, Portraits littéraires, tome 2, 1844-64, page 275. STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 11 Forme dérivée du verbe "compasser" compasser COMPASSER, verbe transitif. A.— Prendre, reporter des mesures avec un compas : Ø 1. Pour faire une garniture, il faut, avec un compas, prendre la largeur d'une des pages (...), compasser cette mesure autant de fois qu'il y aura de pages sur la largeur du papier... LOUIS-JACQUES-FRANÇOIS DE PAULE BERTRAND-QUINQUET, Traité de l'imprimerie, 1799, page 94. — Spécialement. MARINE. Compasser des distances sur une carte, compasser une carte. Marquer le lieu où se trouve le navire. ARMÉE. Compasser le canon d'une arme à feu. En vérifier l'épaisseur. — Par extension. Faire quelque chose avec exactitude, régularité, symétrie (confer compassé A). · Spécialement. Compasser les feux. Disposer les fourneaux de mine de manière à ce qu'ils explosent tous en même temps. Remarque : Attesté dans la plupart des dictionnaires généraux du XIXe. siècle. B.— Au figuré. 1. [En parlant des actes ou de l'attitude d'une personne] Régler minutieusement (confer compassé B) : Ø 2. «... De nombreux règlements fort sévères, quoiqu'ils ne soient pas écrits, compassent tous les actes de leur vie [des sauvages] . » ÉMILE DURKHEIM, De la division du travail social, 1893, page 108. — Emploi pronominal : Ø 3. Petit-maître Renforcé (...) Dans sa grâce Se compasse Quelque peu, Met de l'ambre Et se cambre Tant qu'il peut. AMÉDÉE POMMIER, Colifichets, Le Nain, 1860, page 161. 2. [En parlant de mots écrits ou prononcés] Mesurer, peser. Il parla longtemps, en compassant ses termes, en procédant par touches, par chocs (ALPHONSE DE CHATEAUBRIANT, Monsieur des Lourdines, 1911, page 145) : Ø 4. Moi, ce fut l'an passé que cette frénésie Me vint d'être amoureux. — Adieu, la poésie! Je n'avais pas assez de temps pour l'employer À compasser des mots :... THÉOPHILE GAUTIER, Albertus ou l'Âme et le péché, 1833, page 148. STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 3 DÉRIVÉS : Compassement, substantif masculin. rare. Action de mesurer avec un compas. Au figuré. a) Raideur, affectation. Du Quesne était huguenot, mais sans rien de la retenue, du compassement qu'affectaient les Têtes Rondes (JEAN-BALTHASAR MALLARD, COMTE DE LA VARENDE, Le Maréchal de Tourville et son temps, 1943, page 115 ). b) Mesure, modération (confer compasser ses paroles). Le monarque répondit à son discours [du duc d'Orléans] (...) avec un choix étonnant d'expressions et de paroles par leur justesse et leur compassement (JEAN-BALTHASAR MALLARD, COMTE DE LA VARENDE, Monsieur le Duc de Saint-Simon et sa Comédie humaine, 1955, page 453 ).
