Vocabulaire: CONSERVÉ, -ÉE, participe passé et adjectif.

Vocabulaire: CONSERVÉ, -ÉE, participe passé et adjectif. I.— Participe passé de conserver* II.— Adjectif. A.— [Avec une idée d'intentionnalité plus ou moins prononcée] 1. Maintenu en bon état ou dans un certain état. Bien, mal conservé(e) : Ø 1. C'était un vieillard si bien conservé dans sa longue redingote, d'une santé si rosée, peut-on dire, qu'il semblait vivre ainsi depuis Molière. ALPHONSE DE CHATEAUBRIANT, Monsieur des Lourdines, 1911, page 138. — Emploi comme substantif. Donner à croire que je veux me rajeunir, que je joue, déjà, les « bien conservés » (GEORGES DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Le Notaire du Havre, 1933, page 11 ). 2. Préservé de toute altération : Ø 2. Il avait étudié avec soin et consultait sans cesse les monuments adorables conservés à la bibliothèque nationale ou aux archives,... LÉON BLOY, La Femme pauvre, 1897, page 133. — En particulier. domaine alimentaire. Une boîte de sardines conservées, régal des habitants de Fonteneilles (RENÉ BAZIN, Le Blé qui lève, 1907, page 82 ). Les légumes frais ou conservés (ALEXIS CARREL, L'Homme cet inconnu, 1935, page 15 ). B.— [Avec une idée de passivité] Laissé tel quel dans son état primitif : Ø 3. L'atelier dont les fenêtres donnaient sur le jardin, était une vaste pièce, conservée presque intacte dans son état primitif. ÉMILE ZOLA, Le Rêve, 1888, page 39. Fréquence absolue littéraire : 2 290. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 5 083, b) 3 548; XXe. siècle : a) 2 657, b) 1 901. Forme dérivée du verbe "conserver" conserver CONSERVER, verbe transitif. I.— Emploi transitif. A.— [Avec une idée d'intentionnalité plus ou moins prononcée, selon la nature du complément] Maintenir hors de toute atteinte destructive, s'efforcer de faire durer, de garder en bon état ou dans le même état. 1. [Le complément exprime une qualité ou propriété de l'objet directement exprimée ou non; l'action est le plus souvent nettement intentionnelle] Garder, sauvegarder. Conserver quelque chose à quelque chose ou à quelqu'un; conserver quelque chose. a) [Le complément désigne un inanimé] : Ø 1. Le froid semble conserver aussi les propriétés physiologiques du sang; il l'empêche de se coaguler, c'est-à-dire qu'il reste comme s'il était vivant CLAUDE BERNARD, , Cahier de notes (1850-1860), 1860, page 126. Ø 2. Un silence angoissé s'était fait. Puis un frémissement parut courir sur toutes ces nuques ployées; et Jacques vit ceux qui avaient conservé leur chapeau se découvrir. ROGER MARTIN DU GARD, Les Thibault, L'Été 1914, 1936, page 550. SYNTAXE : Conserver précieusement : Le général français avait fait présent, à cette occasion, d'une cocarde tricolore, conservée précieusement depuis dans la famille (LAS CASES, Le Mémorial de Sainte-Hélène, tome 1, 1823, page 244). Conserver une lettre. — En particulier. · Entreposer : Ø 3. La famille conservait cette huile, selon l'usage du pays, au fond d'un petit puits creusé dans le rocher tout près de la maison, et fermé d'une grosse pierre où l'on avait scellé un anneau de fer. ALPHONSE DE LAMARTINE, Les Confidences, 1849, page 186. Ø 4.... nos aïeux Devenant plus ingénieux, Ils imaginèrent la cave, Pour conserver le vin au frais. RAOUL PONCHON, La Muse au cabaret, Préambule, 1920, page 4. · Domaine du travail. (Se) confirmer dans son emploi : Ø 5.... il m'est impossible de conserver comme garçon de laboratoire une personne qui ne possède aucune des qualités requises pour cet office. GEORGES DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Le Combat contre les ombres, 1939, page 98. — Spécialement. · MARINE. Conserver une flotte, un bâtiment. Suivre la direction d'un autre bateau sans le perdre de vue. Remarque : Attesté dans le Dictionnaire de marine (Jean-Baptiste Philibert Willaumez) 1831, Vocabulaire des termes de marine (Georges Soé, J. Dupont, O. Roussin) 1906, Le dictionnaire de la marine à voile (Pierre-Marie-Joseph de Bonnepoux), Edmond Paris) 1859. · TYPOGRAPHIE. Conserver une forme, une lettre. La mettre de côté en vue d'emplois ultérieurs. Si la lettre doit être conservée en magasin, il est bon de la désinterligner (ÉMILE LECLERC, Nouveau manuel complet de typographie, 1932, page 297 ). b) [Le complément désigne un animé] : Ø 6. Pour conserver à un enfant l'égalité d'humeur et la rectitude de jugement, si nécessaires aux devoirs de la morale et à son propre bonheur, il ne faut l'appliquer à aucune étude qui puisse étouffer sa sensibilité ou l'exalter :... JACQUES-HENRI BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, Harmonies de la nature, 1814, page 306. Ø 7. Je veux bien garder ce que j'ai, mais je tiens d'abord à conserver mes enfants. HENRY BECQUE, Les Corbeaux, 1882, page 212. — En particulier. Protéger, sauver, guérir, faire vivre. Je prie Dieu qu'il vous conserve (ALEXANDRE DUMAS PÈRE, La Tour St-Jacques-la-Boucherie, 1832, III, 2, page 48) : Ø 8.... il faut accorder, qu'en nombre de cas particuliers, des malades auraient succombé, que l'intervention des médecins a conservés. JULES DE GAULTIER, Le Bovarysme, 1902, page 192. · Emploi absolu (relatif à a, b) : Ø 9. On était là pour conserver, pour réprimer, pour arrêter; mais ce sont les fonctions d'un gouvernement, et non pas celles d'un club. GERMAINE NECKER, BARONNE DE STAËL, Considérations sur les principaux événements de la Révolution française, tome 1 1817, 1817, page 313. 2. [Le complément exprime une qualité ou une propriété intrinsèque au sujet; l'action n'est que partiellement intentionnelle] Conserver quelque chose : Ø 10. Ils paraissaient plus occupés de conserver en eux la pureté de leur flamme intérieure que de la communiquer aux autres. On eût dit qu'ils ne tenaient pas à faire vaincre leurs idées, mais seulement à les affirmer. ROMAIN ROLLAND, Jean-Christophe, Dans la maison, 1909, page 978. — En particulier. Entretenir, soigner son état physique, son aspect extérieur : Ø 11.... les anciens peuples de l'antiquité conservaient leurs chevelures par l'emploi de l'huile céphalique. HONORÉ DE BALZAC, Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau, 1837, page 257. SYNTAXE : Conserver intact : Il n'est qu'une seule façon de conserver intact avec certitude son caractère : c'est de n'avoir jamais besoin d'argent (TOCQUEVILLE, Correspondance [avec Gobineau] , 1851, page 190). Conserver le droit : Les principaux d'entre eux avaient conservé le droit d'avoir des juges qui décidaient certains procès en leur nom (TOCQUEVILLE, L'Ancien Régime et la Révolution, 1856, page 92). Conserver son équilibre : Pour conserver son équilibre, elle plaquait son corps contre le buste de Paterson (R. MARTIN DU GARD, Les Thibault, L'Été 1914, 1936, page 450). Conserver le fil de sa pensée : Pour ne pas l'entendre, pour conserver le fil de ma pensée, il me faut boucher mes oreilles. Toute l'activité de mon âme en serait suspendue et tout mon nerf brisé (MICHELET, L'Oiseau, 1856, page 105). Conserver sa tête, rester maître de soi : Malgré les rugissements de l'eau qui bouillonnait au-dessous de moi, je conservai ma tête et je parvins à une quarantaine de pieds du fond (CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, tome 1, 1848, page 306). Remarque : Ces constructions s'associent aisément avec des adverbes exprimant l'intentionnalité. B.— [Avec une idée de passivité assumée par un sujet qui constate; le complément désigne une qualité ou propriété du sujet et plus rarement de l'objet] Avoir encore (en soi-même), laisser subsister telle chose dans son état antérieur. 1. [Le sujet désigne un être animé ou une chose personnifiée] : Ø 12. Ce n'est pas en prenant ce qui est à autrui qu'on peut détruire la pauvreté : car comment, en faisant des pauvres, diminueroit-on le nombre des pauvres? Chacun a droit de conserver ce qu'il a, sans quoi personne ne posséderoit rien. FÉLICITÉ-ROBERT DE LAMENNAIS, Les Paroles d'un croyant, 1834, page 122. Ø 13. On arriverait encore à s'entendre avec nos non-euclidiens hypothétiques, bien qu'ils ne soient plus des hommes, parce qu'ils conserveraient encore quelque chose d'humain. HENRI POINCARÉ, La Valeur de la science, 1905, page 245. SYNTAXE : Conserver des doutes : On avait conservé quelques doutes. À force d'être trompés, on n'osait plus croire à rien (ERCKMANN-CHATRIAN, Histoire d'un paysan, tome 1, 1870, page 130). Conserver un espoir : Maintenant que je me suis dit qu'il serait insensé de conserver quelque espoir, la suite de cette aventure est pour moi une chose de curiosité, voilà tout (A. DUMAS Père, Le Comte de Monte-Cristo, t. 1, 1846, page 290). Conserver ses habitudes : Le soleil (...) paraît avoir conservé l'habitude de s'entourer de nuages (DU CAMP, En Hollande, 1859, page 12). Conserver la mémoire de quelque chose : Je ne conserverai que la mémoire de leurs efforts et de leur estime (LAMARTINE, Correspondance, 1832, page 282). Conserver son sang-froid = garder ses aptitudes : Un des principes les plus fortement recommandés aux jeunes gens, est de conserver un sang-froid inaltérable dans toutes les circonstances de la vie. Ils le perdent cependant quelquefois (CRÈVECOEUR, Voyage dans la Haute Pensylvanie, tome 1, 1801, page 10). Conserver sa santé : Si vous étiez comme moi, resté au soleil, vous auriez conservé votre santé (KARR, Sous les tilleuls, 1832, page 162). 2. [Le sujet désigne un inanimé] : Ø 14. Long-temps avant l'équinoxe, les feuilles tombaient en quantité, cependant la forêt conservait encore beaucoup de sa verdure et toute sa beauté. Il y a plus de quarante jours, tout paraissait devoir finir avant le temps, et voici que tout subsiste par-delà le terme prévu;... ÉTIENNE PIVERT DE SENANCOUR, Obermann, tome 1, 1840, page 92. Ø 15. La poussière, aussi éternelle en Egypte que le granit, avait moulé ce pas et le gardait depuis plus de trente siècles, commes les boues diluviennes durcies conservent la trace des pieds d'animaux qui la pétrirent. THÉOPHILE GAUTIER, Le Roman de la momie, 1858, page 173. II.— Emploi pronominal. A.— Emploi pronominal réfléchi. Garder une propriété, une qualité physique ou morale : Ø 16.... pour me conserver toujours simple et toujours droit, au milieu des perpétuelles altérations et des bouleversemens que peuvent me préparer l'oppression d'un sort précaire et les subversions de tant de choses mobiles. Je dois rester, quoi qu'il arrive, toujours le même et toujours moi,... ÉTIENNE PIVERT DE SENANCOUR, Obermann, tome 1, 1840, page 27. B.— En particulier. 1. Emploi pronominal non réfléchi ou emploi subjectif. Se réserver, garder pour soi : Ø 17. En dehors des regains capricieux d'une tendresse fanée, il sut toujours se conserver, dans le coeur de la reine, une sorte d'affection bâtarde qui tenait plutôt du pacte que de la sympathie. PHILIPPE AUGUSTE MATHIAS DE VILLIERS DE L'ISLE-ADAM, Contes cruels, La Reine Ysabeau, 1883, page 262. 2. Vieilli. Avoir, garder une position neutre entre deux avis opposés. Remarque : Attesté dans la plupart des dictionnaires généraux du XIXe. siècle. C.— Emploi pronominal passif. Être, rester à l'abri de toute altération : Ø 18. Le vin ne se conserverait pas dans les outres si l'on n'y ajoutait une certaine dose de résine qui l'empêche de se corrompre. EDMOND ABOUT, Le Roi des montagnes, 1857, page 108. Ø 19.... les personnages en faïence se conservent beaucoup plus longtemps que les vrais hommes;... JULIEN VIAUD, DIT PIERRE LOTI, Pêcheur d'Islande, 1886, page 4. STATISTIQUES : Fréquence absolue littéraire : 5 435. Fréquence relative littéraire : XIXe. siècle : a) 12 842, b) 6 811; XXe. siècle : a) 4 629, b) 5 722.