Devoir de Philosophie

Cours: LE DEVOIR

Publié le 11/07/2012

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LE DEVOIR.

 

Certains fondent toute morale sur le devoir, tenu pour une obligation inconditionnée et absolue; d'autres sur un droit positif, défini à partir de la force (Hobbes), ou d'une réalité donnée. Les uns et les autres aboutissent à des morales de l'obligation, où la conscience a surtout à se soumettre. On peut penser au contraire que le devoir et le droit n'ont de sens que par rapport au Bien, valeur que la conscience morale oppose à ce qui est, valeur qui lui paraît plus désirable que contraignante, et par laquelle elle affirme son pouvoir de juger et de dépasser tout ce qui s'impose à elle à titre de fait.

 

A. Contrainte sociale et obligation morale.

 

La morale courante accorde une place prépondérante à l'idée de devoir: être moral, c'est, avant tout, faire son devoir. Mais, le devoir se présente à nous sous deux aspects: l'un social et collectif, l'autre individuel et intérieur.

 

            Sous son aspect social, le devoir est fondé sur les lois de la société (impôts..). En ce sens, le devoir est l'obligation où se trouve l'individu d'accomplir certains actes sous peine de sanctions légales.

Mais souvent nous nous sentons obligés d'agir de telle ou telle mani�re sans que cette obligation puisse se réduire à la nécessité physique ou à la contrainte sociale. Au contraire, le sentiment de notre obligation morale est lié à l'idée de la contingence de notre acte (pour se sentir moralement obligé d'agir d'une certaine façon, il faut sentir que l'on pourrait agir autrement.

En certain cas, nulle contrainte, physique ou sociale, ne nous impose une conduite; nous sommes libres de faire ce qui nous plaît; et pourtant nous nous sentons intérieurement obligés d'accomplir tel ou tel acte. Le devoir se présente donc comme une obligation purement morale: il se traduit par un sentiment de contrainte intérieure susceptible de déterminer notre action en faisant échec à nos craintes, à nos penchants.

 

            Le devoir social a sa source dans la loi établie par la société. De même, le devoir moral peut être considéré comme l'expression de la loi morale présente en notre conscience. On sait que cette loi nous semble à la fois non-contraignante et nécessaire, individuelle et universelle. Ces caract�re contradictoires se retrouvent dans le devoir: l'acte que le sentiment de l'obligation morale nous ordonne d'accomplir nous apparaît à la fois comme contingent (puisque nous pouvons l'accomplir ou non) et comme nécessaire (puisque nous devons l'accomplir). En ce sens, on peut dire que nous sommes à la fois libres et contraints. De même, le sentiment de l'obligation morale semble n'avoir son si�ge qu'en nous, et pourtant nous dépasser et se présenter comme universellement valable.

 

B. Interprétations du devoir.

 

            Toutes les interprétations que l'on a données du devoir se proposent de rendre compte de cette contradiction: il s'agit, pour cela, de découvrir un dualisme intérieur à l'homme, de montrer que, dans le devoir, l'homme social contraint l'homme individuel, ou que l'homme rationnel contraint l'homme affectif, ect.

            Les sociologues ont surtout insisté sur la contradiction existant entre le fait que le devoir semble émaner de nous et le fait qu'il nous contraigne. Pour la résoudre, ils font appel à leur conception particuli�re des rapports de la conscience collective et de la conscience individuelle. Le devoir proviendrait du sentiment que nous prenons de la  contrainte que la société exerce sur nous. Si un tel sentiment semble à la fois nous dépasser et émaner de nous, c'est que la conscience collective dépasse la conscience individuelle, et pourtant vit en elle.

            Cette th�se ne semble pas rendre exactement compte des caract�re du devoir. En faisant notre devoir, nous n'avons pas l'impression d'obéir à une contrainte sociale, mais au contraire d'accomplir une action que nous avons jugée bonne. Le devoir semble émaner de notre conscience individuelle, qui le fonde et le justifie: il exprime notre liberté. En outre, il arrive que la conscience ressente comme des devoirs des obligations non sociales. Parfois même la conscience individuelle (à tort ou à raison, mais avec sincérité) critique les lois de la société, les juges: immorales et s'insurge contre elles. Le sentiment du devoir ne paraît donc pas pouvoir être intégralement expliqué à partir de la conscience collective.

            Aussi, la plupart des moralistes ont-ils cherché l'explication du devoir dans la conscience individuelle. C'est ainsi que, pour Kant, la loi morale émane de la raison. Le sentiment d'obligation qui est le propre du devoir provient de ce qu'il y a en nous des obstacles à la détermination de la volonté par la loi morale. Si, en effet, nous étions seulement des êtres raisonnables, nous obéirions sans contrainte aux ordres de la raison. Mais nous sommes aussi des êtres sensibles, et nos inclinations contrecarrent souvent les décisions de notre volonté raisonnable. La loi morale prend alors la forme d'un impératif, impératif catégorique nous  commandant sans condition. Un tel impératif émane de la raison: nos tendances n'y ont point de part.

 

            On peut trouver inexacte cette division radicale de l'homme en "nature sensible" et "en raison", et penser que le dualisme dont émane le sentiment du devoir peut, en bien des cas, être intérieur à notre sensibilité elle-même. Si je me sens le devoir de rendre de l'argent que j'ai trouvé, sans doute est-ce aussi bien en considérant la peine qu'éprouvent ceux qui l'ont perdu, en étant ému de leur chagrin, que par une obligation rationnelle. De façon plus générale, il semble difficile de séparer l'idée de devoir de celle de Bien, et de concevoir le Bien indépendamment d'une tendance, d'une inclination vers le Bien. Le devoir ne se présente pas à nous sous la forme d'un impératif catégorique commandant sans condition: dans la délibération morale nous hésitons souvent pour savoir lequel, de deux actes, est le meilleur; nous pouvons refuser d'accomplir un devoir au nom d'un devoir plus impérieux. En un mot, l'action que nous nous sentons moralement obligés d'accomplir  meilleure".

 

Il ne paraît donc pas possible de partir du devoir, conçu comme une obligation inconditionnée, pour reconstruire la moralité. La vie morale ne saurait avoir pour base l'acceptation d'une obligation qui ne se justifie pas, que celle-ci vienne d'une loi sociale ou d'un impératif de la raison. Le sentiment du devoir est inséparable de l'idée que nous nous faisons du bien, de l'attrait que nous éprouvons pour le Bien; il est inséparable, par conséquent, de notre réflexion personnelle et de nos tendances, autrement dit de l'ensemble de notre conscience.   

            L'action morale ne nous semble obligatoire que parce qu'elle nous semble bonne. Même dans les sociétés primitives, ou chez les individus les plus soumis aux mots d'ordres sociaux (autrement dit même dans le cas où l'action morale est imposée par la société sans qu'il y ait acceptation réfléchie de la conscience), l'action obligatoire apparaît à la conscience comme bonne, respectable, sacrée: elle se colore de valeur. A plus forte raison lorsque la conscience morale cherche à déterminer de façon réfléchie un ordre idéal désirable. C'est de la reconnaissance, par le sujet moral, d'un tel ordre qu'il faut partir pour comprendre le devoir. En effet, une fois le Bien déterminé par un examen réfléchi, par une libre appréciation de la conscience individuelle, certaines de nos tendances peuvent s'opposer à la réalisation de l'idéal que notre conscience a jugé désirable: de ce conflit résulte le sentiment de la contrainte, du devoir.

 

C. La place du devoir dans la vie morale.

 

            Si le devoir résulte de l'opposition des jugements portés par notre conscience morale et de certaines de nos tendances, on comprend que les moralistes qui consid�rent la  nature humaine comme mauvaise et opposent nature et moralité aient fait du devoir l'élément essentiel et fondamental de la conscience morale. C'est le cas de certains moralistes religieux, et aussi de Kant. Pour ce dernier, le devoir doit s'imposer de lui-même: l'acte doit être fait par pur respect pour la loi morale, toute intervention d'un sentiment, d'une inclination naturelle viciant la pureté du fait moral.

            Au  contraire, les moralistes qui rapprochent nature et moralité estiment que le devoir n'est pas essentiel à la moralité. Ainsi, les morales antiques font peu de place au devoir. Spencer, fid�le à ses idées sur l'évolution, dans laquelle il voit l'effet de l'adaptation, pense que le sentiment d'obligation disparaîtra lorsque l'adaptation de l'individu à la société sera parfaite. Guyau, voyant dans "l'instinct universel de la vie" la source de toute moralité, veut rejeter de la morale l'idée d'obligation.

             Nous ne pensons pas que les ordres de la conscience morale soient, par essence, opposés à notre nature. Le sentiment de l'obligation ne nous semble donc pas avoir une valeur intrins�que. Si l'homme était parfaitement adapté à la société et à lui-même, si ses désirs étaient d'accord avec les exigences sociales, et avec ses aspirations impersonnelles, il y aurait moralité sans devoir. Mais il n'en est pas ainsi: entre la société et nous, ainsi qu'au-dedans de nous-même, les conflits sont incessants: aussi l'acte jugé bon sera-t-il accompli en dépit d'une partie de nos tendances, et semblera-t-il faire violence à notre nature. Il nous semble donc que le devoir, sans avoir de valeur propre, est un moment nécessaire de l'action morale.

 

            C'est en ce sens que Davy a pu dire qu' "il n'est pas de moralité sans obligation". Pour une conscience raffinée, dit en effet Davy, "le mieux, même en ses plus fines nuances, apparaît toujours comme obligatoire, et la moindre défaillance dans sa poursuite est remords". De fait, le sujet moral se sent toujours au-dessous des valeurs qu'il sert; elles s'imposent à lui, il sent donc le devoir d'y conformer sa conduite. Kant a donc raison de prétendre que nul ne doit se croire au-dessus de son devoir. Mais il ne nous semble pas que l'on puisse conclure qu'il n'y ait rien au-dessus du devoir: au-dessus du devoir, il y a la Valeur qu'on a le devoir de réaliser et de servir, et, au dessus de la contrainte, même intérieure, il y a l'amour.

 

« (par exemple sur la société) mais l'intention elle-même : si mon intention était purement égoïste, mon action ne sera jamais morale, même si elle a eu des conséquences utiles pour autrui.

Une action est morale quand ma volonté s'est déterminée eu égard à la seule raison, et non par rapport à la sensibilité.

Selon Kant en effet, je ne décide pas de mes désirs sensibles : une volonté déterminée par les désirs n'est donc plus une volonté libre.

Être libre, c'est faire ce que la raison me dicte, c'est-à-dire mon devoir ; la question cependant est de savoir en quoi ce devoir consiste.

4.

Qu'est-ce que faire mon devoir ? Mon devoir, c'est de faire ce que la loi morale commande avant de cher­ cher à satisfaire mes désirs et mes intérêts.

Le devoir n'a donc rien de plai­ sant ou d'agréable ; plus même, si je fais mon devoir parce que j'y prends du plaisir, mon action ne sera pas véritablement morale (car c'est par plai­ sir que j'aurai agi, et non par devoir).

Ainsi, si je dis la vérité, mais que je le fais par intérêt, mon action sera certes conforme au devoir, mais pas faite par devoir: elle n'aura aucune valeur morale.

Mais alors, qu'est-ce que m'ordonne de suivre ma raison ? Pour que mon action soit morale, il faut que la maxime de mon action (son intention) puisse être universalisée sans contradiction.

Puis-je vouloir un monde où tous mentiraient tout le temps sans contradiction ? Si la réponse est négative, c'est que mentir n'est pas un acte moral.

C'est précisément parce que je suis un être libre, toujours tenté de faire passer ses intérêts et ses désirs avant mon devoir, que ce dernier prend pour moi la forme d'un impératif catégorique: ce que la raison exige, c'est que j'agisse par devoir, c'est-à-dire par pur respect pour le commandement moral, sans aucune considération de mes intérêts.

5.

Le devoir n'est-il alors qu'une contrainte ? Le devoir ne me contraint pas à me soumettre : il m'oblige à obéir, et c'est bien différent.

j'obéis à la loi morale, parce que je sais qu'elle est juste, alors que je me soumets à un bandit qui me menace de son arme.

Le bandit me contraint en usant de sa force; le devoir m'oblige.

Dans le cas du voleur, je me soumets à une force extérieure à moi qui me prive de ma liberté ; dans le cas du devoir, je reconnais la légitimité du commandement moral qui me libère de la tyrannie de mes désirs et me hausse jusqu'à l'universel.

A retenir, cette citation d'Emmanuel Kant :. »

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