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L’école DE LA RÉPUBLIQUE

Publié le 27/12/2018

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L’école

 

DE LA RÉPUBLIQUE

 

L’école primaire publique, l’école du peuple, laïque, gratuite et obligatoire, c’est l'école de Jules Ferry. Vingt ans après les grandes lois de 1881-1882, une large partie des ambitions du ministre sont passées dans les faits. Aussi, l’école des années 1900 fait-elle aujourd’hui figure de mythe, lié à celui de la Belle Époque: la mairie-école aux salles hautes et claires, les «hussards noirs de la République», le maître et la maîtresse modestes, dévoués et honorés, les certitudes pedagogiques, l'apprentissage de la cohésion nationale et du patriotisme, la confiance des populations. On est cependant en droit de se demander ce que valent ces représentations quand on sait les contestations dont a été l'objet l'école de la III1 République dans laquelle la droite voyait le lieu de l'anticléricalisme et de l'antipatrio-tisme, l'extrême gauche un puissant soutien de l’ordre national et bourgeois.

Gratuité et obligation exigent un réseau scolaire dense. Vers

 

1900, celui-ci a été mis en place et le maximum est atteint avec plus de 67 000 écoles élémentaires, 24 000 de garçons. 23 000 de filles et 20 000 mixtes. Bien qu'on reste en général fidèle à la séparation des sexes, l’augmentation a porté sur les écoles mixtes, pour des raisons pratiques dans les villages qui se dépeuplent, mais aussi pour des raisons d'ordre pédagogique là où l’on dispose d’un couple d'enseignants: les petits sont confiés à l’institutrice et les grands à l'instituteur.

 

Cette évolution est en grande partie commandée par la féminisation du corps enseignant. De 1886 à 1906, le pourcentage des femmes est passé de 43 % à près de 50 % ; leur nombre a augmenté de 42 000 à 55 000 alors que celui des hommes stagne autour de 55 000 ou 56 000. C'est à elles notamment que l’on fait appel, après les lois anticongréganistes de 1901-1904. pour remplacer les dernières sœurs et faire face à l'afflux de 400 000 élèves de l'enseignement privé. Cette féminisation révèle une sévère crise de recrutement du côté masculin. Signalée dès les années 1890, celle-ci s'explique, de l’aveu même de l’administration, par l’insuffisance des traitements et se traduit, de manière qualitative, par le fait que les femmes sont plus nombreuses à posséder le brevet supérieur parmi le personnel le plus jeune.

 

L’effort de recrutement a porté ses fruits, réussite facilitée, il est vrai, par la diminution des effectifs due à la stagnation démographique et à la concurrence de l’enseignement privé: de 1881 à

 

1901, le nombre total des élèves est passé de 4 350 000 à 4 073 000. le nombre moyen d'élèves par classe a diminué de 50 à 40, les classes de plus de 80 élèves ont pour ainsi dire disparu et celles de plus de 50 élèves sont passées de 45 % à 5 %. L’afflux des élèves du privé ne dégrade pas la situation moyenne, mais il engendre de fortes tensions locales. Aux deux extrémités, la pédagogie reste donc difficile : dans les classes surchargées des villes et de certains bourgs, et dans les petites classes des villages qui dépérissent.

 

Urbaine ou rurale, l’école s’inscrit dans le paysage. Sans doute 800 communes sont-elles légalement réunies à une autre car trop petites pour assurer les dépenses nécessaires. Mais la grande majorité d’entre elles ont une ou plusieurs maisons d'école, 61 000 au total dont plus des neuf dixièmes sont leur propriété, condition sine qua non d'un bon entretien. Les communes les plus riches et les plus attachées à l'instruction ont construit des «palais scolaires» comme se plaisent à dire les adversaires de l'instruction publique. Cependant, de vieilles maisons sont encore utilisées où s'altère la santé des maîtres et des élèves, des bâtiments neufs ne sont pas entretenus, des annexes laissent à désirer, préaux et «privés» notamment, certains voisinages entraînent des perturbations diverses (salle de mairie, remise des pompes à incendie, fromagerie, etc.). Le jardin existe souvent, si utile comme ressource d’appoint pour l’instituteur et comme objet d’étude pour les élèves, mais il n'est pas toujours bien situé ni pourvu d'une terre appropriée. Cependant, dans l’ensemble, le parc immobilier a été renouvelé, il offre un aspect plus avenant et correspond mieux à sa vocation qui est d'attirer les enfants pour assurer à la fois une bonne fréquentation et le succès de l’école laïque.

 

La laïcité

 

En ce début de siècle, l’école laïque est toujours contestée. Elle l’est d'abord par le dynamisme de l’enseignement libre qui est de plus en plus souvent tenu par des congréganistes. Alors que les effectifs de l’école publique déclinent, ceux de l’école libre progressent (1 360 000 en 1901, soit le quart des écoliers). Les lois Combes, qui finissent par interdire l’enseignement à tout congréganiste, lui portent un coup très dur. mais il lui reste encore un million d'élèves en 1905-1906, ce qui montre bien la résistance qu’oppose la société à une laïcisation totale, notamment dans certaines régions comme l’Ouest armoricain ou l'est et le sud du Massif central.

Deux idées s’imposent pour conclure. En premier lieu, il est clair que l’histoire de l’école relève de la longue durée, celle de la diffusion des idées parmi les enseignants et de la transformation des mentalités parmi les parents. Rien d'étonnant si l'école de Ferry s'est réalisée lentement pour atteindre sans doute son apogée vers 1930. Il a fallu près d'un quart de siècle pour que s'imposent les images que nous énumérions en commençant et dont l’agencement constituait une réalité dans peu de cas. une idéalisation souvent, bref, un mythe. C'est pourquoi, en second lieu, il faut se persuader, en relisant les textes de l'époque, qu'il n’y a pas d'âge d'or pour les contemporains: si d’authentiques réussites sont constatées, des échecs sont enregistrés et des ambitions paraissent excessives. L'esprit critique est déjà en éveil, mais le doute portant sur l’architecture générale de l'édifice ne touche encore que des cercles très étroits.

« L:ÉCOLE DE LA RÉPUBLIQUE.

Ceue clt15Sf photographiit l'fT5 1900 résume m·ec saveur le quotidien d'une école /a/que.

© Hm·/ingue -Violier L:ÉCOLE DE LA RÉPUBLIQUE.

Celle illustration féroce parue da!IS l'Assiette au beurre met dos à dos l'Église et/a Républiq11e qui se disputent le contrôle des esprits.

� Kharbine -Edimedia L'ÉCOLE DE LA RÉPUBLIQUE.

A.-amles mesum anticongréganistes, l'enseignemem religieux concerne le quarr des écoliers.

Ci-contre: les pensionnaires d'une institwio11 rtligieuse au débw du siècle.

© Collectio11 Viol/et Pour l'école publique, les années 1900 sont une période agilée.

Certes.

depuis vingt ans que sont appliquées les lois laïques.

bien des difficultés, sans disparaître.

se sont estompées.

qu'avaient provoquées par exemple la laïcisation du discours et des activités des maîtres, les relations avec le curé ou la suppression dans les écoles des emblème religieux.

Mai elles prennent une nouvelle ampleur avec l'élimination de� dernières co�grégations.

puis.

au lendemain de la séparation des Eglises et de l'Etat, a,·ec !'«affaire des manuels».

Les catholiques.

changeant de stratégie vers 1907-1908, exigent désormais une neutralité qu'ils ont combattue au temps de Ferry.

Ils fondent, pour contrôler les maîtres, des associations de pères de famille et les évêques mettent à l'Index plusieurs manuels: les amicales d'institu­ teurs ripostent ct engagent des procès.

La guerre scolaire est de retour dans certains villages.

des parents retirent leurs enfants de l'école publique, le Parlement s'empare du problème.

avec mollesse cepen­ dant, car l'obligation scolaire ne concerne pas seulement des catho­ liques récalcitrants mais la société tout entière.

L·osuGATLON scOLAIRE En effet.

au cours des débats parlementaires qui durent de 1907 à 191�.

la question de la laïcité se mêle à celle de la fréquentation scolaire qui reste insuffisante.

Assurément.

certaines statistiques glo­ bales laissent entrevoir des progrès: en 1906, 50 000 enfants d'âge scolaire seulement ne sont pas inscrits sur les registres matricules (si l'on exclut les anormaux) et le rapport entre les inscrits de juin et ceux de décembre s'élève à 98.5 %.

cc qui pourrait laisser croire à la fin de la désertion d'été.

En revanche.

les absences causent de l'inquiétude au point de provoquer à partir de 1906 projets et propositions de loi: 7 % des élèves des écoles urbaines et 15 % des élèves des écoles rurales sont absents vingt jours par an.

de 10 o/o à 25 % plus souvent encore, et même entre 4 % et 10 % plus de quatre mois, moyenne nationale dépassée dans le quart des départements.

éanmoins.

selon les vieilles statistiques officielles.

les ré­ sultats de l'instruction sont bons: 4,3 % de conjoints illettrés du côté des hommes et 6,3 % du côté des femmes.

4,8 % de conscrits illettrés.

Mais que valent ces chiffres? C'est cc que se demande Briand en 1907: «Doit-on considérer comme des lettrés des jeunes gens sachant épeler péniblement un texte ou ceux qui pan·iennent d'une main malhabile à tracer les lettres de leur nom? ,.

L'orateur propose de porter à environ 30% le nombre de lettrés insuffisants et ses estima­ tions seront confirmées par les premiers examens sérieux des conscrits en 1912.

La cause de l'alphabétisation est gagnée.

la bataille de l'illet­ trisme commence.

Projets et propositions de loi visent à une application stricte de la loi de 1882, à reporter de Il à 12 ans l'âge du certificat d'études.

à confier au juge de paix la répression des infractions, et, pour les plus audacieux.

à prolonger la scolarité obligatoire jusqu'à 14-15 ans et à organiser au-delà une demi-scolarité professionnelle à l'instar des pays voisins.

Certains, comme Ferdinand Buisson, vont plus loin encore, qui voudraient remplacer les filières parallèles à peu près étanches du primaire et du secondaire.

fondées sur une différenciation sociale, par des cycles successifs que les enfants parcourraient en fonction de leur âge.

Commencent ainsi les débats autour de l'école unique qui posent des questions plus largement sociales que scolaires.

Même modestes, les projets se heurtent à des obstacles socio-économiqucs redoutables: la pauvreté de parents qui mene nt leur enfant au travail ct les besoins de l'agriculture en main-d'œuvre enfantine.

S'il y a quelques progrès au début du siède, c'est grâce à l'amélioration des conditions de vie et à de nouvelles techniques agri­ coles.

Même dans des régions très bien disposées en faveur de l'en­ seignement, on constate le poid des conditions économiques: en ville.

la scolarité est plus précoce et plus assidue parce que plus courte, les enfants trouvant un travail salarié assez jeunes; au contraire, dans les campagnes.

la scolarité s'allonge au-delà de 13 ans pour compenser le raccourcissement des années scolaires dû aux tra­ vaux des champs.

Consciente de ces pesanteurs, l'administration en­ tend améliorer la fréquentation en rendant l'école plus attirante par la qualité de l'enseignement.

le rayonnement des activités extrascolaires et le comportement des maîtres.

L·ENSElGNEME T Ce qui précède montre que la tâche fondamentale, ap­ prendre à lire, écrire et compter, est à reprendre inlassablement.

Cependant, après 1900.

on se trouve dans un au-delà de l'alphabétisa­ tion, même dans les régions retardataires situées au sud d'une ligne Saint-Malo-Genève.

En revanche, les lois Ferry ont formulé des ob­ jectifs plus ambitieux qui n'ont pas encore été atteints.

Sans doute les méthodes préconisées sont-elles largement employées (division en cours.

cahier mensuel, emploi du temps, progression annuelle, etc.).

Sans doute les matières dites nouvelles sont-elles de mieux en mieux enseignées: histoire ct géographie introduites dès 1867.

«notions usuelles de droit ct d'économie politique, éléments des sciences na­ turelles, physiques et mathématiques, leurs applications à l'agri­ culture, à l'hygiène, aux arts industriels».

Mais d'autres matières ont moins réussi en raison de l'insuffisance d'aptitude de nombreux maîtres (dessin, modelage, musique), par manque de matériel dû aux. »

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