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C. E. 28 mai 1954, BAREL, Rec. 308 concl. Letourneur

Publié le 01/10/2022

Extrait du document

« FONCTIONNAIRES - LIBERTÉ D'OPINION ÉGALITÉ D'ACCÈS A LA FONCTION PUBLIQUE C.

E.

28 mai 1954, BAREL, Rec.

308 œncl.

Letonmenr (S.

1954.3.97, note Mathiot; D.1954.594, note Morange; R.

D.

P.

1954.509, concl.

Letourneur, note Waline; R.

P.

D.

A.

1954.149, concl.

Letourneur, note Eisenmann; _ A.

J.

1954.11.396, note Long; Rev.

Adm.

1954.393, concl.

Letourneur, note Liet-Veaull'.). Cons.

que les requêtes susv1sees présentent a Juger les mêmès questions; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par une seule décision; Sur les interventions : Cons.

que les groupements intervenants ont intérêt à l'annulation des décisions attaquées; que, dès lors, leurs interventions sont recevables; Sur la légalité des décisions attaquées : Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des pourvois : ·Cons.

qu'aux termes de l'art.

ter du décret du 13 janv.

1950, modifiant le décret du 9 oct.

1945 relatif à l'Ecole nationale d'adminis­ tration, « les conditions générales d'admission au concours, le nombre des places mises au concours, la date d'ouverture des épreuves et la liste des candidats admis à y prendre part sont fixés par arrêtés du président du conseil»; que, par décret du 18 juill.

1953, le secrétaire d'État à la présidence du conseil a été chargé d'exercer les attributions conférées au président du conseil par les décrets susvisés des 9 oct. 1945 et 13 janv.

1950; • Cons.

que, s'il appartient au secrétaire d'Etat, chargé par les textes précités d'arrêter la liste des candidats admis à concourir, d'apprécier, dans l'intérêt du service, si les 'candidats présentent les garanties requises pour l'exercice des fonctions auxquelles donnent accès les études poursui­ vies à l'Ecole nationale d'administration et s'il peut, à cet égard, tenir compte de faits et manifestations contraires à la réserve que doivent observer ces candidats, il ne saurait, sans méconnaître le' principe de , l'égalité de l'accès de tous les Français aux emplois et fonctions publics, écarter de ladite liste un candidat en se fondant exclusivement sur ses opinions politiques; Cons.

que les requérants, auxquels le secrétaire d'État à la présidence du conseil a, par les décisions attaquées, refusé l'autorisation de prendre part au concours ouvert en 1953 pour l'admission à l'Ecole nationale d'administration, soutiennent qu'ils n'ont été éliminés de la liste des candidats arrêtée par ledit secrétaire d'État qu'à raison des "opinions politiques qui leur ont été imputées; qu'ils se prévalent à l'appui de leur allégation de circonstances et de faits précis constituant des présomptions sérieuses; que, néanmoins, le secrétaire d'État, dans ses observations sur les pourvois, s'il a contesté la portée des circonstances et faits sus-mentionnés, s'est borné à indiquer, en outre, qu'il appartenait au Conseil d'État de rechercher parmi les pièces versées aux dossiers celles qui lui permettraiént de dégager les motifs des décisions prises et s'est ainsi abstenu de faire connaître le motif de ses décisions; qu'en cet état de la procédure la section du contentieux, chargée d~ l'instruction des requêtes, usant du pouvoir qui appartient au Conseil d'Etat d'exiger de l'administration compétente la production de tous documents susceptibles d'établir la conviction du juge et de permettre la vérification des allégations des requérants a, par délibération du 19 mars 1954, demandé au secrétaire d'État la production des dossiers constitués au sujet de la candidature de chacun des requérants; qu'en~e qui concerne !es sieurs Barel et Bedjaoui, aucune suite n'a été donnée par le secrétaire d'Etat à cette demande; que, s'agissant des sieurs Guyader, Fortuné et Lingois, la section du contentieux a, en réponse à une lettre du secrétaire d'État en date du 13 mai 1954 concernant ces trois candidats, précisé que les dossiers dont le Conseil d'État, réclamait la communication comprennent l'ensemble des pièces, rapports et documents au vu desquels les décisions attaquées ont été prises; qu'il n'a pas été satisfait à cette dernière demande par les productions faites le 25 mai 1954; qu'il ressort de l'ensemble des circonstances susrelatées de l'affaire que le motif allégué par les auteurs des pourvois doit être regardé comme établi; que, dès lors, les reqpérants sont fondés à soutenir que les décisions déférées au Conseil d'Etat reposent sur un motif entaché d'erreur de droit et, par suite, à en demander l'annulation pour excès de pouvoir; ... (Annulation). OBSERVATIONS I. L'intérêt de l'arrêt Barel n'est pas moins grand au point de vue juridique qu'au point de vue politique.

Sur le plan juridique, il définit avec netteté les limites du pouvoir discrétionnaire, et il précise d'autre part les règles relatives à la charge de la preuve et les pouvoirs d'instruction du juge administratif.

Sur le plan politique, il donne toute sa portée au principe de la liberté d'opinion des fonctionnaires. , Par décisions des 3 et 7 août 1953, le secrétaire d'Etat à la présidence du conseil refusait les candidatures au concours d'entrée de l'Ecole nationale d'administration des sieurs Barel, Guyader, Fortuné, Lingois et Bedjaoui.

Quelques jours après, le journal Le Monde publiait un comm}lniqué d'après lequel un membre du cabinet du secrétaire d'Etat avait déclaré que le gouvernement était décidé à n?accepter aucun candidat communiste à l'E.

N.

A.

Le communiqué provoqua une grande émotion, mais ne fut pas démenti.

Cependant, le 4 nov.

1953, le secrétaire d'État, interpellé à l'Assemblée, affirma qu'aucun candidat n'avait été exclu du concours pour des motifs politiques et que les déclarations faites au journal Le Monde émanaient d'un « irresponsable non identifié».

Entre temps, le directeur de l'Ecole avait d'ailleurs déclaré à l'un des candidats qu'il avait été exclu parce q~'il était communiste.

Les candidats _ estimèrent, malgré les dénégations du ministre, avoir assez de preuves de l'illégalité çlu refus qui leur avait été opposé pour le déférer au Conseil d'Etat, qui l'a annulé moins d'un an après en avoir été saisi.

La brièveté du délai de jugement est bien explicable.

D'une part, le débat à l'Assemblée et l'ordre du jour du 14 nov.

étaient une invitation à régler rapidement le litige; d'autre part, le dossier n'étant pas en état lors de l'entrée en vigueur de la réforme du contentieux, eût dû ê!re envoyé au tribunal administratif de Paris, si le Conseil d'Etat ne l'avait conservé par la mise en demeure prévue par l'art.

4 du décret du 30 sept.

1953 : cette mise en demeure engageait moralement le Conseil d'État à juger rapidement la requête; enfin il était souhaitable que l'affaire fût jugée avant le concours suivant, afin que le gouvernement et les candidats sachent à quoi s'en tenir. L'af(aire fut encore corsée par le refus du minisJre de produire les pièces qui devaient permettre au Conseil d'Etat de se faire une opinion sur les motifs réels de la décision attaquée : ainsi la décision devait-elle prendre une importapce capitale du point de vue juridique puisque le Conseil d'Etat était amené à préciser l'étendue de son contrôle et les moyens dont il dispose pour l'exercer. II.

- A.

- Ainsi que l'exposa le commissaire du gouvernement Letourneur, lorsqu'aucun texte législatif ou réglementaire ne limite le droit d'action qui appartient normalement à l'administration, le juge ne peut que vérifier, d'une part si l'acte est fondé sur un motif de droit e"oné ou sur des faits matériellement inexacts, d'autre part s'il est entaché de détournement de pouvoir.

Or, la jurisprudence a toujours considéré que les candidats, même remplissant les conditions législatives et réglementaires, n'avaient pas de droit à concourir, mais qu'il appartenait au ministre d'écarter, dans l'intérêt du service, ceux qu'il estimait incapables de remplir la fonction « selon l'esprit et le but en vue desquels la loi l'a instituée».

Le ministre dispose, à cet égard, d'un pouvoir d'appréciation très large sur les faits de nature à justifier une décision de refus, tels que les propos ou attitudes incompatibles avec la réserve que doit observer tout candidat à un emploi public : encore ce pouvoir est-il soumis au contrôle minimum de l'erreur de droit dans les motifs, de l'inexactitude matérielle des faits et du détournement de pouvoir (C.

E.

10 mai 1912, Abbé Bouteyre *; - 25 juill.

1939, Delle Reis, Rec.

524; - 8 déc.

1948, Delle Pasteau, Rec.

464; S.

1949.3.41, note Rivero; - 3 mai 1950, Delle Jamet, Rec. 247; - 29 juill.

1953, Lingois, Rec.

413; D.

1954.99, note Morange) - auquel il faut ajouter aujourd'hui celui de l'erreur manifeste (v.

nos observations sous l'arrêt du 4 avr.

1914, Gomel* et Société anonyme Librairie François Maspero *). L'existence de ce contrôle implique la possibilité pour le juge de l'exercer.

Or le juge administratif dirige rïnstruction : il ne met pas la preuve à la charge du demandeur.

Il lui demande seulement de se montrer précis et de réunir, à l'appui de ses allégations, tous les moyens de preuve dont il peut disposer (cf. C.E.

23 déc.

1955, Lévy, Rec.

608; D.

1956.27, concl.

Lasry; 27 oct.

1965, Ministre de l'éducation nationale c.

Sukada et Lamas, Rec.

557; D.

1966.145, note Gilli) : si la requête est vague ou imprécise, elle sera rejetée parce que lé requérant n'établit pas la véracité de ses dires (C.

E.

9 juill.

1954, Corde/et, Rec.

439; A.

J.

1954.II.396, note Long); si au contraire elle comporte un ensemble.... »

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