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Commentaire de l'arrêt « Bréart de Boisanger » du Conseil d'Etat, le 13 juillet 1962 (droit)

Publié le 31/08/2012

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Edouard Laferrière, vice-président du Conseil d'État et auteur du premier grand traité de contentieux administratif, fait une classification quadripartite des moyens d'annulation propres à être soulevés par le requérant, à savoir : le vice d'incompétence, le vice de forme, la violation de la loi et le détournement de pouvoir, comme ici dans l'affaire Bréart de Boisanger. Ces moyens peuvent être regroupés en deux « causes juridiques « (Cours de Droit Administratifs, Jacqueline Morand Deviller) qui sont l'illégalité externe et l'illégalité interne. Concernant l'illégalité interne, la différenciation des moyens d'annulation va se faire entre la notion de motif ou objet de l'acte (relative à la violation de la loi ) et celle de but de l'acte (relative au détournement de pouvoir) En effet, il s'agit désormais de faire la distinction entre motif et but de l'acte. Les motifs sont les éléments objectifs antérieurs à l'acte qui justifient son édiction. Ce sera par exemple la menace de trouble à l'ordre public qui est à la base d'une mesure de police ou le comportement fautif à la base de la sanction d'un fonctionnaire. Alors que la recherche du but de l'acte, comme c'est le cas dans cette affaire, est un élément plus subjectif : le juge va chercher à déterminer les intentions de l'auteur de l'acte, dans une vision postérieure. En effet, le gouvernement en édictant l'acte réglementaire agit dans le seul but de faire échec aux précédentes décisions du juge. Toutefois, malgré cette distinction entre les buts et les motifs de l'acte, le juge affiche une préférence pour les techniques de contrôle portant sur les motifs de l'acte. D'après lui, le contrôle des motifs serait une démarche objective qui se rattacherait à la notion de violation de la loi alors que le contrôle des buts de l'acte aurait une forte connotation subjective, dont les preuves seraient difficiles à apporter. En effet, dans la pratique il est souvent difficile d'établir l'illégalité quant aux buts : il s'agit donc ici pour le juge de dégager les intentions secrètes (les buts dits psychologiques) du gouvernement quand il a modifié par décret l'article 14 du décret du 14 février 1946.

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« justifiant pas une « sanction disciplinaire ». L'autorité de chose jugée a dans ce cas une dimension absolue, ce qui signifie qu'elle est opposable à toute personne.

En effet, il serait anormal qu'une décision jugéeillégale à l'égard d'un requérant puisse être légale pour un tiers qui ne l'aurait pas attaquée. Dans le cas présent, la logique de l'effet rétroactif de l'annulation contentieuse s'applique donc.

Contrairement au principe général selon lequel les actes administratifsne sauraient être rétroactifs, la décision d'annulation pourra comporter un effet rétroactif afin d'aboutir à une véritable resitutio in integrum.

C'est-à-dire que lesconséquences d'un acte administratif uniltéral annulé doivent également être annulées ; la situation doit être rétablie à l'identique de ce qu'elle était avant l'irruption del'acte annulé.

La décision annulée est censée n'avoir jamais existé.

L'administration doit donc effacer tous les effets directs ou indirects depuis l'origine.

Ainsi, ilapparaît clairement que la rétroactivité de l'annulation s'impose. D'après la jurisprudence Véron-Réville du 27 mars 1949, le sieur Bréart de Boisanger aurait dû être réintégré à son poste à la suite de l'annulation du décret derévocation dont il a été victime. En effet, M.

Véron-Réville était, avant son éviction, magistrat du siège au tribunal de première instance de Bordeaux.

En qualité de juge du siège, il était protégé parl'inamovibilité et ne pouvait donc être affecté à un autre tribunal contre son gré.

Sa mise à la retraite d'office ayant été annulée, l'administration devait reconstituer sasituation administrative comme si cette éviction n'était jamais intervenue, ce qui impliquait son affection au tribunal de première instance de Bordeaux ; si aucuneplace de magistrat du siège dans ce tribunal n'était vacante, le ministre devait retirer la nomination du successeur de M.

Véron-Réville, alors même que cettenomination n'avait nullement été attaquée, afin de permettre la réintégration de l'intéressé dans les fonctions qu'il occupait. Nous constatons donc la puissance de l'annulation d'un acte, à la fois par son caractère rétroactif, ainsi que par l'autorité de chose jugée qu'elle impose, et qui est miseen échec par l'action du gouvernement. L'illégalité du nouvel acte administratif en raison de son but : le juge confronté au détournement de pouvoir volontaire de l'administration Nous allons donc voir dans cette partie en quoi l'Administration peut être mise en cause pour détournement de pouvoir puis dans quelle mesure le juge peut-il denouveau « venir en aide » au requérant en prouvant ce détournement de pouvoir. Un nouveau recours au CE suite au détournement de pouvoir de l'administration Environ un mois et demi après l'annulation des deux décrets individuels par le Conseil d ‘Etat, le requérant, Sieur Bréart de Boisanger, ne bénéficie toujours pas de ladécision du juge car il n'est pas remis à son poste.

Il se retrouve donc bénéficiaire d'une décision que l'administration ne semble pas vouloir exécuter.

En plus de cetteconstatation, le 10 janvier 1962, le gouvernement édicte un décret réglementaire qui tend à légitimer sa révocation et invalide de la même façon les deux annulationsprécédentes.Sieur Bréart de Boisanger invoque alors le recours pour excès de pouvoir auprès du juge, c'est à dire qu'il demande l'annulation de l'acte administratif unilatéral pourinégalité.

Ce recours apparaît comme la garantie principale de la légalité et il existe un PGD selon lequel il serait « ouvert contre tout acte administratif unilatéral »(CE, 17 février 1950).L'originalité de ce type de recours est qu'il ne s'agit pas pour le juge de reconnaître au requérant un droit, mais simplement de répondre à la question de la légalité del'acte attaqué et d'en tirer les conséquences.

En effet, en cas d'illégalité l'acte sera annulé ; dans le cas inverse, la requête sera rejetée.

Le recours pour excès depouvoir peut donc être défini comme un procès fait à un acte. Le juge va donc chercher à prouver en quoi l'acte réglementaire du gouvernement du 10 janvier 1962 constitue un détournement de pouvoir.Le détournement de pouvoir est un moyen par lequel l'administration fait échec à l'autorité de la chose jugée en usant de ses pouvoirs « dans un autre but que celuipour lequel ils lui ont été conférés », qu'il soit particulier ou général.

Or vu le décret du gouvernement modifiant le statut général de l'administrateur de la ComédieFrançaise, il apparaît clairement que l'administration à camouflé sa volonté de révoquer légalement Sieur de Boisanger en faisant passer l'édiction du décretréglementaire comme répondant à l'intérêt général, ce dernier étant accusé de faute professionnelle.

Elle a donc agit dans un intérêt général autre que celui pouvantêtre légalement poursuivi.C'est l'arrêt « Pariset » du 26 novembre 1875 (par le CE) qui a reconnu pour la première fois le moyen de détournement de pouvoir.

Dans cette affaire, deuxentreprises privées de fabrication d'allumettes avaient été fermées sur le but avoué de salubrité publique (législation des établissements insalubres).

Or, en réalité lesdeux entreprises avaient été fermées par l'administration pour ne pas avoir à leur verser d'indemnités (dues suite à loi de 1872 qui instituaient un monopole defabrication qu profit de l'état).

Le but réel ici n'était donc plus politique mais bien financier.Une affaire antérieure à Bréart de Boisanger, l'affaire jugée par le CE « Beaugé » du 4 juillet 1924, serait un autre exemple du détournement de pouvoir dansl'hypothèse d'une poursuite d'un intérêt public différent de celui pur lequel les pouvoirs ont été conférés à l'administration.

En effet, elle révèle le cas d'un maire deBiarritz qui avait interdit aux baigneurs de se changer sur la plage.

Le but déguisé était alors de gagner de l'argent grâce à des cabines de bains payantes, obligatoires,ce qui constitue bien ici un détournement de pouvoir contraire à l'intérêt général. L'originalité du détournement de pouvoir dans le contentieux pour excès de pouvoir est qu'il se réfère au but de l'acte administratif et ne confronte pas seulementl'acte à des exigences légales : il suppose aussi une recherche des intentions de l'administration lorsqu'elle a pris la décision attaquée. Un nouveau recours en annulation plus délicat à motiver pour le juge et qui n'aboutit pas dans les faits Edouard Laferrière, vice-président du Conseil d'État et auteur du premier grand traité de contentieux administratif, fait une classification quadripartite des moyensd'annulation propres à être soulevés par le requérant, à savoir : le vice d'incompétence, le vice de forme, la violation de la loi et le détournement de pouvoir, commeici dans l'affaire Bréart de Boisanger.

Ces moyens peuvent être regroupés en deux « causes juridiques » (Cours de Droit Administratifs, Jacqueline Morand Deviller)qui sont l'illégalité externe et l'illégalité interne.

Concernant l'illégalité interne, la différenciation des moyens d'annulation va se faire entre la notion de motif ou objetde l'acte (relative à la violation de la loi ) et celle de but de l'acte (relative au détournement de pouvoir) En effet, il s'agit désormais de faire la distinction entre motif et but de l'acte.

Les motifs sont les éléments objectifs antérieurs à l'acte qui justifient son édiction.

Cesera par exemple la menace de trouble à l'ordre public qui est à la base d'une mesure de police ou le comportement fautif à la base de la sanction d'un fonctionnaire.Alors que la recherche du but de l'acte, comme c'est le cas dans cette affaire, est un élément plus subjectif : le juge va chercher à déterminer les intentions de l'auteurde l'acte, dans une vision postérieure.

En effet, le gouvernement en édictant l'acte réglementaire agit dans le seul but de faire échec aux précédentes décisions du juge. Toutefois, malgré cette distinction entre les buts et les motifs de l'acte, le juge affiche une préférence pour les techniques de contrôle portant sur les motifs de l'acte.D'après lui, le contrôle des motifs serait une démarche objective qui se rattacherait à la notion de violation de la loi alors que le contrôle des buts de l'acte aurait uneforte connotation subjective, dont les preuves seraient difficiles à apporter.

En effet, dans la pratique il est souvent difficile d'établir l'illégalité quant aux buts : ils'agit donc ici pour le juge de dégager les intentions secrètes (les buts dits psychologiques) du gouvernement quand il a modifié par décret l'article 14 du décret du 14février 1946. En 1962, le détournement de pouvoir ne pouvait être établi que par des preuves indirectes.

Le juge a donc du trouver ici la preuve, implicite, du détournement depouvoir volontaire de l'administration.

Cette preuve est dite implicite car elle ne va pas apparaître clairement dans le dossier, il va falloir la déduire et la faire ressortirpar un faisceau d'éléments qui accusent l'administration du but interdit qu'elle poursuivrait.. »

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