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Commentaire de l'avis du Conseil d'Etat en date du 3 mai 2000, avis Mlle Marteaux : les agents publics et la manifestation des croyances religieuses

Publié le 21/08/2012

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S'agissant des usagers des services publics, et notamment d'élèves dans des établissements scolaires, s'était posée la question de savoir dans quelle mesure fallait-il concilier liberté de conscience et laïcité de l'enseignement.  En effet, de nombreuses affaires avaient l'objet d'un débat autour de l'autorisation ou non du port du voile islamique dans les écoles.  Saisi par le ministre de l'Education nationale, de la jeunesse et des sports, le Conseil d'Etat a tranché la question dans un avis, rendu en Assemblée, le 27 novembre 1989. Il a ainsi rappelé que les élèves, conformément au principe de la liberté d'expression et de croyance, pouvaient porter un signe par lequel ils entendent exprimer leurs convictions religieuses. Mais il a ajouté que cette manifestation ne pouvait être autorisée que dans la mesure où elle ne constituait pas un acte de prosélytisme ni ne portait atteinte au bon fonctionnement de l'établissement.  Le Conseil d'Etat a ensuite repris cette formulation dans de nombreux arrêts mettant en cause des élèves désireux de manifester leurs croyances religieuses (dont le premier :  CE, 2 novembre 1992, Mme Kherouaa).

« effet, les principes de fonctionnement du service public s'apprécient de la même façon selon la nature du service concerné, et notamment le principe de neutralité.Ensuite, le Conseil d'Etat, en répondant à la deuxième question, réaffirme l'interdiction pour les agents publics de manifester leurs croyances religieuses, dans le cadredu service public de l'enseignement, sans qu'il soit nécessaire de distinguer selon qu'ils exercent des fonctions éducatives ou des fonctions d'enseignement.

De cettefaçon, le Conseil d'Etat se prononce en particulier sur l'un des aspects de la neutralité, à savoir l'interdiction de manifester sa religion.Le Tribunal administratif a sans doute voulu établir cette distinction entre fonctions éducatives ou non, puis fonctions d'enseignement ou non, parce qu'en l'espèce, ils'agissait d'une surveillante intérimaire et non pas d'un enseignant, véritable agent du service public de l'enseignement.

Il s'est alors demandé si l'exigence de neutralitélui était également appliquée avec autant de rigueur.En écartant toute distinction, le Conseil d'Etat confirme sa jurisprudence selon laquelle il existe « un devoir de stricte neutralité qui s'impose à tout agent collaborantà un service public » (CE, 8 décembre 1948, Demoiselle Pasteau).

Ainsi, même si la surveillante n'exerce pas directement les fonctions du service public del'Education, elle collabore au fonctionnement de l'établissement scolaire et doit donc respecter le principe de neutralité de la même façon. Sans contester le fait que les principes de fonctionnement du service public s'appliquent sans distinction du service concerné, on peut se demander toutefois s'il n'estpas nécessaire d'être plus vigilent compte tenu de l'âge des usagers.En effet, la neutralité des enseignants doit se manifester dans leurs propos, dans leurs enseignements et dans leur comportement, et ce, afin de n'exercer aucuneinfluence quant à leur religion et de respecter les croyances de chaque élève.

La conscience d'un enfant sera d'autant plus fragile qu'il est d'un très jeune âge, ce quijustifie une plus grande rigueur à l'égard des enseignants, notamment des instituteurs des écoles primaires.D'ailleurs, la circulaire du 12 décembre 1989, du ministre de l'Education nationale, de la jeunesse et des sports, Lionel Jospin, avait clairement énoncé que « ceprincipe (de laïcité) doit s'imposer à l'Ecole avec une force particulière.

Rien n'est plus vulnérable qu'une conscience d'enfant.

Les scrupules à l'égard de la consciencedes élèves doivent amplifier, s'agissant des enseignants, les exigences ordinaires de la neutralité du service public et du devoir de réserve de ses agents.

»Dans la même logique, la Cour Européenne des Droits de l'Homme a considéré dans une décision du 15 février 2001, dans laquelle une institutrice genevoisecontestait son interdiction de porter le voile, que « la requérante, en sa qualité d'enseignante dans une école primaire publique, a enseigné dans une classe d'enfantsayant entre quatre et huit ans et qui sont, donc, plus influençables que d'autres élèves plus âgés ». Même si la surveillante n'a pas vraiment de fonction d'enseignement, on peut considérer qu'elle est en contact direct avec les élèves, et qu'elle exerce même peut-êtreune certaine fonction éducative (comme cela se pratique dans certains collèges).

On pourrait même envisager qu'une surveillante entretient des rapports plus étroitsavec les élèves, compte tenu souvent de la faible différence d'âge entre les deux et des liens, différents de ceux tissés avec les enseignants, qui se créent entre eux.

Cescirconstances peuvent entraîner une plus grande exigence de neutralité de sa part. II UNE DISTINCTION ENTRE AGENTS ET USAGERS DU SERVICE PUBLIC QUI MANQUE D'AFFIRMATION Si le Conseil d'Etat distingue la situation des agents et des usagers des services publics en énonçant clairement l'interdiction faite aux agents de porter un signereligieux (A), il manque de clarté quant à l'appréciation du manquement que constitue le port d'un signe religieux (B). Le respect du droit de la fonction publique S'agissant des usagers des services publics, et notamment d'élèves dans des établissements scolaires, s'était posée la question de savoir dans quelle mesure fallait-ilconcilier liberté de conscience et laïcité de l'enseignement.En effet, de nombreuses affaires avaient l'objet d'un débat autour de l'autorisation ou non du port du voile islamique dans les écoles.Saisi par le ministre de l'Education nationale, de la jeunesse et des sports, le Conseil d'Etat a tranché la question dans un avis, rendu en Assemblée, le 27 novembre1989.

Il a ainsi rappelé que les élèves, conformément au principe de la liberté d'expression et de croyance, pouvaient porter un signe par lequel ils entendent exprimerleurs convictions religieuses.

Mais il a ajouté que cette manifestation ne pouvait être autorisée que dans la mesure où elle ne constituait pas un acte de prosélytisme nine portait atteinte au bon fonctionnement de l'établissement.Le Conseil d'Etat a ensuite repris cette formulation dans de nombreux arrêts mettant en cause des élèves désireux de manifester leurs croyances religieuses (dont lepremier :CE, 2 novembre 1992, Mme Kherouaa). Compte tenu de cette jurisprudence, on pouvait se demander si une telle solution devait s'appliquer aux agents des services publics qui souhaitent porter des signesreligieux.

Fallait-il concilier leur liberté de croyance avec le principe de laïcité de l'Etat, dans les mêmes nuances que celles apportées aux usagers ?Le Conseil d'Etat, à travers cet avis, a clairement refusé de transposer la solution retenue pour les usagers aux agents des services publics. Cette différenciation se justifie pleinement par la différence de situation entre les usagers et les fonctionnaires.

En effet, les usagers bénéficient d'un service assuré parl'Etat.

Les agents, eux, ont pour mission d'assurer le fonctionnement de ces services.

Ils incarnent l'Etat.De cette manière, la neutralité s'apprécie différemment face à un usager et face à un agent.

Pour le premier, la neutralité confère des droits, tels que le droit à untraitement égalitaire, ou le droit au respect de ses croyances.Au contraire, le principe de neutralité s'exprime pour les agents comme une obligation.

L'agent ne doit pas, par son comportement, autoriser un quelconque doute surla neutralité du service, donc, il ne doit pas exprimer ses convictions, ni porter de signes par lesquels il entendrait les exprimer. C'est à travers cette dichotomie fondamentale que se justifie entièrement la non transposition de la jurisprudence nuancée établie pour les usagers.Pour l'usager, le port d'un signe religieux ne sera autorisé que dans le respect du bon fonctionnement du service public.

Il s'agit ainsi de concilier la liberté deconscience avec le principe de laïcité de l'enseignement public.De façon tout à fait différente, la position du fonctionnaire ne donne lieu à aucune conciliation entre sa liberté de conscience et le principe de laïcité.

La seule naturede ses fonctions entraîne une stricte interdiction de manifester ses opinions religieuses.

En tant, qu'agent d'un service public, il ne pourra exercer sa liberté deconscience qu'en dehors du service.

C'est presque comme si l'agent, dans l'exercice de ses fonctions, était considéré plus comme un démembrement du service publicque comme une véritable personne physique.En conséquence, il ne s'agit plus de concilier règles de droit et libertés fondamentales mais d'assurer l'application des principes du droit de la fonction publique etnotamment des obligations imposées aux agents publics.C'est ainsi que le Conseil d'Etat précise que le fait pour un agent de porter un signe religieux « constitue un manquement à ses obligations ». Il est important de noter que la Cour Européenne des Droits de l'Homme ne remet pas en cause la conception française de la neutralité absolue de ses services publicset de leurs agents.

Elle a en effet admis que les services publics imposent des contraintes, même si elles sont incompatibles avec les convictions religieuses des agents.Dans la même logique, la CEDH a déclaré que l'interdiction du port du foulard islamique dans le cadre de l'activité d'enseignement dans une école primairegenevoise ne violait ni l'article 9 CEDH (liberté de religion), ni de l'article 14 CEDH (interdiction de discrimination), dans la mesure où elle vise à préserver laneutralité de l'enseignement primaire, ainsi que « le message de tolérance, de respect d'autrui et d'égalité et de non-discrimination que dans une démocratie toutenseignant doit transmettre à ses élèves » (CEDH, 15 février 2001).. »

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