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CONTRATS ADMINISTRATIFS - FORCE MAJEURE - C. E. 29 janv. 1909, COMPAGNIE DES MESSAGERIES MARITIMES et autres, Rec. 120 (commentaire d'arrêt)

Publié le 20/06/2011

Extrait du document

(D. 1910.3.89, concl. Tardieu)

1° esp. — Compagnie des messageries maritimes. Cons. qu'aux termes de l'art. 35 du cahier des charges annexé à la convention du 30 juin 1886 et maintenu par la convention du 5 nov. 1894 passée entre l'État et la Compagnie des messageries maritimes pour l'exécution des services maritimes postaux, tout retard au départ des paquebots rend la Compagnie passible d'une amende, sauf le cas de force majeure dûment constaté; Cons. que les grèves partielles ou générales, qui peuvent se produire au cours d'une entreprise, n'ont pas nécessairement, au point de vue de l'exécution du contrat qui lie l'entrepreneur au maître de l'ouvrage, le caractère d'événements de force majeure; qu'il y a lieu, dans chaque espèce, par l'examen des faits de la cause, de rechercher si la grève a eu pour origine une faute grave de la part de l'entrepreneur, si elle pouvait être évitée ou arrêtée par lui, et si elle a constitué pour lui un obstacle insurmontable à l'accomplissement de ses obligations; Cons. qu'à la suite de réclamations formulées par les inscrits maritimes contre plusieurs officiers de la marine marchande employés par diverses compagnies de navigation et de mises à l'index ayant eu pour effet d'obtenir le débarquement de ces officiers, tous les états-majors des navires de commerce du port de Marseille ont décidé de se solidariser et de cesser le travail tant que les compagnies, qui avaient cédé aux menaces des inscrits maritimes, n'auraient pas réintégré dans leur emploi les officiers débarqués;

« des messageries maritimes, à la Compagnie générale transatlantique et à la Compagnie de navigation mixte, toutestrois concessionnaires de transports maritimes, pour interruption de leur service.

Les Compagnies soutenaient quecette interruption était due à la grève des états-majors, qui constituait un cas de force majeure les exonérant detoute responsabilité.

Le Conseil d'État devait donc dire si la grève du personnel du concessionnaire constituait uncas de force majeure l'exonérant de ses obligations.Le commissaire du gouvernement Tardieu posa les principes suivants : la grève est un cas de force majeure :— si elle est indépendante de la volonté du contractant;— si elle le met dans l'impossibilité absolue de remplir ses obligations;— s'il n'a pu la prévenir ou la faire cesser.Puis il passa à l'examen des faits.

En l'espèce les états-majors s'étaient mis en grève pour protester contre desmises à l'index prononcées à l'encontre de certaines compagnies de navigation par le syndicat des inscrits maritimesen vue d'obtenir de ces compagnies le débarquement de certains officiers.

Les états majors luttaient pour ladéfense de leur autorité.

Il est possible — estimait le commissaire du gouvernement — que les armateurs n'aient pasvu cette grève d'un mauvais oeil, puisqu'elle leur permettait de résister aux exigences des syndicats des inscrits,mais on ne peut les accuser de l'avoir fomentée.

Ils n'ont pas pu, d'autre part, l'arrêter, car ils ne pouvaient forcerles officiers à accepter une situation qui aurait eu pour effet de les mettre à la discrétion des syndicats des inscrits. Aussi la grève était-elle indépendante de la volonté des Compagnies et celles-ci ne pouvaient-elles pas l'arrêter.Mais était-elle un obstacle insurmontable à l'exécution de leurs obligations? L'État avait offert à la Compagniegénérale transatlantique et à la Compagnie de navigation mixte de mettre à leur disposition les officiers et les marinsde la marine nationale.

Elles avaient décliné cette offre.

Le Conseil d'État, suivant son commissaire dugouvernement, estima « que l'offre de l'État, tout en laissant subsister des difficultés sérieuses pour les deuxcompagnies de navigation, n'en avait pas moins pour effet, étant donné la navigation à accomplir, de fairedisparaître l'empêchement absolu qui s'opposait au départ des paquebots; que si les compagnies avaient cru devoirrefuser cette offre en raison de la gêne qui pouvait en découler pour elles, elles l'ont fait à leurs risques et périls;qu'elles ont perdu par là le droit de soutenir que la grève des états-majors de la marine marchande a créé unobstacle insurmontable à l'exécution de leur service et d'invoquer le cas de force majeure pour se soustraire àl'application des clauses pénales » qui leur ont été appliquées.Par contre, le Conseil d'État jugea que la grève avait constitué un cas de force majeure pour la Compagnie desmessageries maritimes, à laquelle l'État n'avait pas offert le concours de ses officiers et de ses marins.II.

— La jurisprudence n'admet qu'assez difficilement le cas de force majeure, que ce soit l'entrepreneur oul'administration qui s'en prévale.10 Cas de force majeure dégageant l'entrepreneur de ses obligations.Dans la ligne des arrêts du 29 janv.

1909, une décision du 14 nov.

1947 (Ministre de l'air c.

Société d'études etentreprises générales de construction, Rec.

422) rappelle qu'il appartient à l'entrepreneur de prouver que les grèvesqu'il invoque ont constitué un cas de force majeure ayant fait obstacle à l'achèvement des travaux à la dateconvenue.

Le sabotage peut constituer, dans certains cas, une force majeure (C.

E.

5 déc.

1952, Société Chapronfrères, Rec.

560 : sabotage de la pompe à eau d'une société chargée, en 1946, d'opérations de déminage dans larégion de Berck).

L'exception de force majeure a également été admise pour l'enlèvement par les rebelles, en Syrie,de soixante-dix chameaux d'une caravane assurant des transports pour le compte de l'armée (C.

E.

13 févr.

1930,Fettelian, Rec.

173).

Le cocontractant de l'administration demeure au contraire lié par ses engagements dès lorsque la destruction des installations n'empêche pas définitivement la reprise de l'exploitation : la force majeure neproduit effet que pendant le temps où elle se manifeste, et l'obligation d'exécuter reparaît au moment où elle cesse(C.

E.

18 déc.

1959, Ville de Nantes, Rec.

696, concl.

Mayras : exploitation d'un entrepôt frigorifique détruit pendantla guerre et reconstruit ultérieurement).2° Cas de force majeure dégageant l'administration de ses obligations.Les faits de guerre ne sont pas toujours des cas de force majeure; ainsi a-t-il été jugé, pour l'application à l'égardde l'État des stipulations d'un marché passé au cours des hostilités pour les besoins d'une armée en campagne, quela retraite de juin 1940 ne présentait pas le caractère d'un évènement de force majeure pouvant dégagerl'administration de l'obligation qu'elle avait souscrite de payer au fournisseur le prix des marchandises perdues aucours de leur location : l'autorité militaire devait faire entrer dans ses prévisions les risques de perte pour faits deguerre, quels que puissent être ces faits (C.

E.

28 nov.

1947, Société Rol-Lister, Rec.

442).

L'arrêt Bongert (26 juill.1947, Rec.

351) a une grande portée pratique : la suppression d'une partie des crédits alloués à un Office publicd'habitations à bon marché ne constitue pas un cas de force majeure l'exonérant de sa responsabilité, l'inexécutiondes engagements contractés par l'État envers l'Office pour subvenir au financement des travaux ne pouvant, eneffet, être opposé à l'entrepreneur qui est resté étranger à ces engagements.

L'impossibilité dans laquelle se sonttrouvés pendant la période de pénurie certains maîtres d'ouvrage d'obtenir les bons-matières qu'il leur incombait defournir à l'entrepreneur pour l'exécution des travaux ne constitue pas un cas de force majeure lorsque la collectivitépublique a contracté sans être assurée d'obtenir des contingents suffisants, et n'a pas fait, en temps voulu, lesdemandes nécessaires (C.

E.

26 juil.

1947, Hôpital psychiatrique de Château-Picon, Rec.

644).Ont été par contre regardés comme un cas de force majeure les événements de guerre qui ont provoqué l'arrêt totalde l'exploitation d'une concession d'énergie électrique dans une petite ville du Tonkin plusieurs fois prise, perdue etreprise par le corps expéditionnaire français, et qui ont rendu totalement impossible l'exécution du contrat : lesstipulations suivant lesquelles l'administration devait garantir le concessionnaire contre les dommages résultant de laguerre, des émeutes et des troubles n'avaient pour objet que d'assurer la continuité de l'exploitation; elles n'ont plusde raison de jouer alors que l'exploitation est devenue impossible à jamais (C.

E.

2 mars 1956, Hoang Van Ngoc, Rec.703; Rec.

Penant 1956.1.301, concl.

Long, note de Soto).. »

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