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A la fin du XVIIIe siècle, le marquis de Sade définit ainsi le roman: « On appelle roman l'ouvrage fabuleux composé d'après les plus singulières aventures de la vie des hommes »

Publié le 11/09/2006

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Cette définition vous paraît-elle correspondre à ce que sont un roman et ses personnages? Pour la discuter vous vous appuierez sur votre expérience de lecteur, sur les romans étudiés en classe et sur le corpus de textes proposés. Introduction: Longtemps réduit au statut d'écrivain pornographique à cause de ses écrits érotiques et amorales, le marquis de Sade est aujourd'hui considéré comme l'une des figures très importantes du patrimoine littéraire français, ayant influencé bon nombre d'artistes et d'autres écrivains. Ainsi il s'interroge sur les différents genres de la littérature, notamment sur les romans, dont il donne la définition suivante: «  On appelle roman l'ouvrage fabuleux composé d'après les plus singulières aventures de la vie des hommes «. En analysant cette définition très spécifique on peut donc se demander en quoi celle-ci est relevante pour les romans qui sont apparus jusqu'à la fin du XIXe siècle, comme pour ceux qui sont apparus dès le XXe siècle et plus récents. On pourra donc observer des romans fabuleux, inspirés des aventures les plus singulières des hommes, mais également des romans qui ne correspondent pas complètement à cette définition, notamment ceux qui apparaissent au cours des siècles qui suivent la mort du marquis, ainsi modifiés par l'évolution du genre romanesque. Tout d'abord, le mot « roman « désigne au Moyen-Age la langue du Nord de la France, puis la narration qui s'épanouit dans cette langue et dans cette région au XIIe siècle, en présentant un univers fictif ordonné autour de personnages centraux: des héros comme Yvain, Lancelot ou encore Perceval chez Chrétiens de Troyes, ou encore dans Tristan et Iseut, de Bréoul, qui fait parti des premiers romans français , inspirés d'histoires comme L'Illiade ou L'Odyssé de Homère. Ce sont des oeuvres qui présentent une suite d'événements aventureux et racontent les hauts faits d'un personnage mythique en recourant généralement au surnaturel. Le personnage qui vit des aventures « singulières « est donc présenté sous forme d'un véritable héros et se distingue dans chacune de ces oeuvres par ses actions ou par la fascination qu'il exerce et donc également par les aventures qu'il vit. En ces termes la notion de roman peut notamment être associé avec le genre épique, parfois héroï-comique comme dans Gargantua ou Pantagruel de Rabelais. On retrouve les héros dans de nombreuses autres oeuvres, comme par exemple David Copperfield crée par Charles Dickens ou encore l'héroïne de Tolstoï, Anna Kerenine. L'un des exemples les plus frappants pourrait également être Don Quixote de Cervantès, oeuvre dans laquelle le héros se veut chevalier errant, redresseur de torts. Cheminant avec son fidèle écuyer Sancho Panza sur les plaines de Castille, il y provoque mille aventures dont il sort souvent moulu, mais jamais abattu. En outre le roman doit donc son succès, en grande partie, à sa capacité à faire vivre des êtres de fiction qui s'imposent à l'imagination du lecteur, au point de faire croire à leur existence réelle. On peut ainsi dire que le roman est un ouvrage « fabuleux «, puisque c'est en premier lieu un récit imaginaire, dans lequel peuvent figurer des événements invraisemblables dans l'histoire (apparition de phénomènes extraordinaires, présence de créatures mythiques,...) ou des personnages hors du commun, qui peuvent par exemple produire de la magie, ou avoir d'autres pouvoirs. De plus les lecteurs, et les gens en général, par leur nature, ont une inclination aux fables et l'humanité a ce besoin depuis les temps anciens de tisser des fictions. Ainsi, dans le cas du roman, il ne faut pas beaucoup fatiguer notre mémoire, il suffit de faire fonctionner notre imagination. Le roman est donc construit autour de la fiction, mais souvent aussi autour de la vraisemblance. Pour pouvoir montrer celle-ci dans son roman, l'auteur est donc obligé de s'inspirer de sa propre vie et des aventures de la vie des hommes en générale. Ceci nous amène vers la deuxième partie de la définition du marquis de Sade, puisqu'on peut également dire que ces romans, bien qu'imaginaires, sont inspirés de la réalité et de la vie des hommes, de leurs aventures les plus singulières. On retrouve dans les romans des scènes d'épreuves, où le personnage affirme son rôle, des scènes de crise, où le personnage est placé devant un dilemme, ... Ces scènes constituent les « aventures « que tous les hommes ont déjà vécu, mais élargies souvent par l'hyperbole et l'exagération des situations. L'auteur d'une oeuvre peut créer ces scènes par rapport à ses propres expériences ou par observation des situations de vie. Ceci est apparent surtout dans les romans à caractère autobiographique, tel que Voyage au bout de la nuit de Céline par exemple. Dans ce roman on voit, à travers le héros Ferdinand Bardamu, des traits de l'auteur, mais aussi certaines « aventures « de sa propre vie. Cependant, on peut dire qu'aujourd'hui la définition du marquis de Sade n'est plus valable pour tous les romans; car si on peut dire que ceux-ci ont toujours une part de fiction en eux, on ne peut pas dire la même chose du caractère héroïque de ses personnages et de leurs actions. En effet, depuis le XXème siècle on ne peut plus dire que les romans traitent toujours de personnages accomplissant des actes extraordinaires. En effet ce siècle a mis en valeur des anti-héros, personnages très ordinaires à tout point de vue. Il faut noter aussi que dès le XIXe siècle avec des auteurs comme Stendhal, Maupassant ou Balzac, on voit apparaître du moins dans certains épisodes des personnages comme, par exemple Fabrice del Dongo, dans la Chartreuse de Parme, qui traversant le champ de bataille de Waterloo, pensant être un héros, alors qu'il n'a encore rien fait et qu'il montre un comportement très peu héroïque. Ainsi, le héros n'est plus un héros. Les personnages principaux sont des personnes médiocres, souvent sans ambitions ou même talents, complètement opposés aux héros de l'Antiquité. L'un des premiers romans à illustrer ce genre de personnages est d'ailleurs Les souffrances du jeune Werther, de Goethe. Mais beaucoup d'auteurs romantiques ont fait ce choix de représenter « l'homme sans qualités «, sans identité stable, indécis, soumis à la dictature d'une société bureaucratique et des oeuvres comme L'Education sentimentale de Flaubert en sont des exemples flagrants. Les personnages peuvent donc faire avancer le roman sans accomplir de grands exploits et on ne relève pas d'aspect extraordinaire dans celui-ci. En somme, les auteurs essayent de rendre les personnages plus réels et d'enlever le mythe qui entoure les personnages de héros de l'Antiquité. Ainsi il n'y a pas d'embellissement de la réalité, les défauts, les petitesses, les mesquineries, les bontés: tout y est peint. Juste au tournant du XXe siècle, on constate une sorte de crise du roman qui donne lieu au Nouveau roman. On retrouve toujours ces anti-héros dans des oeuvres plus récentes comme par exemple Le procès de Kafka ou L'Etranger d'Albert Camus, deux auteurs du XXe siècle. En effet, l'oeuvre de Camus notamment, s'oppose totalement aux dires du marquis, puisque l'oeuvre relève de l'absurde et que le personnage principal, Meursault, est un être qui semble très indifférent et celle-ci ce reflète dans la manière dont il nous raconte ce qui lui arrive (malgré lui). Mais le roman nouveau naissant n’utilise plus de modèles, il doit être original, ce qui est une intention nouvelle: il invente ses sujets, les protagonistes et les actions sont particuliers, l’individu se définit dans ce roman nouveau réaliste par un nom propre qui n’est plus emblématique. D'ailleurs Nathalie Sarraute affirme dans son essai L'ère du soupçon (1956), qu'effectivement « le personnage n'est plus aujourd'hui que l'ombre de lui-même «. Dans le Nouveau Roman, on a parfois absence complète de personnage donc d'aventure, mais cela reste tout de même un roman. CONCLUSION: Pour conclure, le roman grâce à la diversité de ses formes, a permis, au cours de son évolution du XVIIe au XXe siècle, de représenter la vie des hommes et donc leurs aventures que ce soient les plus singulières ou les plus banales. Suite à cette évolution, nous avons, aujourd'hui, en quelque sorte dépassé les temps des héros extraordinaires. Par conséquence, Alain Robbe-Grillet dans son Pour un nouveau roman mentionne que « le roman de personnages appartient bel et bien au passé «. Ainsi, je ne pense pas qu'il y ait une seule définition du roman. Le roman n’a pas de canons. Il évolue sans cesse et il est inachevé. C’est le genre littéraire qui ressemble le plus à la vie même, qui nous semble sans règles, chaotique et dangereuse, mais pleine d'opportunités. En fait, l'extraordinaire, qu'on trouvait avant dans les aventures et les caractères de héros, s'est souvent déplacé, dans les romans d'aujourd'hui, du côté du langage. En effet, on peut remarquer que les auteurs des temps d'aujourd'hui font beaucoup attention aux mots et aux paroles. Ceci se fait notamment ressentir au théâtre, où l'on privilégie de plus en plus les gestes ou les objets et on pourrait donc se demander en quoi cette nouvelle forme manière et d'écriture (romanesque et/ou théâtrale) exprime les critiques et rend mieux l'image des sociétés du monde actuel.

 

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