Devoir de Philosophie

à peu près comme la fin suppose le commencement, et même que chaque partie suppose chacune des suivantes, à peu près comme celles-ci la supposent à leur tour.

Publié le 23/10/2012

Extrait du document

à peu près comme la fin suppose le commencement, et même que chaque partie suppose chacune des suivantes, à peu près comme celles-ci la supposent à leur tour... En outre, en s'efforçant consciencieusement d'arriver à se faire comprendre pleinement et même facilement, l'auteur pourra se trouver amené parfois à se répéter : on devra l'excuser sur la difficulté du sujet. La structure de l'ensemble qu'il présente, et qui ne s'offre pas sous l'aspect d'une chaîne d'idées, mais d'un tout organique, l'oblige d'ailleurs à toucher deux fois certains points de sa matière. Il faut accuser aussi cette structure spéciale, et l'étroite dépendance des parties entre elles, si je n'ai pu recourir à l'usage, précieux d'ordinaire, d'une division en chapitres et paragraphes, et si je me suis réduit à un partage en quatre portions essentielles, qui sont comme quatre points de vue différents. En parcourant ces quatre parties, ce à quoi il faut bien avoir garde, c'est à ne pas perdre de vue, au milieu des détails successivement traités, la pensée capitale d'où ils dépendent, ni la marche générale de l'exposition. — Telle est ma première et indispensable recommandation au lecteur malveillant (je dis malveillant, parce qu'étant philosophe il a affaire en moi à un autre philosophe). Le conseil qui suit n'est pas moins nécessaire. En effet, il faut, en second lieu, lire, avant le livre lui-même, une introduction qui, à vrai dire, n'est pas jointe au présent ouvrage, ayant été publiée il y a cinq ans sous ce titre : De la quadruple racine du Principe de la Raison suffisante ; essai de philosophie... Il faut avant tout avoir compris, avec l'aide de cet écrit, ce que c'est que le principe de raison suffisante, ce qu'il signifie, à quoi il s'étend et à quoi il ne s'applique pas, et enfin qu'il ne préexiste pas avant toutes choses, en telle manière que le monde entier existerait seulement en conséquence de ce principe et en conformité avec lui, comme son corollaire, mais au contraire qu'il est simplement la forme sous laquelle l'objet, de quelque nature qu'il soit, est connu du sujet, qui lui impose ses conditions en vertu de cela seul qu'il est un individu connaissant : il faut, dis-je, avoir compris ces choses, pour pouvoir entrer dans la méthode de philosopher qui se trouve essayée ici pour la première fois... Enfin j'ai une troisième demande à exprimer au lecteur, mais elle va de soi : je demande en effet qu'il connaisse un fait, le plus considérable qui se soit produit depuis vingt siècles en philosophie, et pourtant bien voisin de nous, je veux parler des ouvrages principaux de Kant. L'effet qu'ils produisent sur un esprit qui s'en pénètre véritablement ne peut mieux se comparer, je l'ai déjà dit ailleurs, qu'à l'opération de la cataracte. Et pour continuer la comparaison, je dirai que tout mon but ici est de prouver que j'offre aux personnes délivrées de la cataracte par cette opération, des lunettes comme on en fait pour des gens dans leur cas, et qui ne sauraient être utilisées, évidemment, avant l'opération même. — Toutefois, si je prends pour point de départ ce que ce grand esprit a établi, il n'en est pas moins vrai qu'une étude attentive de ses écrits m'a amené à y découvrir des erreurs considérables, que je devais isoler, accuser, pour en purifier sa doctrine, et, ne gardant de celle-ci que le meilleur, en mettre les parties excellentes en lumière, et les utiliser. Comme, d'autre part, je ne pouvais interrompre et embrouiller mon exposition en y mêlant une discussion continue de Kant, j'ai consacré à cette discussion un Appendice spécial. Et si, comme je l'ai dit déjà, mon ouvrage veut des lecteurs familiers avec la philosophie de Kant, il veut aussi qu'ils connaissent l'Appendice dont je parle : aussi, à ce point de vue, le plus sage serait de commencer par lire l'Appendice, d'autant qu'il a par son contenu des liens étroits avec ce qui fait l'objet de mon livre premier. Seulement, on ne pouvait non plus éviter, vu la nature du sujet, que l'Appendice ne se référât çà et là à l'ouvrage lui-même : d'où il faut conclure tout simplement que, comme partie capitale de l'oeuvre, il demande à être lu à deux reprises. Ainsi donc la philosophie de Kant est la seule avec laquelle il soit strictement nécessaire d'être familier pour entendre ce que j'ai à exposer. — Si cependant le lecteur se trouvait en outre avoir fréquenté l'école du divin Platon, il serait d'autant mieux en état de recevoir mes idées et de s'en laisser pénétrer. — Maintenant supposez qu'il ait reçu le bienfait de la connaissance des Vedas, de ce livre dont l'accès nous a été révélé par les Oupanischads, — et c'est là à mes yeux le plus réel avantage que ce siècle encore jeune ait sur le précédent, car selon moi l'influence de la littérature sanscrite sur notre temps ne sera pas moins profonde que ne le fut au XVe siècle la renaissance des lettres grecques, — supposez un tel lecteur, qui ait reçu les leçons de la primitive sagesse hindoue, et qui se les soit assimilées, alors il sera au plus haut point préparé à entendre ce que j'ai à lui enseigner. Ma doctrine ne lui semblera point, comme à d'autres, une étrangère, encore moins une ennemie ; car je pourrais, s'il n'y avait à cela bien de l'orgueil, dire que, parmi les affirmations isolées que nous présentent les Oupanischads, il n'en est pas une qui ne résulte, comme une conséquence aisée à tirer, de la pensée que je vais exposer, bien que celle-ci en revanche ne se trouve pas encore dans les. Oupanischads. (Monde, I, Préface de la Ire édition.) D'une façon générale, qui veut se familiariser avec ma philosophie doit lire jusqu'à la moindre ligne de moi. J'ai cette prétention. Car je ne suis pas un écrivailleur, un fabricant de manuels, un griffonneur à gages ; je ne suis pas un homme qui, par ses écrits, recherche l'approbation d'un ministre, un homme enfin dont la plume obéisse à des visées personnelles : je ne fais effort que vers la vérité, et j'écris, comme écrivaient les anciens, dans l'unique intention de transmettre mes pensées à la postérité, pour le profit futur de ceux qui sauront les méditer et les apprécier... De plus, on a cru pouvoir ici soulever encore et rattacher à la doctrine de « l'affirmation de la volonté de vivre « une question laissée intacte par nous, dans le corps même de notre quatrième livre, à l'exemple de tous les philosophes, nos prédécesseurs : c'est la question du sens intime et de la nature propre de cet amour sexuel, qui s'exalte parfois jusqu'à la passion la plus violente. Il peut sembler paradoxal de faire rentrer une telle question dans la partie de la philosophie qui traite de la morale : il ne le semblerait pas si on avait reconnu la véritable importance du sujet (Monde, III, 271-2, Supplément au IVe livre.)

Liens utiles