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Acte I, scène 1 (p. 36– "Hé depuis quand seigneur…") - Acte I, scène 3 (p. 42– "...et conspire à me nuire")

Publié le 02/04/2011

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Acte I, scène 1 (p. 36– \"Hé depuis quand seigneur…\") - Acte I, scène 3 (p. 42– \"...et conspire à me nuire\")

 

NOTA : LES LETTRES \"H, B, M\" QUI SUIVENT LES NUMÉROS DE PAGES INDIQUENT LE HAUT, LE MILIEU OU LE BAS DE LA PAGE.

Passage qui se situe à l’ouverture de la pièce, et qui consiste paradoxalement en une sortie, ou un désir de fuite, dans le monde aventureux ou dans la mort. Au delà de la dimension strictement informative que doit avoir une scène d’exposition, on s’intéressera dans ce passage à ce qui nous paraît constituer les enjeux essentiels dePhèdre : le statut accordé à la parole, la qualité de la présence à soi-même, la position par rapport à la loi.

Les personnages dans Phèdre, et Hippolyte au premier chef, sont essentiellement dépendants, soumis à la famille et à la pression de la généalogie, c’est ce que nous étudierons dans un premier temps. Cette pression détermine les personnes, et avec elles la qualité de la parole, sous le signe du détour et de l’atténuation. Enfin, le véritable enjeu de cette parole n’est autre que l’accès difficile, voire impossible à la vie et au bonheur.

 

I) La pression de la généalogie

Les personnages en présence à l’ouverture de la pièce n’existent pas, à proprement parler,  pour eux-mêmes : ils ne sont et ne se pensent les uns les autres qu’à travers leur parenté, fratrie ou ascendance.

1)      Hippolyte ou la parenté mortelle

Hippolyte n’a pas de statut autonome : ce qui détermine son action (le départ) et sa position amoureuse impossible (Aricie), c’est son père, qui constitue le véritable objet de l’échange avec Théramène.

Il est le fils de Thésée et d’Antiope, sœur d’Hippolytè reine des Amazones. Cette parenté le place dans une situation impossible. Il est le descendant d’une femme dont il a hérité une surféminité qui ne saurait lui garantir le statut d’homme (le cœur si fier, si dédaigneux v. 67 ; l’implacable ennemi des amoureuses lois v. 59), et d’un père qui lui ferme symboliquement les portes de la virilité, à un double titre :

–         Thésée est un héros, émule d’Héraklès (cf. allusion à Alcide, autre nom d’Héraklès, au v. 78), un homme au dessus du commun des mortels, qui a assuré l’ordre et la loi dans toute le Grèce, triomphant des brigands (Périphétès d’Epidaure, Sinis à Corinthe, Procuste à Erinéos), imposant sa force (contre le roi Cercyon à Eleusis), triomphant du Minotaure (v. 80 à 82). Si Hippolyte veut partir comme il l’a annoncé à l’entrée de la pièce, c’est pour retrouver son père et se mettre en situation de faire ses preuves, de se trouver lui-même et d’accéder à son tour au statut de héros : vaincre des monstres lui aussi, et incidemment acquérir « le droit de faillir comme lui » 39–.

–         D’autre part, et peut être surtout, Thésée est un « homme à femmes », un séducteur, qui confirme et enferme Hippolyte dans ce que l’on est en droit d’appeler son refoulement : de la belle geste de Thésée, Hippolyte ne veut garder qu’une moitié, celle qui concerne la victoire sur les monstres et les brigands, et veut oblitérer, censurer la geste des amours, moins glorieuse, indigne selon lui  (v. 83 à 94).

2)      Phèdre et la parenté fatale

Phèdre intervient d’emblée dans le discours d’Hippolyte à travers la célèbre périphrase jugée inepte par un personnage de La Recherche : \"La fille de Minos et de Pasiphae\" (v. 36). Une périphrase qui dit tout pourtant de Phèdre, et de l’intrigue qui va naître : Phèdre n’est évoquée par Hippolyte qu’à travers son ascendance, qui signe aussi sa contradiction :

–         Minos incarne la loi, il est une sorte de double de Thésée, héros civilisateur et législateur, et comme Thésée aussi, séducteur impénitent, même si Phèdre dans la suite de la pièce, (et à l’instar d’Hippolyte vis à vis de Thésée) ne voudra voir en lui qu’un père digne, le juge qui siège aux Enfers.

–        De sa mère Pasiphae, elle hérite d’une double contradiction : Pasiphae est fille du soleil, du côté de la vie et de l’affirmation de l’être, et Phèdre à l’ouverture de la pièce refuse la lumière, ne cherche la fréquentation que de l’ombre (\"Lasse enfin d’elle-même et du jour qui l’éclaire\" dit Théramène (v. 46) ; Mes yeux sont éblouis du jour que je revois v. 155). Surtout, Pasiphae apparaît plus monstrueuse encore que le Minotaure avec qui elle s’est accouplée (elle a choisi le monstre), et Phèdre reconnaît en elle-même sa fureur, et des pulsion

 

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