Arguments pour réfléchir à la relation entre la poésie, l'imagination et la réalité

La parole poétique permet au poète –et au lecteur- de se dégager de ce qui lui paraît aliénant, des valeurs étouffantes, des modes de vie factices,

    • Evasion vers un ailleurs enivrant  par la création d’images qui apporte l’éclat qui manque à la grisaille des jours. (« Mon enfant, ma sœur,/Songe à la douceur/d’aller là-bas vivre ensemble ! « - Baudelaire dans le poème « L’invitation au voyage «)

    • Echapper au réel par «l’hallucination des mots « (Rimbaud). La poésie est recherche de consolation

    • Accéder à l’invisible, à l’indicible : le poète est le mage, le voyant inspiré par les dieux. (cf supra)

Question qui se pose : La poésie n’est-elle  pas aussi «  le leurre des mots « (Yves Bonnefoy) qui entraîne le poète dans un « inexorable vertige « ?

    • Certes elle est un refuge dans un monde plus satisfaisant que le monde réel, un monde qui abolit celui où nous sommes mortels.

    • « L’image est certainement le mensonge aussi sincère soit l’imagier «.  Bonnefoy  critique cette poésie qui s’élance vers l’absolu en utilisant les mots « chimères « et « drogues «

    • Le poète se perd dans les mirages de l’écriture : Exemple : C’est la posture des poètes romantiques.

    • Alors il convient d’appeler des se vœux, à l’instar de Bonnefoy, « des mots dégagés des rêves « et refuser l’enchantement trompeur des images et « Les chimères qui charment et égarent au matin de la vie (dernier feuillet de Sylvie de Gérard de Nerval

    • Parce que toute tentative d’échapper à sa condition est vouée à l’échec. Dans le poème «  Soir d’automne au Luxembourg « de Laforgue, le tableau enchanteur est parcouru de fissures qui disent le spleen. L’image rêvée n’abolit  ni temps ni la douleur.

Alors la parole poétique ne serait-elle une manière comme le proclame Rimbaud dans le poème « Adieu « « d’étreindre la rugueuse réalité «.

    • Dire le monde, le saisir, y compris dans les choses les plus infimes, les plus modeste. Francis Ponge dans Le Parti pris des choses, tente de nous réconcilier avec le monde en changeant notre perception. « Eclairer la moindre pierre, c’est le plus simple et le plus difficile à dire «. « Elle montre sous une lumière qui secoue la torpeur les choses surprenantes qui nous environnent et que nos sens enregistraient machinalement. «

    • La poésie est donc « dévoilement «.

    • Le monde est bruissant de signes, la parole poétique les révèle (le symbolisme – Mallarmé). La parole poétique est la lumière qui éclaire les zones d’ombre

    • La parole poétique peut aussi dire les correspondances horizontales entre « les couleurs, les parfums et les sons «  les synesthésies

    • .La poésie nous dit, comme nous l’enseigne le poète Claude Roy dans l’essai « Défense de la littérature «, « comment être avec ce qui nous entoure, nous plaît, nous étouffe, nous cogne, nous fait froid ou chaud «. Nous sommes avec les autres hommes, nous ne sommes pas seuls, voilà ce que nous enseigne la poésie.

    • L’écriture poétique peut « rajeunir les impressions « comme le dit Marcel Proust dans Le Temps retrouvé, en inventant une écriture qui sort des clichés et qui permet d’échapper à l’épaisseur des représentations conventionnelles. On pense aux Surréalistes, et à André Breton dans « La Nuit des éclairs «

    • La parole poétique est aussi l’expression de la vie des mots, de l’autonomie du signifiant (penser aux cadavres exquis des Surréalistes, aux poètes du mouvement DADA, aux Calligrammes de Guillaume Apollinaire.) « Bouger la langue « selon Maulpoix.

    • « Là où la vie emmure, l’intelligence perce une issue. «  Marcel Proust, Le Temps retrouvé.

Que peut la poésie ?...

    • Platon proscrit la poésie de la cité

    • Devant le mal : impuissance des mots ? Comment écrire après Auschwitz ? question de Paul Celan

    • La poésie dit aussi les  fêlures, les déchirures

    • La poésie pour « semer à foison des points d’interrogation «

    • Nous ne sommes pas seuls.

    • Ne pas renoncer à espérer dans la poésie. « Il faut identifier la poésie et l’espoir « Yves Bonnefoy