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Article de presse: Les nationalisations

Publié le 22/02/2012

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18 décembre 1981 -   " Un événement historique... Une mesure de portée révolutionnaire. " Plus que toute autre réforme, le programme de nationalisation du gouvernement socialiste reste l'événement majeur du début du septennat de François Mitterrand. En prenant le contrôle, total ou partiel, de la fine fleur de l'industrie française et de la quasi-totalité du secteur bancaire, l'Etat étend considérablement son influence sur l'activité économique du pays. Jamais une nation occidentale n'avait repris au secteur privé une part aussi importante de ses moyens de production.    Au total, neuf groupes industriels passent sous le contrôle de l'Etat.    Sept en totalité : CGE, Thomson-Brandt, PUK, Rhône-Poulenc, Saint-Gobain, Usinor et Sacilor deux sont contrôlés à 51 %, Matra et Dassault.    Le chiffre d'affaires de ces " neuf " s'élève alors à environ 250 milliards de francs, soit à peu près 20 % des ventes réalisées par l'ensemble de l'industrie française et 15 % des exportations. Ils emploient 760 000 personnes. Après cette nationalisation, le poids du secteur public représente 30 % des ventes et 24 % des effectifs des entreprises ayant une activité industrielle.    Ainsi la puissance publique contrôle désormais la quasi-totalité de la sidérurgie, toute la production de l'aluminium, la moitié de celle du verre, toute la chimie fine, une grande partie de la construction électrique, lourde et légère, toute la filière de l'électronique, la moitié de l'informatique, un secteur non négligeable du bâtiment et des travaux publics, une bonne partie de la pharmacie, sans compter la métallurgie fine.    Dans le secteur bancaire, la nationalisation de trente-six banques et des compagnies financières de Suez et de Paribas donne à l'Etat le contrôle de 90 % des dépôts et de 85 % des crédits distribués.    Pourquoi une réforme d'une telle ampleur ? Pourquoi nationaliser ?    Pour le président de la République, comme pour la nouvelle majorité, il y avait d'abord une dimension symbolique. Pour la gauche, la nationalisation rimait avec les grands moments de l'histoire de France contemporaine : 1936, 1945. Se réclamant de l'expérience du Front populaire de Léon Blum comme du rassemblement des Français derrière le général de Gaulle, à la Libération, les socialistes rappelaient que ces deux périodes ont été marquées par la prise en main par l'Etat de certains secteurs industriels.    La deuxième raison était plus politique. Le PS se devait de rester fidèle à ses engagements. L'ossature du programme de nationalisation datait du programme commun, bâti dix ans auparavant. Troisième raison : il s'agissait d'un choix politique, d'un choix de société. Les socialistes, comme l'expliquait le président de la République le 9 décembre 1981, estimaient que, à partir d'un certain niveau d'accumulation, de concentration du capital conduisant à des positions dominantes de groupes privés dans " des secteurs-clés de l'économie, il est indispensable que la nation en ait le contrôle, voire la détention ".    Mais la symbolique et la politique ne suffisent pas à expliquer les nationalisations. Confrontés à la crise économique, à la guerre mondiale des industries, les socialistes n'avaient pas le choix. Sans réforme de structures, ils ne pouvaient que mener une politique voisine de celle de Raymond Barre. Or ils avaient été élus pour mener une autre politique. Dès lors, il leur était indispensable d'engager le plus vite possible les réformes de structures, au premier rang desquelles figuraient les nationalisations. Ainsi, par le contrôle du crédit et de certaines industries, le gouvernement allait, selon François Mitterrand, " disposer des moyens de mener une bataille cohérente contre le chômage et une politique de restructuration industrielle. Faute de ces moyens, la politique économique se serait révélée insuffisante. " 43 milliards de francs    Dernier argument, et non des moindres, celui de la " relève ". Depuis cinq ans, les investissements privés stagnaient. La sortie de la crise passant pour les socialistes par une relance de l'investissement, l'Etat devait donc " se substituer au capitalisme privé défaillant ".    Pilier de la future stratégie industrielle, le nouveau secteur public était donc invité à jouer un rôle pilote, à montrer l'exemple : que ce soit pour l'investissement, la recherche, le développement des nouvelles technologies, mais aussi pour l'établissement de nouveaux rapports sociaux à l'intérieur des entreprises.    Un pari vivement contesté par l'opposition et les milieux d'affaires.    Aussi la bataille parlementaire a-t-elle été particulièrement âpre, marquée par le dépôt de 1438 amendements au cours de la première lecture (treize jours) du projet de loi à l'Assemblée nationale et par les interventions du Conseil constitutionnel.    La loi promulguée, les patrons nommés, il restait au gouvernement à régler le cas des trois sociétés figurant sur la liste des nationalisables dont une partie du capital était détenue par un groupe étranger.    Pour Roussel-Uclaf, un accord de principe était conclu en février 1982 avec le groupe allemand Hoechst et entrait dans les faits en mai. A l'issue d'une offre publique d'échange en Bourse, la participation de Hoechst a été ramenée de 58 % à 52 %, et celle de l'Etat portée à 40 %, les petits actionnaires conservant 8 %. L'accord conclu avec le groupe allemand prévoyait que, dans une deuxième étape, l'Etat porterait ses intérêts à 49 %, puis ultérieurement à 50 %, Hoechst partageant alors le contrôle de Roussel-Uclaf.    Les négociations avec Honeywell, actionnaire à 47 % de CII-Honeywell-Bull, ont ramené la part du groupe américain à 19,9 % .    Avec le groupe ITT, les discussions furent longues et difficiles. Ce n'est que le 14 octobre 1982 qu'un accord définitif était conclu.    L'Etat rachetait à la multinationale la totalité des actions de la Compagnie générale de construction téléphonique (CGCT) et du Laboratoire central de télécommunications (LCT) pour la somme de 215 millions de francs.    Au total, le coût de la nationalisation a été estimé à 43 milliards de francs environ, dont 8 milliards pour les banques non cotées.

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