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Article de presse: Un homme et un parti

Publié le 09/08/2010

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21 juin 1981 -   A victoire du Parti socialiste, confirmant et amplifiant celle de François Mitterrand le 10 mai, constitue l'événement politique le plus important de l'après-guerre après le départ du général de Gaulle en 1946 et son retour en 1958. Jamais mutation aussi profonde ne s'était produite.    De 1946 à 1958, avec les communistes puis sans eux, des majorités instables, aux prises avec la guerre froide et les conflits d'outre-mer, ont gouverné au centre, sans cesser d'être à la merci de l'Assemblée nationale. C'était, disait-on, " le régime des partis ".    De 1958 à 1981, sous de Gaulle puis sans lui, la France a été gouvernée par des présidents de la République élus au suffrage universel avec des majorités stables mais plus ou moins unies face à une opposition de gauche s'implantant progressivement dans le pays mais impuissante à l'Assemblée nationale. Ce fut une variante du régime présidentiel.    Pour simplifiés qu'ils soient, ces rappels donnent la mesure de l'événement.    Aujourd'hui, un président socialiste largement cute;lu dispose d'une majorité socialiste absolue : le président a la majorité de sa politique. Ce que n'ont eu ni de Gaulle de 1958 à 1962, ni Valéry Giscard d'Estaing de 1976 à 1981.    Aujourd'hui les deux dépositaires de la souveraineté nationale, le président de la République et l'Assemblée nationale, sont en parfaite conformité. Le régime peut vraiment devenir à la fois présidentiel et parlementaire, comme le voulaient ses initiateurs. Mais il devra d'autant plus se garder d'être partisan que la majorité déborde électoralement et sociologiquement l'électorat traditionnel du Parti socialiste.    Aujourd'hui, enfin, comme à la Libération, le pouvoir entend non seulement gérer mais réformer.    Les causes et les conséquences de cette double victoire électorale et de cette mutation ne peuvent être qu'esquissées.    Cause politique : le fait présidentiel amplifié par le mode de scrutin et la faiblesse de la campagne des adversaires de la gauche.    Cause sociologique : le désir d'une grande majorité des Français non de changer de société mais de changer la société en la transformant progressivement.    Le fait présidentiel s'est traduit dès le premier tour de deux façons : paradoxalement par le pourcentage élevé des abstentionnistes, nombre d'entre eux estimant que la décision essentielle avait été prise dès le 10 mai : profondément par la forte poussée socialiste, amplifiée au second tour par le jeu du mode de scrutin.    Ainsi la gauche assume-t-elle tous les pouvoirs grâce à un régime qu'elle a combattu à l'origine et à une loi électorale dont elle réclame la suppression. Paradoxe qui n'est pas unique dans l'histoire contemporaine. En 1875, ce sont les monarchistes qui, sans le vouloir il est vrai, ont établi la République. JACQUES FAUVET Le Monde du 23 juin 1981

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