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ARTICLE PAIX

Publié le 17/01/2011

Extrait du document

Article " Paix "

L'article " Paix " renvoie à l'article " Guerre " et lui l'ait écho dans une même dénonciation de la violence et des caprices des conquérants. Sous le prétexte de parler de la paix. Damilaville souligne à quel point la guerre apparaît comme une entreprise contre la nature et contre la raison. Elle est condamnée parce qu'elle s'oppose aux intérêts des citoyens et au bonheur de l'homme.

La guerre est un fruit de la dépravation des hommes; c'est une maladie convulsive et violente du corps politique ; il n'est en santé, c'est-à-dire dans son état naturel, que lorsqu'il jouit de la paix; c'est elle qui donne de la vigueur aux empires; elle maintient l'ordre parmi les citoyens; elle laisse aux lois la force qui leur est nécessaire; elle favorise la population', l'agriculture et le commerce; en un mot, elle procure au peuple le bonheur qui est le but de toute société. La guerre, au contraire, dépeuple les États; elle y fait régner le désordre; les lois sont forcées de se taire à la vue de la licence qu'elle introduit; elle rend incertaines la liberté et la propriété des citoyens ; elle trouble et fait négliger le commerce; les terres deviennent incultes et abandonnées. Jamais les triomphes les plus éclatants ne peuvent dédommager une nation de la perte d'une multitude de ses membres que la guerre sacrifie; ses victoires même lui font des plaies profondes que la paix seule peut guérir.

Si la raison gouvernait les hommes, si elle avait sur les chefs des nations l'empire qui lui est dû, on ne les verrait point se livrer inconsidérément aux fureurs de la guerre; ils ne marqueraient point cet acharnement qui caractérise les bêtes féroces. Attentifs à conserver une tranquillité de qui dépend leur bonheur, ils ne saisiraient point toutes les occasions de troubler celle des autres ; satisfaits des biens que la nature a distribués à tous ses enfants, ils ne regarderaient point avec envie ceux qu'elle a accordés à d'autres peuples; les souverains sentiraient que des conquêtes payées du sang de leurs sujets ne valent jamais le prix qu'elles ont coûté. Mais, par une fatalité déplorable, les nations vivent entre elles dans une défiance réciproque perpétuellement occupées à repousser les entreprises injustes des autres ou à en former elles- mêmes, les prétextes les plus frivoles leur mettent les armes à la main. Et l'on croirait qu'elles ont une volonté permanente de se priver des avantages que la Providence ou l'industrie leur ont procurés. Les passions aveugles des princes les portent à étendre les bornes de leurs États; peu occupés du bien de leurs sujets, ils ne cherchent qu'à grossir le nombre des hommes qu'ils rendent malheureux. Ces passions, allumées ou entretenues par des ministres ambitieux ou par des guerriers dont la profession est incompatible avec le repos, ont eu, dans tous les âges, les effets les plus funestes pour l'humanité. L'histoire ne nous fournit que des exemples de paix violées, de guerres injustes et cruelles, de champs dévastés, de villes réduites en cendres. L'épuisement seul semble forcer les princes à la paix; ils s'aperçoivent toujours trop tard que le sang du citoyen s'est mêlé à celui de l'ennemi; ce carnage inutile n'a servi qu'à cimenter l'édifice chimérique de la gloire du conquérant et de ses guerriers turbulents; le bonheur de ses peuples est la première victime qui est immolée à son caprice ou aux vues intéressées de ses courtisans.

Damilaville, Encyclopédie, article " Paix ".

Pour préparer l'étude du texte

Dégager la structure du texte et préciser le thème essentiel de chacun des deux paragraphes.

Dans le premier paragraphe, étudier la métaphore de la maladie et analyser le jeu des antithèses.

Montrer que le second paragraphe est construit sur une hypothèse démentie. Quels sont les reproches adressés aux princes ?

Faire une synthèse des méfaits de la guerre, de leurs origines. Préciser ce qui, implicitement, conduit à penser qu'elle pourrait être évitée.

Lecture méthodique

PRÉSENTATION DU TEXTE

La réflexion sur la guerre constitue un thème récurrent de la pensée philosophique du XVIII e siècle. Montesquieu (Lettres persanes, " Apologue des Troglodytes "), Voltaire (Micromegas, Candide, Dictionnaire philosophique), Jaucourt (article " Guerre " de l'Encyclopédie en ont déjà dénoncé les méfaits. Damilaville, à son tour, reprend l'analyse dans l'article " Paix ", montrant par ce choix à quel point les deux notions ne peuvent se définir que l'une par rapport à l'autre.

Ce qu'ils dénoncent est l'arbitraire, l'horreur, les dévastations causées par la guerre, la manière dont sont bafoués les droits les plus élémentaires des populations civiles. Mais, comme bien souvent, leur critique va plus loin et vise directement ceux qui décident les guerres : les princes. Leurs passions, leurs ambitions, leur manque de raison, le souci constant de leurs intérêts personnels au détriment du bonheur de leurs peuples sont sévèrement stigmatisés par les philosophes qui font ainsi la critique du pouvoir politique.

L'extrait de l'article " Paix " donné ici est surtout consacré à la guerre. Chacun des deux paragraphes est construit sur un double jeu d'oppositions : opposition guerre/paix dans le premier, à partir d'une métaphore qui fait de la guerre une maladie et de la paix un état d'équilibre et de bonne santé, opposition hypothèse/réalité dans le second. Dans les deux cas, sont longuement étudiées les conséquences catastrophiques de la guerre sur les pays engagés dans des conflits. La dénonciation de la guerre s'inscrit dans une réflexion générale sur la politique mise au service du bonheur des nations et des individus.

STRUCTURE DU TEXTE

La division de l'extrait en deux paragraphes correspond à une double approche des problèmes posés par l'absence de paix, c'est-à-dire par l'état de guerre (ce terme est d'ailleurs le premier du premier paragraphe).

Premier paragraphe

Ouverture sur une sorte de définition de la guerre et développement de l'état de paix en une métaphore filée tout au long du paragraphe (guerre = " maladie ", paix = santé). Une articulation centrale (" la guerre, au contraire ", l. 5) fait apparaître, sous forme contradictoire, les images désastreuses de la guerre. Le paragraphe entier est construit à partir des deux notions antithétiques, l'une fortement valorisée, l'autre nettement dénoncée.

Deuxième paragraphe

Il évolue lui aussi en deux étapes. La première (l. 11-17) est entièrement construite sur une hypothèse (emploi récurrent de " si " et du conditionnel) qui souligne un irréel du présent. L'auteur envisage une situation utopique dans laquelle les hommes seraient raisonnables. La deuxième étape, qui commence avec l'expression d'une opposition (" mais ", l. 17), est une analyse de la conduite réelle des princes. Cette conduite est envisagée non pas de manière historiquement contemporaine, mais dans le déroulement de l'Histoire.

ÉTUDE DU PREMIER PARAGRAPHE LA MÉTAPHORE DE LA MALADIE, L'OPPOSITION GUERRE/PAIX

La métaphore de la maladie

Dès le début du texte la guerre est présentée sous une forme métaphorique (" c'est une maladie ", l. 1) reprise et complétée au cours du paragraphe à travers tout un champ lexical de la maladie. L'image est favorisée par l'assimilation de la nation à un " corps politique ". Le choix du terme " corps " légitime l'utilisation du vocabulaire médical. On peut en effet récapituler les termes suivants : " santé " (l. 2), " vigueur " (l. 3), " membres " (l. 9), " plaies " et " guérir " (l. 10). La guerre est ainsi présentée comme un état de trouble, de perturbation, d'anormalité destructrice, pouvant, comme la maladie, conduire à la mort. Certaines caractérisations, comme " convulsive " et " violente " (l. 1) s'inscrivent dans le même registre en soulignant le caractère incontrôlable et peut-être imprévisible de la maladie. On voit apparaître à travers cette formulation l'idée, chère à Rousseau, qu'il s'agit, dans la violence et la destruction, d'une détérioration de la nature humaine, non portée originellement à détruire.

L'opposition guerre/paix

Damilaville oppose un état anormal et maladif à un état naturel et utile, efficace. D'un côté, il situe la destruction, le désordre, la détérioration, de l'autre, la prospérité dans tous les domaines. La reprise de certains termes renforce la double idée de parallélisme et d'opposition entre les deux notions et les situations qu'engendrent respectivement la guerre et la paix. On peut représenter le jeu des oppositions dans le tableau suivant :

Paix Guerre
" santé " " maladie convulsive et violente "
" état naturel " " dépravation "
" vigueur "  
" ordre " social " désordre ", " licence "
force des lois " lois... forcées de se taire "
développement de la population " dépeuple les États "
développement de l'agriculture " les terres deviennent incultes et abandonnées "
développement du commerce " fait négliger le commerce "
" elle procure... le bonheur " " elle rend incertaines la liberté et la propriété "

 

On voit ainsi apparaître d'un côté tous les aspects positifs, constructifs et louables de la paix : développement économique, liberté et bonheur et de l'autre tous les aspects destructifs et néfastes de la' guerre, ruine, désordre social, privation de liberté ou liberté effrénée, désastre économique. La conclusion du paragraphe rappelle que les éventuels succès guerriers n'offrent jamais de compensation assez grande pour justifier les horreurs commises. Là encore, des termes antithétiques soulignent l'absence totale d'équilibre entre ce qu'apporte la guerre et ce qu'elle fait disparaître : " triomphes les plus éclatants " / " perte d'une multitude de ses membres " ; " victoires " / " plaies profondes " (l. 10).

La négation catégorique qui sépare les éléments opposés marque leur caractère irréductible : il y a incompatibilité entière, totale et irréversible entre eux d'après Damilaville. C'est d'ailleurs ce que ` souligne aussi l'opposition entre les champs lexicaux auxquels appartiennent ces termes (succès d'un côté, souffrance et destruction de l'autre).

ÉTUDE DU DEUXIÈME PARAGRAPHE ANALYSE DU COMPORTEMENT DES PRINCES

Une situation hypothétique

Dès le début du deuxième paragraphe, Damilaville suppose une situation caractérisée par la domination de la raison (" si la raison gouvernait les hommes ", l. 11) et en envisage les conséquences sur le plan de la guerre et de la paix. La série de verbes au conditionnel qui suivent l'énoncé de l'hypothèse énumère, de manière négative, des actes destructifs qui sont précisément ceux auxquels se livrent les " chefs des nations " (l. 11). Le choix de formulations négatives (" ils ne marqueraient point cet acharnement... ", l. 12-13) permet à l'auteur d'évoquer de manière très efficace, très " parlante " parce que faciles à se représenter et très évocatrices, des attitudes guerrières. La dénonciation est plus efficace que si les formulations avaient été affirmatives. Les images évoquées sont en effet très représentatives de l'état de violence qui transforme les êtres humains en êtres inhumains : comparaison avec les " bêtes féroces " (l. 13), avidité de se battre (" ils ne saisiraient point... ", l. 14), allusion à la folie sanguinaire (" fureurs de la guerre ", l. 12). Parallèlement, parce que le point de départ de l'article est le mot " Paix ", Damilaville fait constamment allusion aux bienfaits de l'état opposé par l'utilisation d'un champ lexical de la tranquillité: " tranquillité " (l. 13), " bonheur " (l. 14), " satisfaits " (l. 15). On voit, là encore, se mettre en place un jeu d'oppositions entre la violence (" fureurs ", l. 12; " acharnement ", l. 13 ; " envie ", l. 15) et la réflexion née de la raison (" attentifs ", l. 13 ; " les souverains sentiraient... ", l. 16).

La réalité

Le conditionnel traduit une situation d'irréel du présent (action non réalisée), renforcée par l'opposition de la ligne 17 (" Mais "). L'utilisation du " Mais " souligne un retour à une réalité différente, celle de princes non gouvernés par la raison. On trouve donc dans cette deuxième partie de paragraphe, de manière affirmative et à l'indicatif, ce qui était exprimé au conditionnel et de manière négative dans la première. Damilaville s'intéresse d'abord aux nations, puis aux princes.

Le comportement des nations : il est violemment dénoncé à travers l'expression d'une attitude irréfléchie, irresponsable et négative. L'emploi du présent généralise l'observation, ce qui est accentué par l'emploi de l'adverbe " perpétuellement " (l. 18). Le verbe pronominal " se priver " (l. 20) met en relief un comportement de refus de confiance et de quasi autodestruction.

Les princes : Damilaville met en relief une attitude intéressée, dictée par une soumission aux passions et aux ambitions. Les termes " passions aveugles " (l. 21, repris à la ligne 23), " étendre les bornes " (l. 22), nettement dépréciatifs, insistent sur l'absence de raison (voir l'importance du mot à la ligne 11) et sur le manque d'intérêt pour le bonheur des sujets (" peu occupés du bien de leurs sujets ", l. 22). La guerre est présentée ici comme le moyen utilisé par les princes pour satisfaire des caprices territoriaux personnels (" étendre les bornes de leurs États ", l. 22). Il faut ajouter à cette attitude déraisonnable et peu digne de " princes " la responsabilité de l'entourage (" ministres ambitieux ", " guerriers ", l. 24).

La dernière partie de l'extrait est consacrée à une observation critique de l'Histoire dans son déroulement : multiplicité des guerres et refus de la paix. Damilaville trouve des accents lyriques et éloquents pour stigmatiser des comportements répétitifs qui ne conduisent, pour des rêves de gloire, qu'au malheur des peuples. Il met ainsi en relief l'idée que pour les princes la paix n'est apparemment pas un état naturel tandis que la guerre se révèle comme l'expression d'une passion conduisant à la réalisation des plus grandes ambitions personnelles. Le côté imagé du langage et des formulations (" champs dévastés ", " villes réduites en cendres ", " carnage inutile ", " édifice chimérique ", " guerriers turbulents ", " victime ", " sang ") sont de nature à frapper l'imagination, à susciter l'indignation. Les formules frappantes et réductrices font apparaître responsables et victimes en une sorte de face à face dramatisé qui souligne l'irresponsabilité ambitieuse et puérile des uns et l'horreur du malheur des autres.

CONCLUSION

L'efficacité dénonciatrice et polémique du texte vient de la constante opposition entre les résultats dévastateurs de la guerre et les effets bénéfiques et constructifs de la paix. Les deux tableaux alternés ou mêlés font apparaître chacun des deux états selon un rapprochement tantôt valorisant tantôt dénonciateur. La critique virulente des princes dans le déclenchement des guerres s'inscrit dans le projet général du siècle philosophe, qui est de combattre toutes les formes d'arbitraire et de mettre en relief les vertus d'un bon prince. On comprend alors l'importance des allusions à la raison, l'insistance sur la responsabilité de ceux qui dirigent et l'image de la guerre présentée comme une déviation de la nature humaine. Ce sont beaucoup plus les princes que les hommes qui sont ici visés.

LA GUERRE

A partir des deux articles " Paix " et " Guerre " de l'Encyclopédie, récapituler et classer les méfaits de la guerre en fonction du domaine auquel ils s'appliquent.

" GUERRE, c'est, comme on l'a dit plus haut, un différend entre des souverains, qu'on vide par la voie des armes.

Elle a régné dans tous les siècles sur les plus légers fondements ; on l'a toujours vue désoler l'univers, épuiser les familles d'héritiers, remplir les Etats de veuves et d'orphelins ; malheurs déplorables, mais ordinaires ! De tout temps les hommes, par ambition, par avarice, par jalousie, par méchanceté, sont venus à se dépouiller, se brûler, s'égorger les uns les autres. Pour le faire plus ingénieusement, ils ont inventé des règles et des principes qu'on appelle l'art militaire, et ont attaché à la pratique de ces règles l'honneur, la noblesse et la gloire. [...]

Les lois militaires de l'Europe n'autorisent point à ôter la vie de propos délibéré aux prisonniers de guerre, ni à ceux qui demandent quartier, ni à ceux qui se rendent, moins encore aux vieillards, aux femmes, aux enfants, et en général à aucun de ceux qui ne sont ni d'un âge, ni d'une profession à porter les armes, et qui n'ont d'autre part à la guerre que de se trouver dans le pays ou dans le parti ennemi.

A plus forte raison les droits de la guerre ne s'étendent pas jusqu'à autoriser les outrages à l'honneur des femmes ; car une telle conduite ne contribue point à notre défense, à notre sûreté, ni au maintien de nos droits ; elle ne peut servir qu'à satisfaire la brutalité du soldat effréné.

Il y a néanmoins mille autres licences infâmes et milles sortes de rapines et d'horreurs qu'on souffre honteusement dans la guerre. Les lois, diton, doivent se taire parmi le bruit des armes ; je réponds que s'il faut que les lois civiles, les lois des tribunaux particuliers de chaque État, qui n'ont lieu qu'en temps de paix, viennent à se taire, il n'en est pas de même des lois éternelles, qui sont faites pour tous les temps, pour tous les peuples, et qui sont écrites dans la nature : mais la guerre étouffe la voix de la nature, de la justice, de la religion et de l'humanité. Elle n'enfante que des brigandages et des crimes ; avec elles marchent l'effroi, la famine et la désolation ; elle déchire l'âme des mères, des épouses et des enfants ; elle ravage les campagnes, dépeuple les provinces et réduit les villes en poudre. Elle épouse les États florissants au milieu des plus grands succès ; elle expose les vainqueurs aux tragiques revers de la fortune : elle déprave les moeurs de toutes les nations et fait encore plus de misérables qu'elle n'en emporte. Voilà les fruits de la guerre. "

Jaucourt, article " Guerre ".

RÉSUMÉ DU TEXTE (150 mots ± 10 %)

La guerre atteint le " corps politique " comme une maladie et détériore son état naturel, la paix. Celle-ci favorise l'ordre, le développement démographique et économique, le bonheur. La guerre désorganise, annihile les lois, supprime la liberté et ruine l'économie. Ses succès ne compensent jamais les blessures infligées.

Si les hommes agissaient par raison, ils ne se laisseraient pas emporter comme des brutes par la violence de la guerre. Ils ne seraient pas envieux des biens des autres. Les princes même comprendraient que les victoires ne justifient pas le prix des souffrances. Mais les pays mutuellement peu confiants mettent beaucoup de persévérance à se détruire. Poussés par la passion, les princes accroissent leurs possessions au détriment du bonheur de leurs peuples et se laissent influencer par des ambitieux. L'histoire est une longue suite de paix bafouées et de destructions. Contraints de faire la paix, les princes comprennent trop tard qu'ils ont sacrifié leurs sujets à l'élaboration de triomphes illusoires et aux ambitions injustifiées de leur entourage.

(Résumé fait en 163 mots.)

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