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Article Paix

Publié le 12/02/2011

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il décrit un monde dominé par la paix, mais il le fait de manière utopique, d'abord par un jeu de propositions conditionnelles, puis par des verbes au conditionnel. Il applique aussi le champ lexical de la tragédie de la guerre, montrant ainsi comment, à ses yeux, elle fait partie du destin des hommes : on trouve \"fatalité déplorable\" à la ligne 23, puis \"les effets les plus funestes de l'humanité\" à la ligne 33. On trouve également l'image de l'aveuglement, lié au tragique, ou de la chaîne temporelle impossible à rompre, avec \"perpétuellement\". L'histoire qui est évoquée est donc celle des guerres : on trouve la négation restrictive \"ne nous fournit que ...\", avec une dernière reprise des éléments énumérés, de manière hyperbolique : l'agriculture est désormais réduite à \"des champs dévastés\", le commerce à \"des villes réduites en cendres\". S'y ajoutent d'autres images de violence, \"paix violées\" et \"guerres injustes et cruelles\".

Damilaville est imprégné des idées des Lumières : il reprend à son compte l'idée très fréquente que le bonheur est garanti par l'usage de la vertu et de la raison, et que, alors que la paix se lie à la vertu (la vertu rendant l'homme pacifique), la guerre est un signe de vice. De manière très significative, même si cela n'apparaît pas dans le texte, l'article est renvoyé aux domaines suivants : (Droit nat. politique et moral), c'est-à-dire la revendication des droits des citoyens à la paix, non seulement au nom de la politique, mais aussi au nom de la morale. D'où l'expression \"dépravation des hommes\", qui fait bien allusion au vice, à la dégradation morale. La paix, en revanche, est renvoyée à un \"état naturel\", c'est-à-dire que la vertu est, pour Damilaville comme pour tous les philosophes des Lumières, un état premier de l'homme, qu'il doit écouter pour pouvoir vivre heureux. Cette image de la nature reviendra comme un reproche dans le courant de l'article, les déclarations de guerre des rois étant assimilées à une insatisfaction non justifiée face aux bienfaits de la nature, qu'elle a distribués avec équité entre tous les hommes (image maternelle des \"enfants\" reprise ensuite dans l'image de la Providence à la ligne 28). L'association du bonheur et de la paix est reprise dans le texte, à la ligne 18/19, avec l'expression \"une tranquilité de qui dépend leur bonheur\". On retrouve par ailleurs une métaphore très fréquente au XVIIIème siècle quand il s'agit de dénoncer un comportement passionnel et condamnable, celui de la maladie convulsive. On le trouve par exemple dans l'article \"fanatisme\" du Dictionnaire philosophique portatif de Voltaire. Ces maladies, dont l'origine était inconnue, ce qui rendait tout traitement impossible et pouvait condamner à mort le patient, terrifiaient tout particulièrement, au point d'être parfois associées à un signe de possession. C'est donc à la fois l'image d'une maladie suspecte et incurable qui se fait jour, incompatible évidemment avec toute idée de bonheur.

C'est ouvrir la porte à une condamnation des rois, qui sont seuls qualifiés à déclarer la guerre, pour des buts futiles et sans tenir aucun compte des sacrifices que cela représente. Damilaville rejoint ici des auteurs comme Voltaire, dans Candide, chapitre III, ou dans Micromégas, ou encore comme Montesquieu, qui, par exemple, dans la lettre XXIV, donne du roi de France l'image d'un guerrier insatiable, qui ne s'occupe pas de l'état du royaume. La critique est d'ailleurs assez transparente. Louis XV, au pouvoir quand Damilaville rédige son article, se signale par le nombre de guerres menées. Il ressemble en cela à son prédécesseur, Louis XIV, mais la différence, c'est que les guerres menées par Louis XV sont en majorité des échecs. De plus, ce sont des guerres de conquête, entamées au nom des \"prétextes les plus frivoles\", non de défense (voir \"occasion de troubler celle des autres\"), qui font revenir l'accusation d'immoralité, puisque c'est l'envie, péché mortel, qui préside à de telles déclarations de guerre. Les guerres offensives créent un engrenage tragique, obligeant les nations agressées à entrer dans leur tour dans une guerre défensive. Le reproche au roi, c'est qu'en poussant son peuple à la guerre, il ne garantit pas \"la vigueur de ses empires\", c'est-à-dire la santé. Or, dans l'énumération de Damilaville, on trouve les obligations du roi à l'égard de l'économie : c'est un domaine nouveau des sciences au XVIIIème siècle, avec l'élaboration des premières doctrines, celles des physiocrates (l'économie n'est pas encore vraiment liée à l'industrie, ce que montrent les seules références à la démographie, à l'agriculture et au commerce). Le système physiocratique est une application des idées médicales de la circulation sanguine : il est remarquable de voir que dans le texte, le prix à payer pour les guerres est justement le sang des soldats, qui devient par métonymie le sang du royaume. L'idée de bonheur passe désormais par celle de confort, et la dernière partie de cette longue phrase énumérative met en valeur cette idée, en faisant du bonheur \"but de toute société\" (voir en plus la généralisation de l'adjectif indéfini \"toute\"). De manière toute aussi grave, il n'assure pas son rôle fondamental de garant de la loi, l'ordre disparaissant, selon Damilaville, en temps de guerre (or, l'idée qui s'impose au XVIIIème siècle, c'est celui d'un contrat social : le roi est au pouvoir en échange de la garantie qu'il assurera le bonheur et le bien-être de ses citoyens), s'il ne garantit pas la paix, il n'est pas digne de garder le pouvoir. Sa tâche, c'est d'être \"attentif\", adjectif qui apparaît à la ligne 18. Or, le roi est suffisamment inconséquent pour n'être sensible qu'à \"l'épuisement\" : c'est-à-dire qu'il n'est sensible au tort qu'il fait à ses sujets que quand ses forces de chef de guerre sont elles aussi atteintes. Par conséquent, les \"chefs des nations\", manière de ne pas nommer directement le roi, reçoivent des comparaisons très péjoratives : ce sont des \"bêtes féroces\", effet redoublé par l'expression \"fureurs de la guerre\", qui fait de la guerre une forme de folie. Plus loin, à la ligne 37, on trouve le terme \"carnage\", qui désigne une boucherie, et \"immoler\" qui fait de la mort des sujets un sacrifice religieux qui les transforme en \"victimes\". Mais la religion de la gloire est dénoncée, avec l'adjectif \"chimérique\". C'est d'ailleurs un tel aveuglement que, alors que le bonheur de leurs sujets est aussi celui du Prince (voir \"leur bonheur\" à la ligne 19), il n'y est pas sensible. Leur folie consiste à concevoir la prospérité en fonction de la dimension de leur royaume. Ils vont par conséquent à l'opposé de ce qui devrait être leur but, c'est-à-dire vers le malheur de leurs sujets. De manière polémique, Damilaville lie la dimension du royaume au nombre des sujets que l'on peut ainsi rendre malheureux. On trouve aussi l'idée que les rois, déjà sujets à la passion et donc non maîtres d'eux-mêmes, sont en plus soumis à des conseillers qui n'écoutent que leur intérêt personnel, civils avec \"ministres ambitieux\" ou militaires avec \"guerriers\", c'est-à-dire des généraux ou des maréchaux. La même idée est reprise à la fin, mais elle est aggravée : la gloire des \"guerriers turbulents\" ne fait plus que s'additionner à celle du \"conquérant\". Dans le cas du roi, c'est un \"caprice\", dans celui des guerriers proches du roi, ce sont des \"vues intéressées\".

Conclusion :

  • Article de synthèse, qui reprend les idées de Lumières sur le bonheur et le devoir des princes.

  • Ton également habituel au XVIIIème siècle : ton de la polémique, qui s'affirme progressivement dans le texte.

 

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