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Sujet :Peut-on véritablement qualifier le royaume uni de régime parlementaire ?

Publié le 03/12/2020

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Sujet :Peut-on véritablement qualifier le royaume uni de régime parlementaire ? «Le parlement peut tout faire sauf changer un homme en femme», écrivait Jean-Louis de Lolme, juriste calviniste de Genève et disciple de Jean-Jacques Rousseau au XVIIIème siècle; le juriste faisant ici l’éloge du système parlementaire britannique. De fait, les juristes classiques avaient admis puis qualifié le Royaume-Uni de régime parlementaire. Cependant, qu’est-ce qu’un régime parlementaire et comment s’organise-t-il ? Dès lors que l’on aborde le sujet du régime britannique il nous faut définir quelques termes plus qu’importants à la compréhension du sujet et à l’analyse critique et construite que nous allons en faire. Dans un premier temps et cela sera peut-être la base même de notre cheminement, il nous faut entendre ce qu’un régime est, puis tout particulièrement un régime parlementaire. En ce sens nous pouvons définir juridiquement le terme régime comme un «ensemble d'institutions, de procédures et de pratiques caractérisant un mode d'organisation et d'exercice du pouvoir, régissant la manière dont quelqu'un ou quelque chose est soumis à une institution» d’après la définition de Francis Hamon et Michelle Troper. Cependant ces derniers définissent dans un autre temps le régime comme l’ensemble des institutions et des personnalités politiques en place et gouvernants. L’ambiguïté est complexe mais pas impossible à saisir. Il nous faut différencier le régime au sens de l’institution apolitique et donc purement administrative, que nous étudierons dans cette dissertation et le régime au sens physique et politique c’est-à- dire les gouvernants qui exercent le pouvoir suivant l’idéologie qui est la leur. Dès lors, un régime parlementaire se définira d’après Pauline Turk comme «un régime au sens administratif dans lequel le gouvernement tire sa légitimité de la confiance que lui accorde la majorité du parlement, en charge du pouvoir absolu législatif. Pour que l’équilibre soit assuré entre les pouvoirs, cette dépendance doit être réciproque avec notamment des éléments comme la motion de censure contre le droit de dissolution. Dans ce type de régime on parle de séparation souple des pouvoirs puisque ceux-ci entretiennent d’étroites relations de collaboration. Ils peuvent influer l’un sur l’autre dans l’exercice de leurs fonctions et peuvent se révoquer mutuellement. Les pouvoirs exécutif et législatif, bien que séparés sont donc interdépendants». Théorisé en France par des auteurs du 19ème siècle comme Chateaubriand ou Benjamin Constant et apparu dans la pratique institutionnelle en Grande-Bretagne, le régime parlementaire est aujourd’hui pratiqué dans la quasi-totalité des États européens. Ils n’existent pas cependant de modèle type de régime parlementaire, puisqu’il y a autant de régimes parlementaires qu’il y a d’États qui le pratiquent. Le régime parlementaire résulte d’un «ensemble d’éléments qui s’acclimatent ou non en fonction des données économiques, sociales, psychologiques, historiques d’un pays» d’après L. Michon. C’est pourquoi il fut parfois comparé à une fragile «plante de serre». La principale caractéristique du régime parlementaire réside donc dans l’existence de mécanisme de collaboration et de pression réciproque qui sont autant de moyens de résoudre d’éventuels conflits entre les pouvoirs. Ils disposent ainsi d’un «pouvoir de vie et de mort» l’un sur l’autre d’après Pauline Turk. Pour résumer cette définition nous pouvons citer Gilles Champagne écrivant à ce propos que « Les critères du régime parlementaire sont : un exécutif dualiste ou bicéphale, un premier ministre chef de l’exécutif à la tête du gouvernement, un chef de l’État irresponsable politiquement, un gouvernement doté d’un droit d’initiative des lois (initiative non réservée aux seuls parlementaires), le droit de dissolution, la responsabilité politique du gouvernement devant le parlement et l’accès aux chambres des membres du gouvernement ». Finalement puisque notre sujet est une étude du régime Britannique, nous nous devons de mettre des mots clairs sur ce qu’est le Royaume-Uni. Le Royaume-Uni, est une monarchie constitutionnelle composée de l'Angleterre, du Pays de Galles, de l'Écosse et de l'Irlande du Nord. Le royaume possède trois systèmes de lois distincts: l’English law, qui s'applique à l'Angleterre et au Pays de Galle, et le Northern Ireland law sont basés sur les principes de common low. Le Scots law lui est un système hybride basé sur les principes de droit civil. Le Royaume-Uni est divisé en quatre parties, souvent appelées home nations ou nations constitutives. Chaque nation est, quant à elle, divisée par les gouvernements locaux. La reine nomme un lieutenant-lord en tant que représentant personnel de différentes zones spécifiques à travers le royaume. Le sujet que nous abordons, lors de cette dissertation est plus qu’intéressant puisqu’il soulève différents questionnements et possède de multiples intérêts. Tout d’abord, nous y découvrons un fort intérêt historique. En effet le régime parlementaire britannique, se construit et évolue depuis le XI° siècle. Sous le règne de Guillaume le conquérant, monarque absolu, on découvre les prémices de la construction parlementaire. De fait, le Roi prend l’habitude de consulter ses vassaux lors de « Grand conseil » que l’on nommera le «Magnum Concilium». Or ce dernier aura tendance à prendre sans cesse plus d’importance et à obtenir plus de d’influence. Si à l’origine le conseil ne possède qu’un rôle consultatif, les descendants de Guillaume le Conquérant en useront afin d’asseoir leur légitimité. Par la suite, suite à la révolte de 1215 des barons face à Jean sans Terre, on assiste à la rédaction de la «Magma Carta» première charte britannique. En conséquence de quoi, le Roi perd le droit d’imposer des impôts. Ces-derniers entrent en vigueur si et seulement si le conseil octroit son consentement. Dès lors le Conseil obtient un pouvoir financier et ira même jusqu’à rédiger des propositions de lois en matière économique ce qui équivaut à une obtention d’un rôle de proposition législative. Le Conseil tendra par la suite à devenir la «chambre des Lords». Face à ce Conseil, s’octroyant toujours plus de pouvoirs, le Roi décide progressivement de consulter les représentants des villes pour lui faire contre-poids, on assistera à la création de la «Chambre des Communes» qui deviendra associé au pouvoir législatif. C’est au XV° siècle que ces Conseils deviennent concrètement les «Chambres haute et basse». A cette époque on considère que le pouvoir législatif est composé des 3 organes que sont «la Couronne et les deux Chambres». Cependant après quelques abus de la part des Rois et deux révolutions consécutives, on assiste à la signature du «Bill of rights» par lequel le Roi perd le pouvoir de suspendre des lois par des ordonnances. Finalement en 1710, «L’Act of Settelment» augmentera les pouvoirs du parlement et garantira l’indépendance des juges. Dès lors, nous décelons un paradoxe entre le contexte historique et la question illustrant notre sujet. Comment le Royaume-Uni ne pourrait-il plus être un régime parlementaire alors qu’il a tendu vers ce type de système politique depuis plus de neuf siècles? Cela nous apparaît absurdement contradictoire. De surcroît, le sujet comporte aussi un intérêt juridique. En effet si pour Hans Kelsen « une règle de droit doit être définie par une autre règle de droit» et que la constitution doit être formelle au sommet de la hiérarchie des lois, le régime britannique ne l’entend pas de la même manière. En effet, le Royaume-Uni ne possède pas de Constitution au sens formel mais seulement au sens matériel coutumier. Bien que la constitution de la Grande-Bretagne désigne l’ensemble des règles principales et les fondements de l’État encadrant l’exercice du pouvoir politique, il s’agit et s’agira toujours d’une constitution dîte souple. De surcroît, même si Montesquieu définit le système britannique comme le meilleur en terme de séparation des pouvoirs aucun document ne vient formellement de?finir les pouvoirs respectifs du corps législatif et de l’exécutif. Cela créé un paradoxe puisque d’après l’art 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 «Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Dans la mesure où la constitution n’est pas formelle, chacun interprète cette constitution subjectivement, accordant plus ou moins d’importance aux différentes règles régissants l’exercice de l’autorité. Dès lors nous pouvons affirmer qu’un régime défini par une constitution souple, peut être modifiable bien plus facilement qu’un régime caractérisé par une constitution matérielle écrite et formelle comme en France. La question qui se pose aussitôt repose sur le principe d’équilibre. Une nation régie par une constitution coutumière souple peut-elle connaître une stabilité politique? Finalement, et comme tout sujet, le nôtre propose différents intérêts d’actualité. Nous pouvons par exemple nous interroger sur la manière dont l’Europe du temps de l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union Européenne influait sur le système britannique. De même on peut s’intéresser aux conséquences du Fixed-Term Parliaments Act 2011, une loi ordinaire d'un point de vue formel, qui en vérité est d’un point de vue mate?riel une loi constitutionnelle, car elle porte sur les rapports entre le Parlement et le gouvernement britanniques. Cette loi porte donc sur les modalités de la mise en jeu de la responsabilité du gouvernement par le Parlement, et sur le droit de dissolution de l’exécutif. Il s’agit de la première loi britannique régissant ces deux mécanismes et encadrant de la sorte la dissolution. En ce sens, il s’agit d’une réforme majeure de la Constitution britannique et celle-ci a donc nécessairement eu un impact sur l’organisation politique britannique. Et finalement nous pouvons aussi observer un intérêt d’actualité dans la fin de mandat de Theresa May qui a suivi la dissolution à l’été 2017 de la Chambre des Communes. Afin de conforter sa majorité au Parlement et pour y trouver une forte légitimité aux yeux de l’UE avec laquelle elle était entrée en négociation, T. May a en 2017 dissout la Chambre des Communes. Cependant perdant la majorité qu’elle possédait, cette dernière s’est vue contrainte de quitter ses fonctions et de démissionner. Finalement, Le Royaume-Uni s’est enfoncé dans une crise politique sans précédent en 2019. En effet, le mardi 24 septembre, dans la matinée, la Cour suprême a condamné « à l’unanimité de ses onze juges » la décision du premier ministre Boris Johnson de suspendre le parlement britannique. La plus haute instance judiciaire britannique a également estimé que le conseil à la Reine était « illégal » et surtout que « la suspension résultant de celui-ci était nulle et sans effet ». En conclusion : « Le parlement n’a pas été suspendu. ». Nous porterons donc un grand intérêt sur ces différents sujets d’actualités qui viennent enrichir notre réflexion. Dès lors une question plus générale se présente à nous, en effet malgré des éléments d’actualités paradoxales nous pouvons nous demander, dans quelles mesures peut-on encore vraiment qualifier le régime Britannique de parlementaire? Pour problématiser plus clairement ce sujet, nous nous demanderons simplement si le système politique du Royaume-Uni est toujours construit autour d’un équilibre d’interdépendance entre organes de pouvoirs. Afin de répondre à cette interrogation légitime nous observerons dans un premier temps que le régime Britannique est un système théoriquement construit sur le modèle parlementaire. Cependant nous observerons dans un second temps un paradoxe évident puisque nous assistons aux prémices d’un déséquilibre institutionnel au profit de l’exécutif. I. Un régime théoriquement construit sur le régime parlementaire: Historiquement, le régime britannique se construit autour d’équilibre et d’interactions entre les pouvoirs. Cela implique que le parlement soit un organe fort du régime, mais qu’il existe une forte interdépendance entre le parlement et le gouvernement. A) La prépondérance du parlement: Le parlement se compose de deux chambres. Dans un premier lieu, la chambre des basses se compose de 650 «members of parliament» élus pour un mandat de 5 ans au suffrage universel et au scrutin majoritaire à 1 tour. Cela favorise notamment le bipartisme puisque cette élection implique nécessairement des alliances dès le premier tour pour espérer avoir le maximum de sièges et donc prétendre à l’obtention d’une majorité absolue. Le mode de scrutin évite donc un trop grand éclatement des forces politiques. Les élections se font dans le cadre des circonscriptions et les provinces constituant le Royaume-Uni sont équitablement représentées. Le parlement, dispose théoriquement de l’intégralité du pouvoir législatif. Dans un deuxième lieu, la chambre haute, composée de Lords, eux-même représentants de l’église anglicane ou bien pairs héréditaires. Ces Lords sont nommés par la Reine sur proposition du Premier ministre au pouvoir. On recense 1423 parlementaires au Royaume-Uni contre 535 au États-Unis ou 648 en France ce qui montre définitivement l’importance du parlement dans ce régime. Malgré l’existence de deux chambres distinctes, il en résulte un «bicamérisme inégalitaire». En effet la chambre des Communes aura à juste titre toujours le dernier mot puisqu’il s’agît de parlementaires élus et non désignés par la Reine. Cependant les Lords peuvent s’opposer à la chambre des communes pendant 1 an, malgré cela, si à la fin de l’année il n’y a pas de changement, la loi est acceptée même sans leur accord. De plus, la chambre des communes possède des pouvoirs et un droit d’actions très puissant notamment avec la procédures du KANGOUROU avec laquelle le président de la chambre des basses peut accélérer les débats en sautant certains amendements. Ou bien avec la procédure de la GUILLOTINE lui permettant d’interrompre les débats. En outre, depuis 1974, il existe un « mandat de négociation » en matière de droit de l’Union européenne. De fait, le Gouvernement ne peut pas agir librement en la matière, il est tenu d’appliquer les orientations définies par le Parlement et cela montre bien le pouvoir fort du parlement sur le gouvernement. De surcroît, avec le Fixed-Term Parliament Act, le Roi perd son pouvoir de dissolution de la Chambre des basses qu’il pouvait faire valoir sur les conseils du premier ministre. Il n’existe donc plus que 2 modalités de dissolution de la Chambre des Communes: l’auto-dissolution ou la dissolution dans les 14 jours qui suivent une motion de censure si la confiance n’est pas accordée à un autre gouvernement. On observe donc explicitement le pouvoir fort que détient le parlement et la difficulté théorique de voir un autre organe que celui-ci s’imposer comme dominant dans ce régime. B) L’interdépendance exécutive-législative: Principe essentiel du libéralisme politique, John Locke développe la théorie selon laquelle la dissociation des fonctions dans l’état permet d’éviter la concentration du pouvoir et donc de protéger les citoyens. John Locke fait la distinction entre trois pouvoirs: législatif, exécutif et fédératif. Selon Locke un parlement législatif fort vient s’opposer à un gouvernement exécutif puissant. Partisan de la séparation stricte des pouvoirs, Locke idéalise pourtant le régime parlementaire britannique puisque dans son traité du gouvernement civil il considère le pouvoir législatif comme «pouvoir suprême». Néanmoins, en opposition au système présidentiel américain, on parle lorsque l’on aborde le régime britannique de séparation souple des pouvoirs, puisque ceux-ci entretiennent d’étroites relations de collaboration. Dès lors pour que l’équilibre des pouvoirs soit assuré, il faut qu’ils respectent la théorie positiviste que suggère Montesquieu dans De l’esprit des lois (1748) ceux-ci se trouvant contraints «d’aller concert». «Il faut que par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir»comme garantie efficace contre la tyrannie d’un des pouvoirs. Aujourd’hui ces moyens d’action réciproques illustrent la responsabilité du gouvernement devant le Parlement et celle du parlement face au gouvernement. Ceux-ci prennent essentiellement la forme du droit de dissolution et de la motion de censure ou «responsabilité politique». Pendant longtemps il a existé également une responsabilité pénale des ministres, appelée impeachment. Apparue au 17 ème siècle, elle n’a plus de sens véritable puisque la dernière destitution au Royaume-Uni date de plus de 200 ans. La motion de censure donc, est le droit pour la chambre des communes de renverser le gouvernement. La responsabilité du gouvernement est collégiale : si une motion de censure est votée, il démissionne intégralement. Cette responsabilité est née de la pratique et reste peu formalisée. Cependant il est admis que le gouvernement doit démissionner en cas de vote explicite d’une motion de censure ou « vote of no-confidence ». C’est également le cas si la Chambre des communes rejette le budget ou en cas de vote d’un amendement à l’Adresse, une approbation de la politique gouvernementale, par un vote de remerciement à la Reine. C’est l’équivalent en France du vote de confiance. Le refus de voter l’Adresse, ou le fait de déposer un amendement, équivaut à une critique de la politique gouvernementale, ce qui implique la censure et par conséquent la démission du premier ministre et de son gouvernement. Le droit de dissolution quand à lui appartenant jusqu’en 2011 au Roi. Cela signifiait que le Roi pouvait décider de la dissolution en demandant au premier ministre de la prononcer. On parlait de « dissolution forcée », contre le Cabinet et la majorité de la Chambre des Communes. Georges V a ainsi été amené, en 1913, à réfléchir à la possibilité de recourir à la dissolution afin d’éviter l’adoption du Home Rule Bill, qui menaçait de provoquer une guerre civile en Angleterre. Cela signifie également que le Roi pouvait refuser de faire droit à une demande de dissolution formulée par le premier ministre. La question s’est notamment posée en 1974, avec le Gouvernement Wilson, cependant la Reine ne s’est finalement pas opposée à la demande formulée par le premier ministre. De plus, les membres de la chambre des communes disposent, au début de chaque séance sauf le vendredi, d’une heure réservée à des questions orales posées aux ministres. Cela oblige le gouvernement à s’expliquer et à rendre des comptes. On assiste à des débats et des interactions constructives dans la plupart des cas entre les deux organes. En définitive, il apparaît explicitement que le régime du Royaume-Uni est théoriquement un modèle d’interdépendance entre les organes malgré une prépondérance du parlement dans la vie politique du régime. II. Les prémices d’un déséquilibre institutionnel au profit de l’exécutif. Si théoriquement, comme nous l’avons montré auparavant le régime devrait connaître un équilibre politique malgré la prépondérance du parlement vis-à-vis de la loi, cela n’est en pratique pas véridique. Paradoxalement, alors qu’on devrait s’attendre à une tendance tyrannique du parlement celui-ci a tendance à perdre de son influence causant une dérive primo-ministériel. A) L’affaiblissement du Parlement : En pratique, l’initiative des lois est partagée entre la Chambre des communes: «private member’s bill» et le gouvernement «governement’s bills». D’un point de vue des prérogatives de l’exécutif vis-à-vis du législatif, le premier ministre dispose du pouvoir d’initiative des lois. C’est également lui qui approuve, avant leur présentation au Parlement, l’ensemble des projets de loi. Il apparaît dès lors, que l’exécutif concentre entre ses mains la quasi totalité du pouvoir législatif: avec la sophistication et la multiplication des textes de loi, les «general committees», ont pris l’habitude de consulter le cabinet de manière accrue pour se voir préciser les détails des projets de loi. L’écriture des textes de lois, même d’initiative parlementaire, est donc largement le fait de l’exécutif. De surcroît la multiplication de la législation déléguée est en pratique un élément de perte de pouvoir du parlement. Le Parlement peut par exemple voter une loi d’habilitation autorisant le gouvernement à prendre des mesures à sa place dans de nombreux domaines, notamment dans le domaine économique et social. Le contrôle parlementaire sur la législation déléguée est prévu par la loi d’habilitation dite « loi de disposition législative « primaire »» Cependant comme c’est l’exécutif qui a la main sur la rédaction des lois, c’est lui qui fixera en pratique les modalités du contrôle parlementaire. En outre, même si la censure est théoriquement «un moyen d’action réciproque comme garantie efficace contre la tyrannie d’un des pouvoirs», au XXème siècle il n’existe que deux cas de censure. En 1923 lors de la démission du Gouvernement Baldwin suite au vote d’un amendement à l’adresse et en 1979 lors de la démission du gouvernement Callaghan suite au vote d’une motion de censure déposée par M. Thatcher. De plus, aujourd’hui lorsque le gouvernement est mis en minorité mais sans que la motion ne soit déposée ou approuvée, il reste libre des suites à y apporter. Finalement, la fonction législative parlementaire est, en effet amoindrie, du fait de l’intégration européenne, de la déconcentration ou encore du recours croissant aux experts face à des problématique complexes et techniques précises. Son exercice est soumis à un contrôle d’autant plus poussé des juges nationaux ou supranationaux. De surcroît on constate l’apparition et le développement du parlementarisme majoritaire, caractérisé par la stabilité et la cohérence des majorités parlementaires de soutien au gouvernement. Du fait de l’identité de vue et de destin entre le gouvernement et sa majorité parlementaire, la séparation classique entre gouvernement et parlement et donc entre pouvoir exécutif et législatif, n’a plus de sens. Nous trouvons cette séparation aujourd’hui plutôt dans l’alliance «majorité-gouvernement» s’opposant à l’opposition puisqu’il est assez rare dans le système actuel que le premier ministre et son cabinet ne possède pas ou perde la majorité à la chambre basse. Dès lors, l’action du parlement devient purement symbolique puisque en vu du bipartisme la majorité gouvernementale est une majorité absolue ou s’en approche. Le passage des lois au Parlement est donc purement symbolique et administratif. Certains juristes parlent aujourd’hui de «démagogie parlementaire». La majorité suit la politique de son représentant et donc le chef de la majorité: le premier ministre. On qualifie ce phénomène de «gouvernement de la législature» voire de «dictature du cabinet». Cela ne signifie pas non plus que le parlement n’a pas à exercer un rôle de contre pouvoir: la contrepartie de son soutien sans faille au gouvernement doit être retrouvé dans le développement de la fonction de contrôle et d’évaluation. En conséquence, on assiste dans la tendance actuelle des choses à un affaiblissement du pouvoir parlementaire et à une remise en question de l’équilibre des organes. B) Une tendance primo-ministérielle: L’exécutif est composé de la Couronne et du Cabinet. Ce dernier comprend le premier ministre et ses ministres. Le pouvoir du Roi aujourd’hui est purement symbolique puisque le régime parlementaire britannique est défini comme moniste, c’est-à-dire que le chef de l’état est réduit à un rôle de «magistrat moral» toutes les prérogatives royales sont exercées par le gouvernement. La couronne n’a pas d’autre choix que d’approuver la politique du Prime-minister tout en appliquant la tradition: la couronne est destinataire de tous les documents destinés au Cabinet, toutes les semaines le Premier ministre doit faire un compte-rendu à la Reine des délibérations de la semaine et toutes les informations, amendement ou lois votées doivent passer par elle mais si cela n’est que purement administratif. Cependant cela ne veut pas dire que l’influence de la Couronne est nulle. De fait le souverain représente le peuple ce qui garantit l’unité nationale et la continuité de l’état, il possède de plus un rôle d’influence politique en périodes exceptionnelles. Finalement La couronne dispose d’un droit de véto royale. Si la Couronne a perdu quasiment l’intégralité de son pouvoir puisque le Roi est désormais soumis au Bill of Rights de 1689 et au fixed terme parliament act de 2011, l’existence d’un rapport déséquilibré entre les pouvoirs et les organes, profite donc au cabinet et donc par définition au premier ministre. De plus en théorie, les prérogatives du premier ministre ne sont pas illimitées : il doit tenir compte des contraintes extérieures de la Chambre des Lords et de la Chambre des communes. Il doit également composer avec le « shadow-cabinet » : cabinet-fantôme/cabinet de l’ombre, créé par l’opposition, en proposant des politiques alternatives. Mais en pratique, le premier ministre est toujours le chef de la majorité parlementaire: il bénéficie ainsi d’une prééminence politique et dispose en outre de larges pouvoirs : pouvoirs de nomination, il dirige l’action du cabinet, en détermine l’ordre du jour. La prééminence de l’exécutif est en outre assurée par la présence des «whips», qui sont des députés de la majorité chargés de veiller à la présence des députés lors des votes importants et du respect de la discipline parlementaire. Le cabinet a donc un pouvoir de contrôle sur le Parlement. Aujourd’hui, la seule contrainte du premier ministre est qu’en tant que chef de la majorité parlementaire, le premier ministre est responsable devant son propre parti. Lorsque son action apparaît comme insuffisante ou si un scandale éclate, son propre parti peut le contraindre à la démission. On peut citer les cas Anthony Eden en 1957 qui démissionne suite à l’affaire «Suez», au profit d’Harold Mac Millian qui se doit à son tour en 1963, de démissionner suite à l’affaire «Profumo». De même en 1990, Margaret Thatcher doit démissionner suite à l’échec de sa politique économique. En définitive le premier ministre est d’avantage « l’obligé » de son camp plutôt que son chef à proprement parler. On retrouve ce même phénomène de tendance vers le primo-ministérialisme ou le présidentialisme selon le type de régime parlementaire : moniste ou dualiste en France ou même en Espagne. Cela s’oppose à un déséquilibre au profit du parlement comme la crise du 16 mai 1877 en France lorsque disparaît de facto la menace d’une dissolution lors de la monté en puissance des chambres, on parlera de «régime d’assemblées» ou bien même en Italie avec le modèle du scrutin proportionnel jusqu’en 1993 où la vie politique était le théâtre de jeux de cohabitation et de confrontation des intérêts partisans. Pour limiter les dérives et cette tendance primo-ministériel le régime parlementaire peut être plus ou moins «rationalisé» d’après l’expression de Boris Mirkine-Guetzévitch. Par définition cela renvoit à une réglementation précise et strict des mécanismes de collaborations des pouvoirs atténuants les effets de certaines pratique politiques comme en Espagne où l’article 113 de la constitution stipule que «Le Congrès des députés peut mettre en jeu la responsabilité politique du gouvernement en adoptant une motion de censure à la majorité absolue» . Cependant comme le Royaume-Uni ne possède pas de constitution au sens formel, il apparaît dès lors plus que difficile une «rationalisation» du parlementarisme qui ici, permettrait l’atténuation de la tendance dominante de l’exécutif. En définitive on observe que malgré la prépondérance historique du parlement britannique qui devrait tendre vers un «régime d’assemblée», on assiste à un affaiblissement de celui-ci au profit de l’exécutif avec pour conséquence une tendance primo-ministériel. SOILEN Naël Groupe 3

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