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CADIX, Perchée sur son rocher baigné par la mer

Publié le 31/03/2011

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Etrange ville que Cadix, qui hésite entre l’océan et la terre, plat rocher entre l’Atlantique et les marais salants, que seul un cordon de sable rattachait à la péninsule avant que les hommes ne construisent un  audacieux pont au-dessus de sa baie. Déroutante ville, qui offre de prime abord au voyageur une image futuriste avec, tout au long de l’isthme menant à Cadix, de hauts bâtiments modernes, alors qu’il venait à la rencontre de la plus vieille cité d’Espagne. Secrète ville, enfin, que ne révèle ses charmes et ses mystères qu’à ceux qui prennent le temps de la connaître.

Lorsque, il y a un peu plus de trois millénaires, les Phéniciens passent le détroit de Gibraltar, c’est pour trouver un site propice à l’installation d’un comptoir à partir duquel ils pourront lancer leur prospection vers l’intérieur des terres à la recherche de gisements de cuivre et d’argent. Auprès de l’Estrecho, le littoral escarpé rend délicat l’accostage, plus à l’ouest commence un dangereux monde de marais et de hauts fonds sableux, entre les deux, face au débouché d’un fleuve (le Guadalete), à proximité de la terre, s’étire une longue île : c’est là qu’ils s’installent en 1100 av. J.-C. Devenue vite un des plus prospères ports de commerce de l’Occident, aux portes du Jardin des Hespérides, Gadir (Cadix) attire les Grecs, qui s’y installent à partir du VIIème siècle  av. J.-C. La cité rayonne à travers toute la Méditerranée et suscite de plus en plus de convoitise. Assaillie par les Tartesii, venus de l’embouchure du Betis, elle fait appel aux Carthaginois et restera durant trois siècles (du VIème au VIIème siècle av. J.-C.) sous leur domination avant de passer, en pleines guerres puniques, aux mains des Romains (en 218 av. J.-C.). Ce sont eux qui aménagent les premières salines afin de récolter le sel nécessaire à la conservation des thons et à la confection du garum (sauce de poisson macérée dans le sel) exportés ensuite vers Rome. Les marais  salants ( de San Fernando) sont devenus depuis lors une des grandes activités de la baie qu’ils inondent d’éclatants reflets. Mais de la ville phénicienne, carthaginoise et romaine, il reste peu de témoignages architecturaux (deux nécropoles, à la Punta de la Caleta et à la Punta de la Vaca) et beaucoup de légendes.

De la domination musulmane, peu de traces également si ce n’est con nom de Djezirah Qadish, l’île de Cadis. Conquise en 1262 par Alphonse X le Sage, la vieille cité perchée sur son rocher se repeuple d’immigrants venus de Santander, mais elle doit attendre la découverte des Amériques (1492) pour jouer à nouveau un rôle important. Séville détenant le monopole du commerce des Indes, Cadix se charge de la construction des bateaux ; tradition qu’elle a d’ailleurs conservée puisque, actuellement, ses chantiers navals sont, en importance, les deuxièmes d’Espagne. Les navires commerçants devenant de plus en plus grands, ils ont des difficultés croissantes pour passer le haut-fond de Sanlúcar et remonter le Guadalquivir jusqu’à Séville. Aussi, à partir de la fin du XVIIème siècle, Cadix et ses ports voisins (Puerto Real, construit par les Rois Catholiques en en 1485, et Puerto de Santa María, d’où étaient exportés les vins de Jerez) développent-ils leur activité marchande. En 1717, la Casa de Contratación quitte Séville pour venir s’installer à Cadix, qui devient dès lors d’un des grands ports de l’Europe. Mais, bien avant ce transfert, les Anglais ont déjà perçu en elle une sérieuse rivale. Leurs bateaux ou ceux des pirates à leur  solde la saccagent à plusieurs reprises (1587, 1596), attaquent les navires revenant des Amériques et organisent même un blocus de la baie. Face à cette menace constante, Cadix s’entoure de remparts (XVIIème siècle) que perce la Puerta de Tierra  (1751) par laquelle on accède actuellement au cœur de la ville.   

Le vieux Cadix doit son charme à sa reconstruction après le terrible tremblement de terre de 1755. Seul le barrio popular aux petites ruelles labyrinthiques permet de nous faire une idée de la cité d’antan. Dans la seconde moitié du XVIIIème siècle, la ville de pare de nouveaux édifices de style néoclassique (Ayuntamiento, Cárcel real, Casa de la Mora...) ; d’agréables promenades et jardins sont tracés au-dessus des fortifications et l’océan (Alameda Apodaca, Parque Genovés), d’où se découvre le castillo San Sebastián, fortin situé sur un îlot rocheux au sud-ouest de Cadix et où s’élève un sémaphore d’une quarantaine de mètres de hauteur ; et la construction de la monumentale cathédrale, commencée au début du siècle en pleine période baroque, se termine. Les riches maisons bourgeoises, couronnées de leur tourelle permettant de guetter l’arrivée des navires chargés d’or et d’épices, traduisent la prospérité de la ville du XVIIIème siècle.

L’ensemble de la baie a connu un véritable essor durant ces siècles d’activité marchande. Le Puerto de Santa María, à une vingtaine de kilomètres, où s’était établie la maison Medinaceli, s’est orné de somptueux palais aux riches portails et patios (casas de Vizarrón, de las Cadenas, Gutiérrez Martel y Villareal) qui donnent encore aujourd’hui à cette cité un véritable caractère señorial.

Le XIXème siècle est celui des épreuves : janvier 1810, toute l’Andalousie est occupée pas les troupes napoléoniennes, sauf Cadix, qui, assiégée, abrite les Cortes derrière ses remparts. Installées dans l’église San Felipe Neri, elles rédigent, le 19 mars 1812, la première Constitution libérale espagnole, qui sera proclamée par Riego y Nuñez en 1820 à Cabezas. C’est par fidélité à celle-ci que nouveau siège : celui des « Cent mille fils de Saint Louis », troupe levée pas la Sainte-Alliance pour libérer Ferdinand VII, écarté du pouvoir par les libéraux. C’est la fameuse bataille du Trocadero (août 1823). Durant cette dizaine d’années, l’activité parlementaire bat son plein à Cadix, et les orateurs gaditans savent user avec brio de cet art de la palabre que maîtrisent mieux que quiconque les Andalous. Le Gaditan Emilio Castelar (1832-1899), chef de la droite du parti républicain, qui joua un rôle déterminant dans l’abdication roi Amédée en 1873, symbolise encore aujourd’hui l’éloquence du discours politique.

Cadix est aussi renommée pour son sens de la fête populaire et son célèbre carnaval. En février, toute la ville résonne aux airs des chirigotas chantées par de petites bandes d’amis déguisés avec beaucoup d’esprit. Ces chirigotas traitent, avec toute l’ironie qui caractérise les Gaditans, à la fois des faits quotidiens, des scandales et de la vie politique.

Aujourd’hui, l’importance économique de la ville est en pleine expansion. Le développement récent des échanges maritimes avec l’Amérique latine et les îles Canaries ainsi que l’importance croissante des chantiers de construction navale font de Cadix la ville la plus densément peuplée d’Andalousie.

 

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