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ce que nous savons.

Publié le 23/10/2012

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ce que nous savons. Il connaît parfaitement les Idées, non les individus. Aussi un poète peut-il, comme nous l'avons remarqué, connaître à fond l'homme et connaître mal les hommes ; il est facile à circonvenir et il devient aisément un jouet entre les mains des gens malicieux... Le génie, tel que nous l'avons présenté, consiste dans l'aptitude à s'affranchir du principe de raison, à faire abstraction des choses particulières, lesquelles n'existent qu'en vertu des rapports à reconnaître les Idées, et enfin à se poser soi-même en face d'elles comme leur corrélatif, non plus à titre d'individu, mais à titre de pur sujet connaissant ; cependant cette aptitude peut exister aussi, quoique à un degré moindre et différent, chez tous les hommes ; car sans cela ils seraient aussi incapables de goûter les oeuvres d'art que de les produire, ils seraient absolument insensibles à tout ce qui est beau et sublime ; ces deux mots seraient même un véritable non-sens pour eux. Par suite, à moins qu'il n'y ait des gens complètement incapables de tout plaisir esthétique, nous devons accorder à tous les hommes ce pouvoir de dégager les idées des choses et par le fait de s'élever momentanément au-dessus de leur personnalité. Le génie a seulement l'avantage de posséder cette faculté à un degré bien plus élevé et d'en jouir d'une manière plus continue ; grâce à ce double privilège, il peut appliquer à un pareil mode de connaissance toute la réflexion nécessaire pour reproduire dans une libre création ce qu'il connaît par cette méthode ; cette reproduction constitue l'oeuvre d'art. C'est par elle qu'il communique aux autres l'idée qu'il a conçue. L'idée reste donc immuable et identique : par suite, le plaisir esthétique reste essentiellement un et identique, soit qu'on le provoque par une oeuvre d'art, soit qu'on l'éprouve directement dans la contemplation de la nature et de la vie. L'oeuvre d'art n'est qu'un moyen destiné à faciliter la connaissance de l'idée, connaissance qui constitue le plaisir esthétique. Puisque nous concevons plus facilement l'idée par le moyen de l'oeuvre d'art que par la contemplation directe de la nature et de la réalité, il s'ensuit que l'artiste, ne connaissant plus la réalité, mais seulement l'idée, ne reproduit également dans son oeuvre que l'idée pure ; il la distingue de la réalité, il néglige toutes les contingences qui pourraient l'obscurcir. L'artiste nous prête ses yeux pour regarder le monde. Posséder une vision particulière, dégager l'essence des choses, qui existe hors de toutes relations : voilà le don inné propre au génie ; être en état de nous faire profiter de ce don et de nous communiquer une telle faculté de vision, voilà la partie acquise et technique de l'art. C'est pourquoi, après avoir, dans ce qui précède, présenté dans ses principaux linéaments l'essence intime de la connaissance esthétique, je vais, dans l'étude philosophique qui va suivre, examiner le beau et le sublime pur indifféremment dans la nature et dans l'art ; je ne m'inquiéterai plus de distinguer celui-ci de celle-là. Nous allons étudier ce qui se passe dans l'homme, au contact du beau, au contact du sublime ; quant à la question de savoir si ce contact s'opère par la contemplation de la nature et de la vie, ou bien si l'on n'y atteint que par l'intermédiaire de l'art, elle porte sur une différence tout extérieure, nullement essentielle. (Monde, I, 200-I.) III LE SUBLIME A) LE SUBLIME ÉLÈVE AU-DESSUS DE L'ANGOISSE Tant que la nature se borne à s'offrir ainsi, tant que la richesse de signification, tant que la netteté des formes, exprimant les Idées qui s'y individualisent, ne font que nous élever de la connaissance asservie à la volonté, de la connaissance des simples relations jusqu'à la contemplation esthétique, et que nous nous érigeons ainsi en sujet connaissant exempt de volonté, ce n'est que le beau qui agit sur nous, ce n'est que le sentiment de la beauté qui est provoqué en nous. Mais supposons que ces objets, dont les formes significatives nous invitent à la contemplation, se trouvent dans un rapport d'hostilité avec la volonté telle qu'elle se traduit dans son objectité, c'est-à-dire avec le corps humain ; supposons que ces objets soient opposés à la volonté, qu'ils la menacent avec une force victorieuse de toute résistance ou qu'ils la réduisent à néant par le contraste de leur grandeur démesurée ; si, malgré tout, le spectateur ne porte point son attention sur ce rapport d'hostilité que sa volonté doit subir ; si, au contraire, bien qu'il perçoive et admette ce rapport, il en fait consciemment abstraction ; s'il se dégage violemment de la volonté et de ses relations pour s'absorber tout entier dans la connaissance ; si, en sa qualité de sujet connaissant pur, il contemple d'une manière sereine des objets redoutables pour la volonté ; s'il

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