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cela, on tourne toute la puissance de son esprit vers

Publié le 23/10/2012

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esprit
cela, on tourne toute la puissance de son esprit vers l'intuition; lorsqu'on s'y engloutit tout entier et que l'on remplit toute sa conscience de la contemplation paisible d'un objet naturel actuellement présent, paysage, arbre, rocher, édifice ou tout autre ; du moment qu'on se perd dans cet objet, comme disent avec profondeur les Allemands, c'est-à-dire du moment qu'on oublie son individu, sa volonté et qu'on ne subsiste que comme sujet pur, comme clair miroir de l'objet, de telle façon que tout se passe comme si l'objet existait seul, sans personne qui le perçoive, qu'il soit impossible de distinguer le sujet de l'intuition elle-même et que celle-ci comme celui-là se confondent en un seul être, en une seule conscience entièrement occupée et remplie par une vision unique et intuitive ; lorsque enfin l'objet s'affranchit de toute relation avec ce qui n'est pas lui et le sujet, de toute relation avec la volonté : alors, ce qui est ainsi connu, ce n'est plus la chose particulière en tant que particulière, c'est l'Idée, la forme éternelle, l'objectité immédiate de la volonté ; à ce degré par suite, celui qui est ravi dans cette contemplation n'est plus un individu (car l'individu s'est anéanti dans cette contemplation même), c'est le sujet connaissant pur, affranchi de la volonté, de la douleur et du temps. (Monde, I, 183-4.) 2. LES DEUX EXISTENCES Avec cette disparition de la volonté hors de la conscience coïncide la suppression de l'individualité et des tristesses, des misères qui l'accompagnent. Aussi ai-je décrit ce pur sujet de la connaissance, qui seul demeure alors, comme rceil du monde : cet oeil, quoique avec plus ou moins de clarté, regarde en toute créature vivante ; il est à l'abri de la naissance et de la mort, et ainsi, identique à lui-même, toujours un, toujours le même, il est le support du monde des idées permanentes, c'est-à-dire de l'objectivité adéquate de la volonté, tandis que le sujet individuel, troublé dans sa connaissance par cette individualité même sortie de la volonté, n'a pour objet que des choses isolées et est passager comme elles. — Au sens ici marqué on peut attribuer à tout homme deux existences. En tant que volonté, c'est-à-dire en tant qu'individu, il est une créature une, exclu- sivement une, et comme tel il a suffisamment à faire et à souffrir. Comme contemplateur purement objectif, il est le pur sujet de la connaissance, dans la conscience duquel seulement le monde objectif existe ; comme tel, il est toutes les choses, en tant qu'il les perçoit, et leur existence en lui ne comporte ni gêne ni fardeau. C'est en effet sa propre existence, puisqu'elle est tout entière contenue dans sa représentation : mais ici elle est dégagée de la volonté. En tant au contraire qu'elle est volonté, elle n'est pas en lui. Chacun est heureux, quand il est toutes choses ; et malheureux, quand il n'est plus qu'individu. — Il suffit à toute condition, à toute créature, à toute scène de la vie, d'être conçue objectivement, d'être décrite par le pinceau ou par la parole, pour sembler intéressante, délicieuse, enviable. Aussi Goethe dit-il : « Ce qui nous contrarie dans la vie, nous fait plaisir dans un tableau. « Dans ma jeunesse, il y a eu une période pendant laquelle je m'efforçais sans cesse de me contempler, de me dépeindre du dehors, moi-même et mes actions : c'était sans doute pour me les rendre supportables. Comme les considérations que j'expose ici n'ont jamais été discutées avant moi, je veux y joindre quelques explications psychologiques. Dans l'intuition directe du monde et de la vie, nous ne considérons d'ordinaire les choses que dans leurs relations, c'est-à-dire dans leur existence relative et non absolue. Nous regarderons par exemple des maisons, des vaisseaux, des machines, avec la pensée de leur destination et de leur appropriation à cette fin ; nous regarderons des hommes avec la pensée de leurs rapports avec nous, s'il en existe, puis de leurs rapports mutuels, dans leur conduite et dans leur activité, dans leur condition, et dans leur métier, ou encore dans les aptitudes qu'ils y montrent, etc. Nous pouvons pousser l'examen de ces relations plus ou moins loin, le poursuivre jusqu'aux anneaux les plus reculés de leur chaîne : la recherche gagnera ainsi en précision et en étendue ; mais l'espèce et la qualité en demeurera toujours la même. C'est toujours la considération des choses dans leurs relations, bien plus, par le moyen de ces relations, c'est-à-dire d'après le principe de raison. C'est à ce genre de considérations que nous nous adonnons le plus souvent et, en règle générale, je crois même les hommes incapables pour la plupart de se livrer à aucun autre. — Mais nous arrive-t-il par exception d'éprouver une élévation momentanée de l'intensité de notre intelligence intuitive ; aussitôt nous voyons les choses d'un tout autre ceil : nous ne les concevons plus alors d'après leurs relations, mais selon ce qu'elles sont en soi et par soi, et soudain, avec leur existence relative, nous percevons encore leur existence absolue. Chaque individu représente aussitôt son espèce, et ce qui s'offre à notre esprit, c'est ce qu'il y a de général en chaque être. Ce que nous reconnaissons donc ainsi, ce sont les idées des choses, et la science qui s'exprime par ces idées est bien plus haute que la simple connaissance des relations. Notre être aussi se dégage en même temps des relations et nous sommes devenus du coup le pur sujet de la connaissance. — Quant aux causes de cet état exceptionnel, ce doivent être certains phénomènes psychologiques intérieurs, qui purifient et élèvent l'activité cérébrale au degré nécessaire pour provoquer ce flux soudain d'intelligence. La condition extérieure est que nous soyons entièrement étrangers à la scène contemplée, que nous en demeurions complètement détachés, et que nous n'y soyons nullement impliqués pour une part active. (Monde, III, 183-5.) B) LA PENSÉE ARRACHÉE A L'ÉGOÏSME ET LA JOIE « L'OEIL UNIQUE DU MONDE « Nous avons trouvé dans la contemplation esthétique deux éléments inséparables : la connaissance de l'objet considéré non comme chose particulière, mais comme idée platonicienne, c'est-à-dire comme forme permanente de toute une espèce de choses ; puis la conscience, celui qui connaît, non point à titre d'individu, mais à titre de sujet connaissant pur, exempt de volonté. Nous avons également vu la condition nécessaire pour que ces deux éléments se montrent toujours réunis : il faut renoncer à la connaissance liée au principe de raison, laquelle cependant est seule valable pour le service de la volonté comme pour la science...

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