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Commentaire Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité entre les hommes (préface)

Publié le 13/06/2011

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discours

.FICHE

Jean-Jacques Rousseau,

Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité entre les hommes, 1755, préface

 

Cet essai philosophique fut commencé en 1752 et publié en 1755, en réponse à un sujet de l'Académie de Dijon intitulé: « Quelle est l'origine de l'inégalité parmi les hommes et si elle est autorisée par la loi naturelle ? » Rousseau avait déjà été primé pour un autre sujet, auparavant. 

Essai philosophique d’une centaine de pages.

A été critiqué et mésinterprété. Notamment par Voltaire dans une lettre datée du 30 août 1755, et dans laquelle il écrit : « J'ai reçu, Monsieur, votre nouveau livre contre le genre humain (...) On n'a jamais employé tant d'esprit à vouloir nous rendre bêtes, il prend envie de marcher à quatre pattes quand on lit votre ouvrage. » Ce discours a valu à Rousseau une condamnation religieuse, puisque le clergé lui reprochait de nier le péché originel.

La préface est datée du 12 juin 1754.

 

Enjeux :

  • L’état de nature : Rousseau définit un état de nature pur et originel où l'homme n'a pas été corrompu par la société. Animal parmi les animaux, il est doté de sens développés mais leur est supérieur par sa capacité de réflexion.
  • L’état de culture : Il montre que l’inégalité est instituée par l’homme et non pas un état de nature. « Le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de dire « Ceci est à moi », et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. » Cf le Contrat social de Rousseau.
  • La nécessité de justes lois : Les hommes ne sont pas au-dessus des lois. : il met donc en garde contre la corruption et l'altération des libertés, comme étant fondamentalement le penchant de tout système politique.

Problématique : comment ce texte exprime t-il la difficulté de dire l’état de nature, ce mythe institué par Rousseau ?

 

I/ Difficulté de la connaissance de soi                                                                                               

1/ Une énonciation philosophique

Un texte philosophique : présence de chevilles logiques : « aussi », « car »

Présence de questions oratoires : « comment ». 2x

Présence du je.

Présence de modalisateurs : « me paraît être », « j’ose dire »

Pourtant nécessité de mettre entre parenthèse son moi, son moi acculturé pour cerne la nature humaine.

2/ Difficulté du précepte delphique

Référence au temple de Delphes : « Connais-toi toi-même ». Précepte repris par Socrate.

Paradoxe : publicité autour du sujet de cet essai. Difficulté du traitement : « Aussi je regarde le sujet de ce Discours comme une des questions les plus intéressantes que la philosophie puisse proposer, et malheureusement pour nous comme une des plus épineuses que les philosophes puissent résoudre. » Opposition « intéressantes »/ « épineuses »

Vocabulaire argumentatif à la fin du texte : « qu’il est plus aisé de démontrer ainsi en général que d’en assigner avec précision les véritables causes. » Reprise du champ lexical de la difficulté.

3/ La connaissance hors des livres

Une connaissance hors des livres . Référence ensuite à Grotius, Locke, Pufendorf qui ont mal cerné l’état de nature. Etre savant ne sert pas nécessairement en l’espèce.

Opposition de la maxime delphique et des livres : « précepte plus important et plus difficile que tous les gros livres des moralistes.

Vocabulaire de la connaissance associé à du vocabulaire à l’axiologie négative : « multitude de connaissances et d’erreurs ». Enonciation d’un paradoxe : « plus nous accumulons de nouvelles connaissances, et plus nous nous ôtons les moyens d’acquérir la plus importante de toutes, et que c’est en un sens à force d’étudier l’homme que nous nous sommes mis hors d’état de le connaître. ». Association de la raison et de la passion, notions pourtant contradictoires : « difforme contraste de la passion qui croit raisonner et de l’entendement en délire. »

 

Méfiance à l’égard de la raison qui est l’arme du philosophe mais qui est le fruit de cette culture qui nous éloigne de notre état de nature. Comment donc se connaître en pensant si la pensée est dangereuse ?

  • Pose la Nature comme une entité existant et non démontrable.

 

II/ Dire le Dieu caché (la Nature)

1/ Les deux forces en présence

Opposition de deux concepts : la nature et la culture. Les deux sont mis en parallèle, en lutte. Elles sont toutes les deux des forces agissantes.  

Personnification des deux notions : personnification de la nature : « viendra-t-il à bout de se voir tel que l’a formé la nature » ; personnification aussi de la culture, de la civilisation. « la succession des temps et des choses a dû produire ».

Variations synonymiques pour désigner l’état de nature montre la difficulté à cerner le concept tant nous sommes acculturés. Vocabulaire des origines. « sa constitution originelle » ; « son propre fonds » ; « son état primitif. » Etat de nature difficilement atteignable. Souvent réduit au mythe du bon sauvage. Ce n’est pas exactement cela et en cela, Voltaire n’a pas compris cet essai. Il ne s’agit pas de marcher à quatre pattes.

A l’opposé le temps et la culture défigurent, transforment cet état de nature. « ajouté ou changé ». Il s’agit de « démêler ». « l’âme humaine altérée au sein de la société »

Présence de la voix passive avec trois compléments d’agent qui montre bien que l’état de nature est livré en pâture aux modifications historiques : « par mille causes sans cesse renaissantes, par l’acquisition d’une multitude de connaissances et d’erreurs, par les changements arrivés à la constitution des corps, et par le choc continuel des passions, » Longue phrase périodique. Cadence équilibrée. Acmé sur le « et l’on y retrouve plus ». Présence d’hyperboles. Vocabulaire à l’axiologie ambiguë. Positif : « connaissances », « renaissantes » / négatif : « erreurs », « passions ».

2/ L’allégorie

Vocabulaire de la divinité : , « au lieu d’un être agissant toujours par des principes certains et invariables, au lieu de cette céleste et majestueuse simplicité dont son auteur l’avait empreinte ». Qui est cet auteur ? Non pas vraiment Dieu pour Rousseau mais la Nature originelle. Les latins appellent cela la nature naturante (natura naturans).

Comparaison : « Semblable à la statue de Glaucus que le temps, la mer et les orages avaient tellement défigurée qu’elle ressemblait moins à un dieu qu’à une bête féroce »

According to Ovid, Glaucus began life as a mortal fisherman living in the Boeotian city of Anthedon. He discovered by accident a magical herb which could bring the fish he caught back to life, and decided to try eating it. The herb made him immortal, but also caused him to grow fins instead of arms and a fish's tail instead of legs (though some versions say he simply became a merman), forcing him to dwell forever in the sea. Glaucus was initially upset by this side-effect, but Oceanus and Tethys received him well and he was quickly accepted among the deities of the sea, learning from them the art of prophecy.

La statue provient de la République de Platon où elle figure la « connaissance de l’âme ».  Ce n’est pas tant l’âme que vise Rousseau que la nature humaine innée.

Allusion intéressante car Glaucos est devenu immortel. Il est un dieu. De même, la Nature chez Rousseau est divinisée.

L’état de Nature a comme cette statue été défiguré. Il s’agit par le discours de le retrouver.

3/ La thèse de Rousseau

L’homme a évolué. Développement matérialiste des facultés humaines : « ayant acquis diverses qualités bonnes ou mauvaises qui n’étaient point inhérentes à leur nature, les autres restèrent plus longtemps dans leur état originel ; ». Thèse évolutionniste.

Ne pas négliger la différence entre l’homme et l’animal. A l’origine, l’homme pour Rousseau n’est pas un animal. Il est doté de sentiments et de pensée. « lesquels d’un commun aveu sont naturellement aussi égaux entre eux que l’étaient les animaux de chaque espèce »

L’inégalité entre les hommes est le fruit d’un état de culture, n’est pas innée. S’il semble justifié parce que certains peuples semblent moins évolués que d’autres, c’est que certains sont plus proches de l’état de Nature que d’autres. Au lieu d’être dignes asservis, ils sont plus dignes d’être observés, imités.

 

  • La préface annonce la centaine de pages à venir.  L’état de nature est davantage chez Rousseau un axiome que le fruit d’une réelle démonstration.
  • Pour s’en sortir : recours à des personnifications, à des variations de vocabulaire, à une comparaison allégorisante qui donne vie à cette Nature.
  • Précurseur de tout le matérialisme du XIXe. L’histoire humaine est mue par l’évolution. 

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