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Commentaire du poème de Supervielle : « Marseille »

Publié le 15/09/2006

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supervielle

Véritable invitation au voyage, la mer a toujours fait rêver les hommes, et les villes qui la bordent ont inspiré nombre de poètes. Comme Baudelaire avant lui, Supervielle, auteur du XXe siècle, décrit une de ces villes dans le poème qui porte son nom : Marseille. Utilisant des vers blancs et libres, il dépeint les influences marines et l'agitation qui y règnent et finit par s'adresser directement à la ville elle-même. Nous allons montrer en quoi Marseille, sous la plume de Supervielle, paraît animée et vivante. Nous nous pencherons d'abord sur les procédés qu'utilise l'auteur pour montrer que Marseille est une ville vivante. Nous verrons ensuite comment il réussit à personnifier la ville et à animer les objets qui la composent. Etudions les moyens qu'utilise le poète pour évoquer l'idée de la vie qui est omniprésente dans cette description. Tout d'abord, il utilise des termes qui font penser à la vie au sens propre du terme. Pour cela, il rapproche deux termes qu'il associe alors qu'on ne s'attendrait pas à les voir ensemble : « Et les cafés enfantent « le verbe est mis en valeur et l'idée d'enfantement, c'est-à-dire qui donne la vie, est bien visible. L'idée de vie apparaît aussi dans l'évocation du soleil : dans ce poème, l'astre fait partie de la foule et intervient directement : « Ici le soleil pense tout haut, c'est une grande lumière qui se mêle à la conversation «. Il n'est plus inaccessible dans le ciel mais au contraire omniprésent. De plus, il fait rire les femmes, ce qui introduit un nouvel élément qui évoque la vie : le rire des femmes dû au soleil est comparé grâce à la conjonction « comme « à un bruit de torrent dans les montagnes, métaphore de la vie. Le terme « gorge « est alors polysémique : c'est à la fois la gorge humaine et la gorge d'une rivière. Ceci est mis en valeur par la conjonction de coordination « et « placée en début de phrase : « Et réjouit la gorge des femmes comme celle de torrents dans la montagne. « Le soleil joue un rôle aussi au niveau humain et permet d'évoquer un sentiment à l'origine de la vie, l'amour : il accueille les nouveaux venus « Et les poussent du côté des jolies filles « Une fois encore, la conjonction de coordination « et « placée en début de vers met en valeur cette idée. Une autre image évoque la vie, celle de la mer : la connotation de ce terme dans le vers 1 est claire, pour l'auteur, la « mer « est aussi la « mère «. D'ailleurs, l'image de Marseille qui sort de la mer fait une fois de plus référence à l'enfantement. Le poète choisit dans ce texte un autre procédé pour montrer la vie, la vitalité présente à Marseille : l'accumulation. A l'aide de la ponctuation, et notamment des virgules, il accumule des images, des objets et donne ainsi une impression de diversité de la vie et de vitalité. Au vers neuf s'ajoute à ceci une quadruple occurrence de l'adjectif possessif « leurs « ce qui renforce cette idée d'accumulation. De plus, le vers cinq est le plus long du poème, il met ainsi en valeur le jeux sur les sonorités qui se répètent [b], [p] et [v] et ajoutent elles aussi de la vitalité à cette accumulation : « Le beau rendez-vous de vivants qui lèvent le bras comme pour se partager le ciel. « L'utilisation des vers libres désorganise l'ensemble du poème et exprime l'agitation présente dans cette ville sans toutefois laisser place à la cohue. Enfin, la première phrase du poème, donc du vers un au vers dix, accentue encore cette accumulation à l'aide d'une phrase nominale : « Marseille sortie de la mer […] et ses mâts […], ses tramways, […] le beau rendez-vous de vivants, […] et les cafés. «. Il y a une description dont la ville de Marseille est un sujet qui n'a pas de verbe. Supervielle choisit un autre procédé encore pour décrire la vie qui règne à Marseille : il évoque les nombreux bruits et la lumière qui participent à l'agitation de la ville. En effet, les bruits sont très présents dans ce poème ; tout d'abord, l'auteur décrit une foule de « vivants «, un grand rassemblement de personnes, au vers dix il indique « Et cela fait un bruit de pied, … « la conjonction « et « met une fois encore en valeur la phrase. Toutes ces personnes ont aussi de nombreuses conversations qui montent vers le ciel, auxquelles se joint le soleil, d'ailleurs il « pense tout haut « et donc ajoute lui-même du bruit. De plus, le rire des femmes est comparé grâce à la conjonction « comme « à un torrent, c'est-à-dire une grande quantité d'eau qui fait énormément de bruit. Enfin, les objets mêmes ajoutent du bruit à cette agitation et, bien qu'ils soient inanimés, ils paraissent produire un bruit qui domine le bruit de conversations des humains: « les mâts disputent les passants «. L'auteur ajoute à ceci, toujours dans le but de renforcer l'agitation qui règne dans la ville et donc d'évoquer la vie, la présence de la lumière : pour cela, il évoque le soleil et le décrit grâce à un adjectif qui dépeint la forte intensité de la lumière et qui est antéposé, donc qui est mis en valeur et qui possède des connotations : « Ici le soleil pense tout haut, c'est une grande lumière qui se mêle à la conversation «. Cet adjectif est ici une syllepse : la lumière est « grande «, elle a une intensité importante ou la lumière est « grande «, c'est-à-dire elle a un certain pouvoir divin, le soleil a alors un pouvoir et possède une certaine sagesse. On s'aperçoit que cette lumière se reflète sur divers objets : tout d'abord, la mer qui ouvre et qui ferme le poème, donc qui est omniprésente. Mais aussi sur les tramways dont les roues sont « luisantes «, ce terme est mis en valeur grâce à la métaphore marine « Ses tramways avec leurs pattes de crustacés luisantes d'eau marine «, les crustacés sont ici l'image de la vie marine, les tramways, à l'aide de cette comparaison, deviennent ainsi eux aussi vivants et n'envoient plus une image morne mais plutôt une image de vie colorée ; et enfin elle se reflète dans le « phosphore «, terme complément du nom « leurs yeux «, et qui vient du grec : phôs, lumière et phoros, qui porte. Les yeux peuvent alors être ceux des « cafés « ou des « hommes et femmes de maintenant « qui sortent du café. Ajoutons à cela l'utilisation par le poète de nombreuses contradictions, trait caractéristique de l'être humain qui nous confirment dans l'idée qu'il a cherché à faire transparaître la vie dans son poème. La contradiction peut-être la plus évidente est que l'auteur ouvre son poème avec la présence de la mer porteuse d'espoir qui enfante Marseille au vers un : « Marseille sortie de la mer, avec ses poissons de roches, ses coquillages et l'iode. « et le ferme avec la mer porteuse d'inquiétude, de désespoir, comme on peut le voir grâce à la locution prépositive au début du dernier vers : « A cause de toutes ces ancres qui te mordillent sous la mer. «. On observe une autre contradiction notoire dans la métaphore des vers dix-sept et dix-huit : ici, la métaphore de la lune est « un singe échappé au baluchon d'un marin «. Le participe passé « échappé « possède deux sens : le singe est en liberté et il est accroché au baluchon, ou le singe s'est échappé du baluchon même. La suite de la phrase peut prendre alors lui aussi un sens différent et on peut se demander qui est derrière « les barreaux légers de la nuit «. On ne sait donc pas si c'est la lune qui est enfermée ou si ce sont les terriens, hommes et villes qui ne peuvent s'échapper, pour les uns à cause de la pesanteur et pour les autres, comme Marseille, à cause notamment des « ancres « qui la « mordillent sous la mer «. On remarque une troisième contradiction aux vers vingt-deux et vingt-trois, qui comportent d'ailleurs le même nombre de syllabes, et qui est mise en valeur par le « ô « vocatif ¨ : le nom « partance « est contradictoire avec la négation de la phrase suivante : « et qui ne peut t'en aller. « La dernière contradiction est le contraste jour/nuit. Le jour, la ville est animée, bruyante comme nous l'avons vu ci-dessus. Mais la nuit, elle paraît calme et morte : les humains et les objets ne s'agitent plus et l'auteur en profite d'ailleurs pour s'adresser à la ville. Certes, l'idée de vie et de vitalité est déjà très présente dans le texte, comme nous venons de le faire remarquer, mais l'auteur, dans le but de rendre son poème plus animé encore, choisit d'ajouter à cela une personnification de la ville de Marseille et des objets qui la composent. En effet, la ville même de Marseille devient vivante. Tout d'abord, la personnification de Marseille se situent dans l'utilisation du participe passé au vers un et des pronoms personnels qui suivent « Marseille sortie de la mer, avec ses poissons, ses coquillages et l'iode « ; « ses tramways «. De plus, l'auteur ne précise jamais qu'il s'agit d'une ville et place par deux fois le nom propre directement, comme on le ferait pour un prénom : « Marseille, … «. Le nom de Marseille est d'ailleurs utilisé au début de chacune des deux parties : vers un et vers dix-neuf. Remarquons que l'endroit du texte où la personnification est la plus flagrante est cette deuxième partie, qui débute au vers dix-neuf, dans laquelle le poète s'adresse directement à la ville. Pour créer une atmosphère particulière, il utilise un champ lexical de la confidence et de la douceur grâce au terme « douceur «. Cette attitude familière et cette ambiance de confidence expriment tout l'amour que l'auteur a pour la ville et qu'il traduit sous deux formes : l'amour paternel et l'amour passionnel. Tout d'abord, il exprime son affection sous la forme d'amour paternel : il parle à la ville comme il parlerait à son enfant. En effet, le tutoiement et les impératifs font ressortir cette idée : « écoute-moi «, « sois attentive «, « reste donc un peu tranquille « ; l'auteur exerce ici une certaine autorité. Il aime aussi cette ville comme il aimerait une femme : il crée une certaine intimité notamment au vers vingt, dans lequel le conditionnel du verbe met en valeur les deux actions « te prendre dans un coin « et « te parler avec douceur « et au vers vingt-et-un où il utilise un verbe pronominal : « Reste donc un peu tranquille, que nous nous regardions un peu. « Mais l'auteur ne personnifie pas seulement Marseille, il anime aussi les objets qui la composent. Tout d'abord certains objets sont animés uniquement pour rendre la description du lieu plus vivante : les mâts font une action pourtant propre à l'homme, ils « disputent les passants «, les tramways sont imagés grâce à une métaphore les comparants à des crustacés et les chaises sont dites « frétillantes «. Mais certains objets ont un rôle particulier dans la ville. On peut observer que les yeux des cafés sont une métaphore des portes de ces mêmes cafés et qu'ainsi, l'auteur les rend suffisamment humains pour qu'ils puissent enfanter. De plus, l'auteur parle d'objets inanimés en utilisant des termes qui les rendent vivantes, qui leur donnent une âme. Il utilise donc l'animisme : comme nous avons déjà pu le remarquer, l'action du soleil qui « pense « et l'adjectif antéposé « grande «, qui est en fait une syllepse, attaché à la lumière font penser à un sage puissant, le soleil a alors une âme propre. De même, la lune qui « regarde à travers les barreaux légers de la nuit « paraît emprisonnée et possède apparemment une conscience propre, une volonté de s'échapper exprimée dans le texte par le « singe «, animal libre et vivant. Si l'idée de vie apparaît donc tout au long du poème sous forme de vocabulaire évoquant cela, d'accumulation, de son, de lumière et de contrastes, elle peut se traduire aussi -et c'est ce qu'à si bien fait Supervielle- sous forme de personnification de la ville et d'animation des objets qui la composent. Sous la plume experte de l'auteur, Marseille paraît ainsi animée et vivante. D'autres poètes après lui s'essaieront à décrire des villes mais parmi eux certains préfèreront au contraire dépeindre une ville triste et sans vie, comme par exemple le fera Maulpoix dans son poème « Banlieue pauvre « publié en 1982.

supervielle

« avec ses poissons de roches, ses coquillages et l'iode.

» et le ferme avec la mer porteuse d'inquiétude, de désespoir, comme onpeut le voir grâce à la locution prépositive au début du dernier vers : « A cause de toutes ces ancres qui te mordillent sous la mer.».

On observe une autre contradiction notoire dans la métaphore des vers dix-sept et dix-huit : ici, la métaphore de la lune est «un singe échappé au baluchon d'un marin ».

Le participe passé « échappé » possède deux sens : le singe est en liberté et il estaccroché au baluchon, ou le singe s'est échappé du baluchon même.

La suite de la phrase peut prendre alors lui aussi un sensdifférent et on peut se demander qui est derrière « les barreaux légers de la nuit ».

On ne sait donc pas si c'est la lune qui estenfermée ou si ce sont les terriens, hommes et villes qui ne peuvent s'échapper, pour les uns à cause de la pesanteur et pour lesautres, comme Marseille, à cause notamment des « ancres » qui la « mordillent sous la mer ».

On remarque une troisièmecontradiction aux vers vingt-deux et vingt-trois, qui comportent d'ailleurs le même nombre de syllabes, et qui est mise en valeurpar le « ô » vocatif ¨ : le nom « partance » est contradictoire avec la négation de la phrase suivante : « et qui ne peut t'en aller.

»La dernière contradiction est le contraste jour/nuit.

Le jour, la ville est animée, bruyante comme nous l'avons vu ci-dessus.

Maisla nuit, elle paraît calme et morte : les humains et les objets ne s'agitent plus et l'auteur en profite d'ailleurs pour s'adresser à laville. Certes, l'idée de vie et de vitalité est déjà très présente dans le texte, comme nous venons de le faire remarquer, mais l'auteur,dans le but de rendre son poème plus animé encore, choisit d'ajouter à cela une personnification de la ville de Marseille et desobjets qui la composent. En effet, la ville même de Marseille devient vivante.

Tout d'abord, la personnification de Marseille se situent dans l'utilisation duparticipe passé au vers un et des pronoms personnels qui suivent « Marseille sortie de la mer, avec ses poissons, ses coquillageset l'iode » ; « ses tramways ».

De plus, l'auteur ne précise jamais qu'il s'agit d'une ville et place par deux fois le nom propredirectement, comme on le ferait pour un prénom : « Marseille, … ».

Le nom de Marseille est d'ailleurs utilisé au début de chacunedes deux parties : vers un et vers dix-neuf.

Remarquons que l'endroit du texte où la personnification est la plus flagrante est cettedeuxième partie, qui débute au vers dix-neuf, dans laquelle le poète s'adresse directement à la ville.

Pour créer une atmosphèreparticulière, il utilise un champ lexical de la confidence et de la douceur grâce au terme « douceur ».

Cette attitude familière etcette ambiance de confidence expriment tout l'amour que l'auteur a pour la ville et qu'il traduit sous deux formes : l'amour paternelet l'amour passionnel.

Tout d'abord, il exprime son affection sous la forme d'amour paternel : il parle à la ville comme il parlerait àson enfant.

En effet, le tutoiement et les impératifs font ressortir cette idée : « écoute-moi », « sois attentive », « reste donc un peutranquille » ; l'auteur exerce ici une certaine autorité.

Il aime aussi cette ville comme il aimerait une femme : il crée une certaineintimité notamment au vers vingt, dans lequel le conditionnel du verbe met en valeur les deux actions « te prendre dans un coin »et « te parler avec douceur » et au vers vingt-et-un où il utilise un verbe pronominal : « Reste donc un peu tranquille, que nousnous regardions un peu.

»Mais l'auteur ne personnifie pas seulement Marseille, il anime aussi les objets qui la composent.

Tout d'abord certains objets sontanimés uniquement pour rendre la description du lieu plus vivante : les mâts font une action pourtant propre à l'homme, ils «disputent les passants », les tramways sont imagés grâce à une métaphore les comparants à des crustacés et les chaises sont dites« frétillantes ».

Mais certains objets ont un rôle particulier dans la ville.

On peut observer que les yeux des cafés sont unemétaphore des portes de ces mêmes cafés et qu'ainsi, l'auteur les rend suffisamment humains pour qu'ils puissent enfanter.

Deplus, l'auteur parle d'objets inanimés en utilisant des termes qui les rendent vivantes, qui leur donnent une âme.

Il utilise doncl'animisme : comme nous avons déjà pu le remarquer, l'action du soleil qui « pense » et l'adjectif antéposé « grande », qui est enfait une syllepse, attaché à la lumière font penser à un sage puissant, le soleil a alors une âme propre.

De même, la lune qui «regarde à travers les barreaux légers de la nuit » paraît emprisonnée et possède apparemment une conscience propre, unevolonté de s'échapper exprimée dans le texte par le « singe », animal libre et vivant. Si l'idée de vie apparaît donc tout au long du poème sous forme de vocabulaire évoquant cela, d'accumulation, de son, de lumièreet de contrastes, elle peut se traduire aussi -et c'est ce qu'à si bien fait Supervielle- sous forme de personnification de la ville etd'animation des objets qui la composent.

Sous la plume experte de l'auteur, Marseille paraît ainsi animée et vivante.

D'autrespoètes après lui s'essaieront à décrire des villes mais parmi eux certains préfèreront au contraire dépeindre une ville triste et sansvie, comme par exemple le fera Maulpoix dans son poème « Banlieue pauvre » publié en 1982.. »

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