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Conscient inconscient

Publié le 27/02/2008

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Les Grecs et le concept de conscience

 

« Rien de plus misérable que l’homme qui tourne autour de tout, qui scrute, comme on dit, « les profondeurs de la terre », qui cherche à deviner ce qui se passe dans les âmes d’autrui, et qui ne sent pas qu’il lui suffit d’être en face du seul génie qui réside en lui, et de l’honorer d’un culte sincère. » Marc Aurèle, Pensées pour moi-même.

 

            La philosophie, on le sait, est né en Grèce. Les Grecs ont soulevé des problèmes fondamentaux de la pensée qui, plus de 2000 ans après, sont encore l’objet d’ardents débats. On pourrait alors s’attendre à ce qu’ils aient formé, au moins dans ses grandes lignes, ce qui a été l’un des concepts essentiels de la philosophie (et surtout de la philosophie moderne), le concept de conscience. Or, on ne trouve pas dans la langue grecque de terme qui recouvre ce que le latin, le français, l’anglais ou l’allemand désigne comme étant la conscience. Ajoutons qu’il serait tout à fait illégitime de considérer l’âme(psychè) des Grecs comme un équivalent de la conscience. Les Grecs n’ont pas éprouvé le besoin de penser ce qui pour nous semble être une dimension essentielle de notre existence. La grande importance, dans la Grèce antique, de la vie publique, des activités politiques et le désintéressement à l’égard du repli sur soi, de la vie privée peut fournir une raison de cette absence (bien que ce soit une raison historique ou anthropologique et non philosophique).

 

            S’il n’y a pas de concept de conscience chez les Grecs, ceux-ci ont néanmoins développé diverses considérations qui préfigurent les pensées qui prendront explicitement la conscience pour objet. Évoquons la notion de suneidèsis qui signifie à l’origine le fait de se prendre comme témoin de soi-même. Ce terme évolue dans la philosophie grecque et se réfère alors au savoir que l’on a de soi-même au sens où l’on se connaît en évaluant la moralité de ses actes. Il y a donc ici les prémisses d’un retournement sur soi, d’un retour à l’intimité de la personne. Ce sont les stoïciens qui les premiers souligneront l’importance de l’intériorité. Les pensées pour moi-même de l’empereur Marc Aurèle sont la parfaite illustration de cette « citadelle intérieure » que peut bâtir l’homme d’action. Cette tendance au souci de soi devient alors prédominante comme en témoigne notamment la réinterprétation de la définition platonicienne de la pensée comme « dialogue de l’âme avec elle-même » dans le sens d’un enfermement en soi.

 

            Cette relecture des grandes figures de la philosophie grecque se poursuit dans la pensée chrétienne. C’est ainsi que Saint Augustin interprète la révélation qui avait été faite à Socrate par l’oracle de Delphes : « connais-toi toi même » comme l’exigence de l’introspection. Le soi est objet d’examen, de recherche car c’est en lui que réside Dieu. On comprend que ce mouvement est solidaire de celui, déjà prôné par les stoïciens, de se détacher des choses extérieures, des passions et désirs qu’elles font naître, de l’éloignement de la vérité qu’elles suscitent irrémédiablement. On assiste ici à la naissance de la « voix de la conscience », c’est-à-dire à la conscience entendue comme conscience morale.

 

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