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D. DE L'OPINION À LA SCIENCE : DU SENSIBLE À L'INTELLIGIBLE 1.

Publié le 22/10/2012

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D. DE L'OPINION À LA SCIENCE : DU SENSIBLE À L'INTELLIGIBLE 1. SAVOIR EST-CE PERCEVOIR ? [THÉÉTÈTE-SOCRATE] — T. Eh bien, Socrate, après un tel encouragement de ta part, ce serait une honte de ne pas faire de son mieux pour dire ce que l'on est capable de dire. Voici donc mon opinion : celui qui connaît quelque chose perçoit ce qu'il connaît, et pour dire ce qui m'est présentement évident, la science n'est rien d'autre que la sensation. — S. Bravo, mon cher Théétète, voilà comment il faut déclarer son avis ! Allons, examinons ensemble s'il est de bon aloi ou s'il est creux. La sensation, dis-tu, est connaissance ? — T. Oui. — S. Il se pourrait bien que ce que tu as dit de la connaissance, loin d'être banal, soit ce qu'en a dit également Protagoras. Il a énoncé la même chose d'une autre manière en disant que l'homme est « la mesure de toutes choses, tant de l'être des choses qui sont que du néant de celles qui ne sont pas «. Sans doute l'as-tu lu ? — T. Je l'ai même lu maintes fois. — S. N'est-ce pas ce qu'il signifie en disant : « telles m'apparaissent les choses, telles elles sont pour moi ; telles elles t'apparaissent, telles elles sont pour toi « ; or tu es homme, et moi aussi. — T. C'est bien ce qu'il déclare. — S. Il est à coup sûr vraisemblable qu'un habile homme ne déraisonne pas ; commentons-le donc. N'arrive-t-il pas parfois qu'un même souffle de vent donne le frisson à l'un et pas à l'autre ? frisson léger à celui-ci, violent à celui-là ? — T. Assurément. — S. En ce cas, que dirons-nous du vent « en soi «, qu'il est froid ou qu'il n'est pas froid ? ou nous accorderons-nous avec Protagoras pour dire qu'il est froid pour celui qui frissonne, et qu'il ne l'est pas pour celui qui ne frissonne pas ? — T. Il est vraisemblable que nous serons de son avis. — S. Ainsi nous dirons également qu'il « apparaît « ainsi à chacun ? — T. Oui. — S. Et dire qu'il lui « apparaît «, c'est dire qu'il le « perçoit «. — T. En effet. — S. Donc en matière de chaud et de toutes qualités sensibles de ce genre, « apparence « et « perception «, c'est la même chose. Car il y a chance que ses choses soient pour chacun, telles que chacun les perçoit. — T. C'est vraisemblable. — S. Donc, d'une part, la perception est toujours perception de ce qui est, et, d'autre part, en qualité de connaissance, elle est infaillible. — T. C'est évident. — S. Par les Grâces, il se pourrait que Protagoras ait été sage jusqu'au bout ; livrant cette énigme au ramassis que nous sommes, et réservant la vérité à ses disciples sous le sceau du secret. — T. Que veux-tu dire par là, Socrate ? — S. Je vais te le dire, et la thèse ne manque pas de poids : rien n'est en soi un, on ne peut rien désigner, ni qualifier ; si tu le qualifies de grand, il apparaîtra également petit, de lourd, léger, et tout à l'avenant car il n'est rien qui soit une chose, ni quelque chose, ni telle chose ; et c'est de la translation, du mouvement et mélange réciproque que devient tout ce que nous disons être ; assertion incorrecte, car jamais rien n'est, mais toujours il devient. Là-dessus, à l'exception de Parménide, tous les sages sont unanimes : Protagoras, Héraclite et Empédocle, et parmi les poètes les plus grands dans chacun des genres : dans la comédie : Épicharme, dans la tragédie : Homère. Lorsque ce dernier dit : <4 Océan, source des dieux et leur mère Thétys «, il veut dire que toutes choses sont issues du flux et du mouvement... Interprète ainsi : pour commencer par le cas des yeux, ce que tu appelles, « couleur blanche « n'est en soi-même rien de distinct, ni au-dehors, ni au-dedans de tes yeux ; et ne lui assigne aucun lieu, car elle serait quelque part dans un ordre, elle subsisterait au lieu de devenir en devenir. — T. Mais comment ? — S. Reprenons l'argument de tout à l'heure, en nous gardant de rien poser qui soit un en soi. Dès lors, le noir, le blanc et tout autre couleur nous apparaîtront comme nés de la rencontre des yeux et de la translation convenable. Ce dont nous disons qu'il est telle ou telle couleur ne sera ni ce qui rencontre, ni ce qui est rencontré, mais ce qui est né entre les deux et comme propre à chaque sujet percevant. À moins que tu sois prêt à soutenir que toute couleur t'apparaît telle qu'elle apparaît au chien ou à tout autre animal ? — T. Certainement pas. — S. Et à un autre homme ? est-il rien qui lui apparaisse tel qu'à toi ? En es-tu certain ? n'es-tu pas bien plus certain que même à toi rien n'apparaît identique du fait que tu n'es jamais semblable à toi-même ? Théétète, 151d-154a 2. L'HOMME PEUT-IL ÊTRE LA MESURE DES CHOSES ? [SOCRATE-THÉODORE] — S. Veux-tu que je te dise, Théodore, une chose qui m'étonne chez ton ami Protagoras ? — T. Laquelle, Socrate ? — S. Les premiers mots de son livre. Je consens volontiers à sa proposition que ce qui apparaît à chacun c'est aussi ce qui est, mais je reste

« 192 PLATON PAR LUI-MÊME telles elles sont pour toi >> ; or tu es homme, et moi aussi.

- T.

C'est bien ce qu'il déclare.

-S.

Il est à coup sûr vraisemblable qu'un habile homme ne déraisonne pas ; commentons-le donc.

N'arrive-t-il pas parfois qu'un même souffle de vent donne le frisson à l'un et pas à l'autre ? frisson léger à celui-ci, violent à celui-là? - T.

Assurément.

-S.

En ce cas, que dirons-nous du vent >, qu'il est froid ou qu'il n'est pas froid? ou nous accorderons-nous avec Protagoras pour dire qu'il est froid pour celui qui frissonne, et qu'il ne l'est pas pour celui qui ne frissonne pas ? - T.

Il est vraisemblable que nous serons de son avis.

-S.

Ainsi nous dirons également qu'il > ainsi à chacun? - T.

Oui.

-S.

Et dire qu'il lui >, c'est dire qu'il le >.

- T.

En effet.

-S.

Donc en matière de chaud et de toutes qualités sensibles de ce genre, et , c'est la même chose.

Car il y a chance que ses choses soient pour chacun, telles que chacun les perçoit.

- T.

C'est vraisem­ blable.

-S.

Donc, d'une part, la perception est tou­ jours perception de ce qui est, et, d'autre part, en qualité de connaissance, elle est infaillible.

- T.

C'est évident.

- S.

Par les Grâces, il se pourrait que Protagoras ait été sage jusqu'au bout ; livrant cette énigme au ramassis que nous sommes, et réservant la vérité à ses disciples sous le sceau du secret.

- T.

Que veux-tu dire par là, Socrate ? -S.

Je vais te le dire, et la thèse ne manque pas de poids : rien n'est en soi un, on ne peut rien désigner, ni qualifier; si tu le qualifies de grand, il apparaîtra également petit, de lourd, léger, et tout à l'avenant car il n'est rien qui soit une chose, ni quelque chose, ni telle chose; et c'est de la translation, du mouvement et mélange réciproque que devient tout ce que nous disons être ; assertion incorrecte, car jamais rien n'est, mais toujours il devient.

Là-dessus, à l'exception de Parménide, tous les sages sont una­ nimes : Protagoras, Héraclite et Empédocle, et parmi les poètes les plus grands dans chacun des genres :. »

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