Devoir de Philosophie

De l'indifférence à la crise

Publié le 22/02/2012

Extrait du document

4-8 décembre 1986 -   Personne n'aurait pu penser, voici encore deux semaines, que le projet de loi sur les universités serait le ferment d'une crise politique majeure. Les présidents d'université et les syndicats, qui l'avaient critiqué, semblaient résignés. Le Sénat l'avait voté sans passion le 30 octobre. Quinze jours ont suffi pour bouleverser ce paysage tranquille.    22 et 23 novembre : l'école et l'Université remobilisent la gauche.    Deux cent mille personnes défilent à Paris derrière la FEN. Cette manifestation, dirigée contre René Monory et Alain Devaquet, sera la plus vaste protestation depuis le retour de la droite au pouvoir. La veille, les universités parisiennes, en grève depuis une semaine, convergent vers la Sorbonne pour des " états généraux des étudiants " convoqués par l'UNEF-ID. Ils appellent tous les étudiants de France à se mettre en grève dès le lundi, à mobiliser les lycéens et à manifester le 27 novembre, jour où doit s'ouvrir à l'Assemblée nationale le débat sur le projet de réforme Devaquet, pour en exiger le retrait pur et simple.    25 novembre : la mobilisation fait boule de neige dans les universités de province et dans les lycées, dont les élèves défilent spontanément à Paris au Quartier latin et constituent une " coordination lycéenne ".    27 novembre : de la Sorbonne au fronton de l'Assemblée nationale, quelque deux cent mille lycéens défilent en un cortège bon enfant, tandis que des manifestations, dans une cinquantaine de villes de province, rassemblent quatre cent mille personnes : la plus grande mobilisation de jeunes depuis 1968. Mais le débat parlementaire sur le projet Devaquet, retardé par la majorité, n'aura pas lieu ce jour-là.    La coordination nationale des universités en grève appelle à une manifestation nationale le jeudi 4 décembre.    28 novembre : Jacques Chirac demande aux députés de la majorité de " récrire " le texte de la réforme sur les trois points contestés par les manifestants : les droits d'inscription, la sélection et le caractère national des diplômes. L'après-midi à Paris, vingt mille lycéens défilent à nouveau aux abords de l'Assemblée nationale.    30 novembre : le premier ministre tente de calmer le jeu au cours d'une heure d'émission télévisée et déclare : " Je suis d'une sérénité totale. " 4 décembre : le succès de la manifestation nationale des étudiants et des lycéens - cinq cent mille personnes, - soutenue par la CGT et la FEN, est terni par les incidents qui ont lieu dans la soirée sur l'esplanade des Invalides et font trois blessés graves parmi les manifestants. La fin de non-recevoir opposée par René Monory aux étudiants venus discuter avec lui pendant la manifestation a déclenché la colère.    5 décembre : au cours d'une allocution télévisée solennelle, le ministre de l'éducation nationale annonce qu'il prend directement en main le dossier universitaire, et que les points de la loi Devaquet contestés par les étudiants seront retirés du texte. René Monory annonce également le report de la réforme des lycées et l'amorce d'une vaste concertation sur l'ensemble des problèmes éducatifs. Des manifestations spontanées précédant l'intervention du ministre ont exprimé la révolte après les violences policières. Etudiants et lycéens s'en prennent au gouvernement. Le défilé parisien, qui a réuni plusieurs dizaines de milliers de jeunes, s'achève par l'occupation de la cour de la Sorbonne. Des incidents avec les forces de l'ordre ont lieu dans la nuit, et un jeune étudiant de vingt-deux ans, Malik Oussekine, trouve la mort dans la rue Monsieur-le-Prince (Paris-6e).    6 décembre : une manifestation de deuil et de protestation rassemble à nouveau plusieurs dizaines de milliers d'étudiants et de lycéens, de la Sorbonne à la place d'Italie. Elle s'achève par des affrontements avec les forces de l'ordre, puis dégénère au Quartier latin.    Alain Devaquet, ministre délégué chargé de la recherche et de l'enseignement supérieur, annonce qu'il a remis sa démission. Le premier ministre, rentré précipitamment du sommet européen de Londres, se déclare, à l'occasion du dixième anniversaire du RPR, favorable au dialogue avec les jeunes et espère que les événements ne dégénéreront pas " dans une violence que chacun ne peut que condamner et qui s'est déjà trop développée ".    Jacques Chirac rencontre dans la soirée le président de la République.    A l'issue de cet entretien, François Mitterrand déclare : " La cohésion nationale doit passer avant toute chose. Je donnerai tort, et le pays avec moi, à quiconque usera de la violence. " 7 décembre : la coordination nationale appelle à une journée de deuil pour le lendemain, à de nouvelles manifestations et à une grève générale le mercredi 10 décembre, mots d'ordre auxquels la CGT se rallie.    8 décembre : Jacques Chirac annonce qu'il a décidé le retrait total du projet de réforme universitaire. Lycéens et étudiants manifestent à nouveau dans la rue leur colère après la mort de Malik Oussekine. Le Monde du 10 décembre 1986

Liens utiles