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Dissertation de philosophie : Peut-on forcer quelqu'un à être libre ?

Publié le 17/01/2011

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philosophie

La liberté est un sujet qui a toujours interpellé l’homme, en effet celui-ci s’est toujours demandé comment être libre et surtout comment le devenir. La liberté est elle personnelle ? Ou bien est elle le résultat de divers motifs qui permettent à l’homme, une fois ceux-ci réunis d’être libre ? La question ici posée est : peut-on forcer quelqu’un à être libre ? Autrement dit est il possible de contraindre quelqu’un à être libre mais aussi est-il légitime de le faire ? La définition commune de la liberté est agir sans contrainte donc peut-on contraindre quelqu’un à vivre sans contraintes est une interrogation totalement paradoxale. Mais la plupart des philosophes définissent la liberté comme autre, elle est souvent  liée à la volonté ou simplement n’est pas opposée aux contraintes. Le problème ici posé est donc lié à la définition de la liberté : est-il donc possible et est-il légitime de contraindre quelqu’un à être libre en sachant que cette affirmation est un total paradoxe dans le langage courant. Il nous faudra donc développer la question de la possibilité dans la première partie puis la question de la légitimité dans un second temps.

 

Tout d’abord, est-il possible de contraindre quelqu’un à être libre ? Si l’on prend la définition commune de la liberté, cela est impossible car on ne peut contraindre quelqu’un à vivre sans contraintes puisque nous lui imposons une contrainte. Cela est donc impossible pour la définition commune de la liberté. Selon la pensée d’Epicure, la liberté c’est assouvir les désirs naturels et nécessaires de l’homme c'est-à-dire ses besoins ainsi que dans une moindre mesure ses désirs naturels non nécessaires. Or on peut assurément affirmer que ces désirs nécessaires ou non nécessaires sont le propre de chaque individu qui est lié par exemple à la société dans laquelle on vit mais également à notre éducation, par exemple : selon la région du monde ou l’époque dans laquelle nous vivons un homme bien qu’ayant les mêmes désirs nécessaires (manger, dormir, boire etc.) n’aura surement pas la même définition de ses autres désirs. On ne peut donc pas selon la philosophie épicurienne forcer quelqu’un à être libre car sa liberté dépend de désirs personnels. Selon Descartes, dans Méditations Métaphysiques la liberté vient de la volonté qui est universelle et infinie, celle-ci fourni alors à l’homme la capacité de faire ses propres choix sans y être contraint ce qui pour Descartes est la définition de la liberté. Il nous paraît donc impossible de forcer qui que ce soit à être libre et ce pour deux raisons principales : la volonté étant universelle et infinie, elle est présente en chacun de nous et donc il est impossible de forcer quelqu’un à être libre puisque cette personne l’est déjà grâce à cette volonté. De plus, selon Descartes, un second facteur vient remettre en cause la question. En effet, la liberté c’est faire ses propres choix sans y être contraint or en voulant forcer quelqu’un à être libre on le contraint à faire un choix ce qui le prive de sa liberté. Selon la définition Cartésienne de la liberté, il est impossible de forcer quelqu’un à être libre. La pensée de Sartre sur la liberté est que l’homme est toujours libre car il est toujours responsable de ses actes et échappe aux prédéterminations. La volonté de l’homme est la cause de ses actes et c’est ainsi en agissant en connaissance de cause que l’homme est libre. Donc on pourrait penser qu’en contraignant quelqu’un à connaître systématiquement les causes de ses actes on pourrait le forcer à être libre. Mais Sartre dans L’Existentialisme est un Humanisme exprime très clairement qu’en réalité l’homme peut faire tous les choix sauf celui de ne pas être libre car l’homme se définit par les conséquences de ses actes. Il est donc impossible selon la pensée de Sartre de contraindre quelqu’un à être libre puisqu’il est déjà libre par nature. Kant dans Fondements de la Métaphysique des Mœurs définit que la liberté n’est aucunement opposée à des règles ou à des lois. Ces différentes lois sont regroupées sous le terme de loi de la raison et la liberté est liée à l’obéissance à cette loi de la raison. Il définit également que cette loi de la raison doit permettre à l’homme de réaliser des actions morales, des actes complètement désintéressés accomplis par devoir et dont l’auteur ne doit tirer aucune compensation. L’action morale ne doit être subordonnée à aucun désir ni motif. Pour compléter cette définition Kant indique que l’obligation n’implique aucune limitation de la liberté car elle est opposée aux contraintes car l’obligation est une contrainte que notre volonté s’impose à elle-même donc l’homme reste autonome car sa volonté ne s’impose qu’à elle-même et cette autonomie permet donc la liberté. On peut donc dire que contraindre quelqu’un selon la vision de Kant est impossible car si l’on suit l’idée de l’action morale si celle-ci est imposée à quelqu’un, par exemple sous une menace ou avec la promesse d’une récompense, cette action ne sera plus morale car l’homme tirera des bénéfices de son action. De plus, selon l’idée de l’autonomie de l’homme, bien que celle-ci accepte des règles telles que les obligations puisqu’étant des lois imposées par la volonté de l’homme lui-même et ne diminuant ainsi en rien son autonomie, les contraintes imposées à un homme par un autre homme sont un frein et même un destructeur de l’autonomie de l’homme et ainsi de sa liberté. En effet, l’homme alors hétéronome ne peut se définir comme la cause de ses actes et ne peut donc pas espérer remplir la condition primordiale à l’accession à la liberté. Spinoza quand à lui a une idée très différente de la liberté car il rejette complètement l’idée de volonté. Pour lui, cette volonté universelle et infinie n’est rien de moins qu’une totale illusion car l’homme ignore totalement ce qui le détermine et ne le contrôle pas, ainsi l’homme ne connaissant aucun de ces critères préfère se penser comme cause de ses actes et a inventé la volonté. Dans la Lettre LVIII à Schuller, il compare la situation de l’homme à celle d’une pierre en mouvement dont la conscience s’éveille pendant ce dit mouvement et croit donc qu’elle est la cause de ce mouvement. En réalité, Spinoza développe l’idée que l’homme est obligatoirement contraint car il est une partie du monde réel. Ainsi les actes des hommes n’ont pas pour cause sa volonté mais un rapport de force entre les différentes contraintes s’exerçant sur l’homme et les nécessités, les lois physiques qui régissent le monde. De plus, d’après le point de vue de Spinoza, la liberté est la connaissance qu’à l’homme des liens de causes et conséquences mais aussi la connaissance que l’homme a de ce qu’il le constitue, donc la connaissance des nécessités. Ainsi selon le point de vue de Spinoza on pourrait forcer, contraindre un homme à être libre car cette liberté dépend d’une connaissance dont on peut forcer l’apprentissage. Pour finir, d’après cette philosophie, l’homme reste libre même si ses actes ne sont pas vraiment ce qu’il voudrait faire puisque la cause de ses actes et donc en quelque sorte une grande partie de sa liberté est imputée au rapport de force existant entre les causes extérieures pesant sur l’homme et les nécessités régissant le monde. On peut, par exemple, développer le cas où un homme serait menacé de mort pour délivrer un faux témoignage ou commettre un crime. Selon Spinoza l’homme ainsi contraint ne perd en rien de sa liberté même s’il cède aux exigences des personnes le menaçant. On peut donc conclure que l’on pourrait contraindre un homme à être libre si ces contraintes s’exerçant se montrent plus importantes que les nécessités s’exerçant sur l’homme en question.

 

      Selon Spinoza forcer quelqu’un à être libre est possible mais cette contrainte soulève la question de la responsabilité que nous ne développerons pas ici et également la question de la légitimité. Car est-il légitime de contraindre quelqu’un à être libre même si cette personne se complait dans l’état de servitude où il se trouve ? Nous développerons cette question dans la seconde partie tout en admettant que les théories ne permettant normalement pas de forcer quelqu’un à être libre peuvent être prises comme exemples dans ces cas afin d’étudier la question de la légitimité sans omettre aucun détail important ni aucune façon de penser.

 

Est-il légitime de contraindre quelqu’un à être libre ? Il nous faut partir du constat comme dans la première partie que cette personne n’est pas libre, elle est donc dans un état de servitude, d’hétéronomie ou est considérée comme une personne mineure dans ses actes et sa manière de penser. Dans la question de la légitimité, on trouve une question qui nous permettra de développer plus précisément cette question et qui est en rendant libre cette personne que cherche t’on à lui apporter ? Car on pourrait penser que le bonheur et la liberté vont de pair. Mais n’est-il pas des hommes qui sont heureux en n’étant pas libre ? On peut, par exemple, prendre la philosophie épicurienne. Si l’on trouvait un moyen de contraindre quelqu’un à être libre c'est-à-dire à assouvir ses désirs nécessaires et naturels dans la plus grande mesure possible et si au contraire on l’empêchait d’assouvir ses désirs liés au luxe on pourrait rendre cet homme libre mais serait-il heureux ? La définition commune du bonheur est d’assouvir ses désirs donc en contraignant un homme, et en l’empêchant d’assouvir ces dits désirs ne le rendons nous pas malheureux ? Est-il légitime qu’un homme vivant dans une vie paisible et heureuse mais sous un état de servitude soit rendu malheureux par son accession à la liberté ? On peut également développer la pensée de Spinoza qui définit la liberté par l’obéissance à la loi morale. Si l’on trouvait le moyen de contraindre quelqu’un à faire des actions morales serait-il légitime de le faire pour le rendre libre ? Kant répond lui-même à la question du bonheur, il indique qu’un homme totalement libre, ne faisant que des actions morales ne peut être heureux car cet homme accomplit des actes dont il ne tire aucun bénéfice, il s’oublie donc pour accomplir des actions morales. Il ne paraît donc pas légitime de contraindre quelqu‘un à être libre si cette personne est heureuse dans l’état de servitude dans lequel elle se trouve. De plus la liberté semble être quelque chose, une idée, très personnelle. Est-il donc légitime que quelqu’un décide à notre place de ce que nous devrions être ? Il faudrait alors pour ceci définir que l’homme en question est incapable de prendre ses propres choix. Mais cette idée exprimant une contrainte il faudrait que l’homme en question ait un avis contraire à la notre et donc cette personne ayant un avis elle ne serait donc pas dans l’incapacité de choisir pas soi-même.  En revanche, le propre du philosophe n’est-il pas de sortir de son état de minorité l’homme en le questionnant ? On peut ainsi penser que le philosophe lui a la légitimité de par sa fonction de contraindre quelqu’un à être libre en le faisant sortir de son état de minorité. De plus, on pourrait développer le cas où la personne qui doit être contrainte à la liberté est malheureuse dans son état de servitude. On peut donc penser que si l’on en trouve le moyen, il est légitime de contraindre quelqu’un à cette liberté. Mais dans ce cas on ne contraindrait pas la personne car celle-ci désirerait cette liberté apportée. Il semble donc que contraindre quelqu’un à être libre en plus d’être difficilement possible est illégitime de par la contrainte imposée à la personne. Mais la société dans laquelle nous vivons ne nous impose-t-elle pas la liberté grâce aux lois et autres règles la régissant ? D’ailleurs dans la société, on s’aperçoit que la privation de liberté, l’emprisonnement, est un châtiment. On peut également développer le fait que notre société estime que la liberté apportée sous contrainte est légitime et même doit être propagée dans le monde à tous les hommes puisque si l’on prend l’exemple de la guerre américaine en Irak ne visait-elle pas, outre les différents raisons économiques de cette guerre, de libérer les Irakiens de la dictature de Saddam Hussein ? C’est en tout cas une des raisons données pour légitimer cette guerre donc on voit que notre société estime légitime de contraindre quelqu’un à être libre puisqu’elle se sert de cette idée pour légitimer des actions à travers le monde. On peut donc conclure que bien que cette idée soit considérée illégitime par beaucoup de philosophes et de philosophies, elle soit liée à la fonction même du philosophe, selon Socrate et Platon, il doit rendre l’homme majeur et donc apporter la liberté de pensée à l’homme. Pour finir, cette idée est rendue légitime par notre société puisqu’elle lui permet de justifier des actes.

 

En conclusion, nous pouvons affirmer que cette question Peut-on forcer quelqu’un à être libre reste un total paradoxe pour l’esprit. On a démontré que contraindre quelqu’un à être libre est une chose quasiment impossible à réaliser et que cette contrainte paraît illégitime dans une pensée philosophique. En revanche on a également vu que notre société n’hésitait pas à utiliser cette idée comme une justification légitime de certaines actions comme les guerres. Cette question a-t-elle donc une autre réponse quand nous adaptons sa réponse au cadre politique ? Et comment est-elle mise en œuvre dans ce cadre ?

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