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DISSERTATION : Qu'est-ce qui caractérise le héros romantique ?

Publié le 28/09/2010

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Le mouvement romantique constitue une rupture avec tous les mouvements des siècles précédents : le mouvement classique avec la fin de la règle des trois unités, mais également le mouvement philosophique rationaliste du XVIIIème siècle qui laissait peu de place à l’individu et à sa psychologie.

Le mouvement romantique est multiple et le héros qui l’incarne également, mais certaines constantes ressortent toutefois, notamment sur le profil de ce héros. Nous allons essayer de préciser les caractéristiques majeures du héros romantique, même si ces caractéristiques parfois contradictoires ne se retrouvent pas intégralement dans chacun des héros.

 

Le héros romantique doit être vu comme un individu, forcément différent des autres et « unique «, c’est-à-dire solitaire. Le modèle historique de cette caractéristique est Jean-Jacques Rousseau, avec ses « Confessions « et surtout « Les rêveries du promeneur solitaire « où il se décrit comme exilé et rejeté par les autres hommes. Ce thème sera repris et amplifié par de nombreux auteurs romantiques, qui décriront des personnages eux aussi en marge des autres hommes et donc solitaires. C’est le cas de Julien Sorel, le héros du roman de Stendhal « Le Rouge et le Noir «. Julien Sorel est en effet seul dans un monde qui ne le comprend pas.

      « il se trouva debout sur un roc immense et bien sûr d’être séparé de tous les hommes. «

Car la solitude du héros romantique n’est pas seulement physique, elle est également morale. Le modèle de Rousseau est toujours présent, car comme Rousseau, le héros romantique est comme un étranger dans le monde où il vit. Chateaubriand, dans « René « parle du « vide d’un cœur solitaire «. Ce thème est repris dans « Les Mémoires d’outre tombe « lorsque, racontant sa jeunesse, Chateaubriand écrit :

      « Plus la saison était triste, plus elle était en rapport avec moi : le temps des frimas, en rendant les communications moins faciles, isole les habitants des campagnes ; on se sent mieux à l’abri des hommes. «

Les exemples sont fort nombreux dans la littérature romantique, comme Hernani, le personnage de la pièce de Victor Hugo, qui déclare à un moment :

      « Je n’ai plus un ami qui de moi se souvienne,

      Tout me quitte, il est temps qu’à la fin ton tour vienne,

      Car je dois être seul. «

Hernani n’est qu’une « force qui va «, détruisant tout sur son passage.

 

La solitude du héros romantique devient presque métaphysique dans ce que l’on a appelé « le mal du siècle «, que Musset appelle « désespérance « dans « La confession d’un enfant du siècle «. Ce mal du siècle est analysé en détail par Chateaubriand dans « Le génie du Christianisme « où il précise :

      « On est détrompé sans avoir joui ; il reste encore des désirs, et l’on n’a plus d’illusions. L’imagination est riche, abondante et merveilleuse; l’existence pauvre, sèche et désenchantée. On habite avec un coeur plein un monde vide, et sans avoir usé de rien on est désabusé de tout. «

René est atteint de ce mal, ainsi que Oberman dans le roman de Senancour ou Adolphe dans le roman de Benjamin Constant.

      « Mais il est en moi une inquiétude qui ne me quittera pas; c’est un besoin que je ne connais pas, qui me commande, qui m’absorbe, qui m’emporte au-delà des êtres périssables... «

Musset également décrit très bien « les esprits exaltés, souffrants, toutes les âmes expansives, qui ont besoin de l’infini « et qui s’enveloppent « de rêves maladifs. «

Ce mal du siècle sera ressenti par toute une génération d’écrivains et constitue une caractéristique majeure du héros romantique.

 

Certains héros romantiques ont toutefois cherché à dépasser ce mal du siècle en essayant de trouver un monde où ils pourraient avoir leur place. Mais ce monde est pour la plupart imaginaire et cette évasion littéraire les emporte soit dans le temps, principalement le Moyen Age, soit dans l’espace, le plus souvent dans un endroit inexploré, mystérieux. et exotique. Elle les emporte aussi dans un engagement politique en les transformant en révolutionnaires.

 

Le poème de Nerval « El Desdichado « nous montre un chevalier du Moyen Age inspiré de l’Ivanhoé de Walter Scott et qui porte tous les symptômes du mal du siècle :

      Je suis le ténébreux, - le veuf, - l’inconsolé,

      Le prince d’Aquitaine à la tour abolie:

      Ma seule étoile est morte ; - et mon luth constellé

      Porte le soleil noir de la Mélancolie.

Cette transposition au Moyen Age du mal du siècle est une forme d’évasion, que l’on retrouvera dans d’autres personnages, notamment Claude Frollo dans « Notre Dame de Paris « de Victor Hugo.

 

Nous avons évoqué plus haut Chateaubriand et la description du vague des passions. Chateaubriand a voulu lui aussi dépasser ce mal par le voyage. Il partira pour l’Amérique, visitera ce nouveau monde et en rapportera un récit et un roman « Atala «. Un départ aux Amériques sera d’ailleurs décrit dans le roman « René «.

Ce voyage servira de modèle à de nombreux héros romantiques qui chercheront à guérir de leur mal par ce moyen. Le poète anglais Lord Byron partira lui aussi pour un voyage, dont il ne reviendra pas puisqu’il mourra en Grèce, lors du siège de Missolonghi par les Turcs. Le personnage de Byron, Childe Harold partira lui aussi pour des pèlerinages, afin de soigner son mal de vivre.

De nombreux héros romantiques seront de grands voyageurs, avec pour modèle un personnage qui a parcouru l’Europe et une partie de l’Afrique, à savoir Napoléon Bonaparte.

 

Avec Napoléon, mous abordons une autre caractéristique du héros romantique qui est l’engagement politique. Chateaubriand a écrit dans ses « Mémoires d’Outre tombe « :

      « Retomber de Bonaparte et de l’Empire à ce qui les a suivis, c’est tomber de la réalité dans le néant, du sommet d’une montagne dans un gouffre. «

Le prestige de Napoléon, dans la médiocrité de la Restauration, sert de repère à toute une génération et l’engagement politique sera la conséquence de cette prise de conscience.

Victor Hugo, dans son œuvre, fera de Napoléon un héros et un modèle. Dans « Les Orientales «, et notamment dans le poème « Lui «, il nous montre un Napoléon glorieux, qui commande aux hommes et aux siècles :

      « Il dit : debout ! soudain chaque siècle se lève,

      Ceux-ci portant le sceptre ceux-là ceints du glaive,

      Satrapes, pharaons, mages, peuple glacé.

      Immobiles, poudreux, muets, sa voix les compte ;

      Tous semblent, adorant son front qui les surmonte,

      Faire à ce roi des temps une cour du passé. «

Napoléon devient l’idole de Julien Sorel, qui garde un portrait sur lui.

 

Napoléon, à cette époque, est perçu comme l’héritier de la Révolution française, dont il portera les idées aux quatre coins de l’Europe. Cet engouement pour les idées révolutionnaires et républicaines donnera naissance à un engagement politique de la plupart des héros romantiques. C’est le cas de Marius, le héros des « Misérables « de Victor Hugo qui milite dans un groupe républicain « Les amis de l’ABC « et participe aux journées des barricades qui suivirent l’enterrement du général Lamarque.

Le héros romantique devient le porte drapeau des idées républicaines, comme le montre le célèbre tableau de Delacroix « La Liberté guidant le peuple «.

La proclamation de la seconde République en 1848 sera l’occasion pour Georges Sand de laisser éclater son enthousiasme :

      « Vive la République ! Quel rêve, quel enthousiasme ! […] La République est conquise, elle est assurée, nous y périrons tous plutôt que de la lâcher. «

Le poète Lamartine sera d’ailleurs candidat à l’élection du président de cette seconde république, même s’il ne sera pas élu.

Ce mouvement donnera aussi naissance à une critique sociale dont un des principaux partisans sera, une nouvelle fois, Victor Hugo, dont le héros Jean Valjean, dans « Les Misérables « sera le symbole. Hugo fera dire à un de ses personnages, un ancien Conventionnel :

      « Oui, les brutalités du progrès s’appellent révolutions. Quand elles sont finies, on reconnaît ceci : que le genre humain a été rudoyé, mais qu’il a marché. «

 

Il est une autre caractéristique du héros romantique, qui est fondamentale dans la mesure où elle est totalement nouvelle. Il s’agit de la proximité, voire de la fusion avec la nature, ce que certains auteurs ont appelé « le sentiment de la nature «.

Jean Jacques Rousseau fait encore figure de précurseur dans ce domaine ; c’est d’ailleurs lui, qui le premier, utilisa le mot « romantique « dans les « Rêveries du promeneur solitaire «.

Le XVIIème et le XVIIIème siècle ont ignoré la nature. Avec le romantisme, la nature devient un acteur important, dans la mesure où elle va refléter ou influencer les sentiments des héros.

Dans « Le Rouge et le Noir «, Stendhal nous montre Julien gravissant une montagne et parvenant au sommet, l’auteur nous dit :

      « L’air pur de ces montagnes élevées communiqua la sérénité et même la joie à son âme «

Cette description n’est pas sans faire penser au célèbre tableau du peintre Caspar Friedrich intitulé « Voyageur contemplant une mer de nuages «.

Lamartine nous fait partager le même sentiment dans son poème « Le lac « où la nature se souvient et participe à la méditation du poète.

      « O lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure !

       Vous, que le temps épargne ou qu’il peut rajeunir,

      Gardez de cette nuit, gardez, belle nature.

           Au moins le souvenir !

Les exemples sont très nombreux de ces invocations à la nature et Chateaubriand nous en propose dans « René « ou dans « Les mémoires d’outre tombe «.

      « ces feuilles qui tombent comme nos ans, ces fleurs qui se fanent comme nos heures, ces nuages qui fuient comme nos illusions, cette lumière qui s’affaiblit comme notre intelligence, ce soleil qui se refroidit comme nos amours, ces fleuves qui se glacent comme notre vie, ont des rapports secrets avec nos destinées. «

C’est dans « René « que l’on trouve la célèbre invocation :

      « Levez-vous vite, orages désirés qui devez emporter René dans les espaces d’une autre vie ! «

Cette communion avec la nature est à mon sens, par sa nouveauté, une des caractéristiques essentielles du héros romantique.

 

Comme on a pu le voir, le héros romantique est très divers ; ses caractéristiques sont nombreuses et sont en rupture avec les règles qui s’imposaient aux siècles précédents. Par leurs côtés humains, ils me semblent plus proches de nous que les héros classiques. Ils sont uniques dans la mesure où leur psychologie est complexe et ne se réduit pas à un conflit avec quelque chose. Ils sont d’abord en conflit avec eux-mêmes avant d’être en conflit avec les autres.

 

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