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Entre l'anonymat de l'Occident et l'intimité de l'Orient

Publié le 22/02/2012

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« En France, les Persans ne s'engagent pas, ne se lient à rien, n'ont pas besoin de rencontrer plus d'une fois la même personne pour en faire le portrait. Toutes leurs rencontres sont des premières rencontres, aussitôt suivies d'une des-cription sans appel. Ainsi le lecteur français est-il invité à prendre ses distances pour examiner, du point de vue de l'étranger, les usages de son propre pays, tandis qu'il est ini-tié, en revanche, à l'intimité des âmes et des corps, dans. la Perse lointaine : le lecteur est entraîné dans un jeu qui l'éloigne de son milieu actuel, et qui le rend indiscrètement présent à un monde absent. Dans l'imaginaire érotique, la Perse est proche ; dans l'ironie observatrice, la France, ano-nyme et caricaturée, devient un continent lointain. L'équi-libre des Lettres Persanes, le rapport trop souvent méconnu, entre leur partie occidentale et leur partie orientale, tiennent à ce qu'on pourrait nommer la règle de l'égalité des produits : en multipliant la distance géographique par la distance morale, Fon trouve un résultat sensiblement équivalent pour l'intrigue persane (où les âmes se confient à la lettre) et pour la critique générale de la société française (qui ne livre que des apparences extérieures). » Jean Starobinski, « Exil, satire, tyrannie », in Le Remède dans le mal, Gallimard, 1989, p. 97.

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