Etude de l'extrait, acte II, scène 2 - DOM JUAN

 

Une scène de séduction

 

Ah ! la belle personne => en six mois.

Objectifs :

Etudier la stratégie du séducteur

Réviser le comique

Revoir la méthodologie du commentaire composé

 

Problématique : Quel séducteur est DJ ? Est-il à la hauteur de son discours sur le libertinage de l’acte I, scène 2 ; est-il aussi doué dans l’action qu’il l’a été pour la parole ?

 

Introduction : Nous sommes à la scène 2 de l’acte II. Après la tension du premier acte marqué par la rupture de DJ avec Elvire, le second est un intermède de farce qui vise à nous détendre. DJ a tenté d’enlever une jeune femme en mer mais « une bourrasque imprévue « a mis fin à la réalisation de ce projet. Le bateau fait naufrage et Sga et DJ sont secourus par Pierrot, l’amoureux de Charlotte. Revenu à terre, DJ s’éprend de Mathurine puis il aperçoit Charlotte qu’il entreprend de séduire en l’absence de Pierrot. Charlotte succède donc à Elvire, l’épouse trahie ; elle est la première femme en ce début de pièce à être la proie du séducteur en action. faire l’objet …séduite par DJ (qui passe de la fe noble à une paysanne mais aussi de la rupture et de l’abandon aux prémices de la séduction.)

Problématique : Quel séducteur est DJ ? Est-il à la hauteur de son discours sur le libertinage de l’acte I, scène 2 ; est-il aussi doué dans l’action qu’il l’a été pour la parole ?

 

     I) Une scène de séduction

 

   1) La stratégie du séducteur

 

   Molière a voulu par cette scène nous offrir un raccourci édifiant de la stratégie qu’use DJ pour abuser les femmes. Elle repose sur la flatterie, l’éloge de la beauté, le charme et les promesses.

 

   a) La flatterie

 

DJ essaie de séduire Charlotte en vantant d’abord ses attraits physiques : compliment général (Ah ! la belle personne «) puis flatteries successives portant sur les yeux (« pénétrants «), la taille (« jolie «), le visage (« mignon «), les yeux à nouveau (« Ah ! qu’ils sont beaux «)- d’où effet de redondance, d’insistance – les dents (« amoureuses «), les lèvres (« appétissantes «), les mains (« les plus belles du monde «). Flatteries reprises et soulignées par l’exclamation : « Pour moi, je suis ravi, et je n’ai jms vu une si charmante personne. « Ici DJ flatte l’orgueil, la vanité de C et masque la finalité de son entreprise par ces éloges. Il ment sur ses intentions mais il est véritablement séduit, en règle générale par la beauté féminine. C’est la beauté qu’il met en avant et non son désir.

 

   b) L’éloge de la beauté

 

L’éloge de la beauté de Charlotte est un leitmotiv du discours de DJ dans cet extrait. Le plus souvent, ce sont des qualifications superlatives.

 

   c) Le charme

 

Ces flatteries et ces paroles ont d’autant plus de poids que DJ est un aristocrate : il possède de de beaux habits et de belles manières (cf. le récit de Pierrot qui nous a décrit ses vêtements => didascalie interne). Ainsi il use d’un ton courtois pour faire sa déclaration « «n’ayez point de honte d’entendre dire vos vérités «, « s’il vous plaît «, « de grâce «, « je vous prie «. Il sait tourner le compliment avec un raffinement précieux, une extrême politesse : « point du tout, vous ne m’êtes point obligée de tout ce que je dis, et ce n’est qu’à votre beauté que vous en êtes redevable. « Charlotte n’a probablement pas l’habitude d’être traitée avec autant d’égards.

Il charme également par sa prétention à la sincérité, à la transparence de son cœur : « Moi, me railler de vous ? Dieu m’en garde ! Je vous aime trop pour cela et c’est du fond du cœur que je vous parle. « DJ revendique donc une absolue sincérité. Cf. également « je vous aime de tout mon cœur «

 

   d) Les promesses

 

Cf. la dernière réplique de DJ qui se présente comme le sauveur qui vient arracher in extremis la belle à un sort injuste et indigne d’elle (« il ne tiendra qu’à vous que je vous arrache de ce misérable lieu, et ne vous mette en l’état où vous méritez d’être. «) DJ promettra un peu plus loin qu’il n’a « d’autre dessein que de vous épouser. « C’est l’apothéose de sa stratégie, de l’arsenal mis en place pour séduire C. D’autant que le mariage au XVIIème siècle revêt un caractère sacré qu’il n’a plus ajd : on ne rompt pas cet engagement, on ne divorce pas. Et une femme abandonnée est vouée à la honte, au déshonneur.

 

On a donc un discours enflammé, passionné, d’autant plus troublant pour Charlotte  que DJ sait se montrer enjôleur, raffiné, plein d’égards. Dans ce combat pour séduire DJ prend d’autant plus de plaisir que son adversaire lui résiste.

 

   2) L’attitude de Charlotte

 

   a) Le doute

 

Charlotte avant de succomber au charme du séducteur oppose une résistance à son interlocuteur : elle est gênée par les compliments de DJ, mal à l’aise ce qui témoigne de sa pudeur « Monsieur, vous me rendez toute honteuse «.

Elle se méfie, elle offre une résistance due à la défiance car elle s’interroge sur la sincérité des éloges : « Monsieur, cela vous plaît à dire, et je ne sais pas si c’est pour vous railler de moi. «

Elle résiste également parce qu’elle a des qualités morales : elle reconnaît être promise à Pierrot. Toutefois, elle se montre sensible au discours de DJ, à ses flatteries.

 

   b) Intimidée et soumise

 

Charlotte se montre sous un jour très différent par rapport à la scène précédente (on se rappelle qu’elle avait le dessus sur Pierrot et qu’elle manifestait à son égard un certain dédain) : ici, elle est intimidée par le statut social de DJ, par sa capacité de séduction, par la teneur et la manière de ses propos : « Monsieur, tout ça est trop bien dit pour moi, et je n’ai pas d’esprit pour vous répondre «. Elle est soumise « je vous suis obligée, si ça est «, + répétition du mot « Monsieur « qui témoigne de son respect de la hiérarchie sociale ; elle est impressionnée, voire éblouie par le prestige de son interlocuteur (« Monsieur, c’est trop d’honneur que vous me faites «). Du coup, elle essaie de masquer sa condition et d’être une autre.

 

   c) Devient une autre

 

Elle surveille et corrige son langage : elle gomme son accent paysan qu’elle avait à la scène précédente.

Par les paroles de DJ, Charlotte se voit embellie  « votre grande beauté « et autre que sa condition l’oblige à être : ainsi ses mains noires de paysanne deviennent « les plus belles du monde « et elle les laisse embrasser par DJ.

Elle est emportée dans l’artifice mensonger des mots de DJ qui lui fait croire que par sa beauté elle mérite mieux qu’un « simple paysan «. Elle peut donc se croire une autre, la fe d’un aristocrate avec une autre vie que celle d’une paysanne : DJ réalise en parole le rêve d’une vie plus belle.

Ainsi, malgré sa résistance, la naïve Charlotte succombe au charme de DJ, crapule de haute volée qui séduit sa victime avec maestria. Pourtant, malgré sa cruauté, cette scène reste une scène comique, une scène de farce.

 

    II) Une scène comique

 

   1) Comique de situation

 

Il ne faut pas oublier que Sganarelle est sur scène. DJ joue son rôle devant son spectateur privilégié et le prend à parti plusieurs fois : « Sga, qu’en dis-tu ?/ Sga, regarde un peu ses mains. « On a donc une scène intime devant un témoin : DJ a besoin d’un complice pour exister, il a besoin d’être reconnu, de se faire valoir.

Sga, de connivence avec le spectateur, le double du spectateur sait qu’il s’agit d’une mascarade.

   2) Comique de geste

 

Il faut imaginer ici la scène. DJ examine Charlotte sur toutes les coutures, la fait pivoter, lui prend la main. Elle, elle doit montrer ses dents comme un cheval. De plus, ce discours exacerbé qui mime la passion amoureuse doit être joué également avec de grands gestes : genou à terre, main sur le cœur, yeux énamourés, serments faits au Ciel. On a donc une scène de séduction farcesque avec des gestes outrés et ridicules qui rendent compte du grotesque de la situation : un noble séduisant une paysanne avec son artillerie lourde. La situation doit être d’autant plus comique que Sganarelle à côté doit avoir l’air blasé, lui qui « connaît son DJ par cœur «.

 

   3) Comique de mot

 

On observe un décalage entre le voc de Charlotte et celui de DJ. Par moments, C trahit sa condition avec des expressions qui appartiennent à son parler populaire : « Fi monsieur «, « Piarrot, le fils de la voisine Simonette. « Contraste avec l’emphase du grand seigneur, avec ses phrases bien faites, bien tournées et raffinées.

Effet de répétition amusant : « je vous suis bien obligé/ « « vous ne m’êtes point obligée. «

Le baratin de DJ

 

   4) Comique de caractère

 

Naïveté de Charlotte, soumission extrême : intimidée par le Seigneur. Décalage entre le monde fruste des paysans et la noblesse de DJ.

DJ et ses flatteries : il louerait n’importe qui.

La lâcheté de Sganarelle qui a pitié de C mais ne bronche pas comme à son habitude. Il reste complice de son maître.

 

Conclusion : Notre héros met ici à l’œuvre les principes énoncés à l’acte I et manœuvre habilement la jeune Charlotte victime de la ruse du séducteur sans scrupule. Mais cette scène apparaît aussi comme une caricature bouffonne de la séduction tant elle est outrancière. Cette comédie parodique du sentiment nous place dans une situation inconfortable : amusés par l’habileté du séducteur qui parvient à nous ranger de son côté (on ne peut s’empêcher d’être un peu admiratif de cet art de la séduction, on est séduit nous aussi par le défi jeté à la société et ses conventions comme le mariage), notre rire est-il une moquerie méchante envers Charlotte abusée ou bien au contraire, relève-t-il d’un rire sain, de bon cœur vis-à-vis de sa naïveté ? On le voit, notre rire est à la fois partisan de cette comédie bouffonne de la séduction mais il réprouve, il sanctionne moralement la méchanceté vicieuse de DJ qui se joue d’une jeune fille innocente.