Kuhn : une histoire institutionnelle et discontinue de la science
Publié le 22/02/2012
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Contrairement au positivisme précédent, qui n'abordait la science
qu'à travers l'analyse de ses énoncés, Kuhn (1922-1996) estime
légitime et fructueux de considérer le contexte historique et culturel
du travail scientifique. Il s'agit d'une épistémologie historique et
sociologique :
« L'histoire, si l'on consentait à la considérer comme autre chose
que le reliquaire de l'anecdote ou de la chronique, pourrait être
l'origine d'une transformation décisive de l'image de la science qui
aujourd'hui nous possède. »
Kuhn, La Structure des révolutions scientifiques
Il s'agit d'une épistémologie externaliste. Ce terme souligne
qu'elle aborde l'activité scientifique non pas seulement à partir du
cercle restreint du travail solitaire du savant dans son laboratoire,
mais en inscrivant celui-ci dans l'histoire et la communauté
scientifique qui le conditionnent.
« Science normale » et changement de paradigme
Dans La Structure des révolutions scientifiques (1962), Kuhn
propose une compréhension originale de l'histoire de la
science qui s'éloigne de la représentation traditionnelle d'un
progrès graduel et cumulatif de l'Antiquité jusqu'à la science
contemporaine. Il soutient, au contraire, que l'histoire de la
science procède par des ruptures et des discontinuités, des
révolutions qui aboutissent à un changement de paradigme
(paradigmic shift).
Kuhn part de la notion de science normale. Elle correspond
aux époques où les savants s'appuient sur les théories existantes
et reconnues comme valides pour mener à bien des
recherches particulières sur tel ou tel aspect encore inexploré
d'une théorie :
« Le terme de science normale désigne la recherche solidement
fondée sur un ou plusieurs accomplissements scientifiques passés,
que tel groupe scientifique considère comme suffisantes pour
fournir le point de départ d'autres travaux. [...] La Physique
d'Aristote, l'Almageste de Ptolémée, les Principia et l'Optique de
Newton, l'Électricité de Franklin, la Chimie de Lavoisier et la
Géologie de Lyell – tous ces livres ont servi à définir implicitement
les problèmes et les méthodes légitimes d'un domaine de recherche
pour des générations successives de chercheurs. »
Kuhn, La Structure des révolutions scientifiques
Dans la science normale, les savants partagent un paradigme
qui permet le développement de leurs travaux. Un
paradigme est un ensemble de principes et de règles, un
complexe de connaissances et de pratiques partagées par la
communauté des chercheurs, c'est « l'ensemble des
croyances, de valeurs reconnues et de techniques qui sont
communes aux membres d'un groupe donné » (Kuhn, La
Structure des révolutions scientifiques).
Lorsqu'une succession d'échecs et d'anomalies est constatée, la
science entre dans une crise qui aboutit à un changement de
paradigme, à une révolution théorique qui donne une nouvelle
direction et un nouveau cadre aux recherches scientifiques. Le
nouveau paradigme est choisi parce qu'il permet d'élucider plus
efficacement un ensemble de problèmes.
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