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La Bruyère - Le Fleuriste

Publié le 22/09/2010

Extrait du document

 

« Le fleuriste «

 

- Situation : Extrait du 2ème article du chapitre « De la mode «. L‘article 2 commence par une définition satirique de la curiosité suivie d’une longue suite de portraits (l'amateur de fleurs, de fruits, de monnaies, d'insectes, de livres,...). 

- Thème : Portrait caricatural et satirique d'un collectionneur de fleurs soumis à la mode. Passion qui ne concerne qu’un seul objet, qui isole le collectionneur. Futilité et danger des passions à la mode.

- Problématique : Comment La Bruyère donne t’il à ce portrait une valeur argumentative ? Comment nous invite t’il à dépasser le cas du fleuriste pour élargir notre réflexion ?

Plan

I) Le portrait du collectionneur

A. Un portrait en actions 

Personnage en focalisation externe, point de vue omniscient, marque du lecteur (« vous le voyez «) mais pas du narrateur. Présent de narration : chacun peut le voir en actions (effet d’objectivité)

B. Un portrait excessif:

- Une course effrénée du matin au soir

26 verbes d’action dont 14 de mouvement sur 34 verbes au total.

- Un pantin tournant en rond

Accumulation d’actions sans lien entre elles ; parataxe. 3 fois le verbe « revient « d’où l’impression d’un pantin, aux gestes saccadé tournant en rond.

- Une passion exagérée et théâtralisée

ü « vous le voyez planté.. « impression de théâtre : actions peu naturelles, exagérées.

ü « où il se fixe, où il se lasse, où il s’assit « : 4/4/4/ répétition de la même construction, « où il oublie de dîner « :/7/  chute. La totalité de l’activité du fleuriste tourne autour de la Solitaire : absurdité de son comportement.

C. Un portrait du 17ème siècle mais néanmoins universel

- Un portrait ancré dans la réalité du temps :

 Tulipomanie du 17ème, « l’écu « monnaie du temps, « dîner « nom donné au 17ème au repas de midi, noms réels des tulipes, jardin situé au-delà des remparts dans les faubourgs, un citadin riche et désœuvré (il ne jardine pas mais se perd dans sa contemplation)

- Une dimension universelle :

 Pas de nom, « le « fleuriste ; un type humain qui permet de critiquer un vice commun à l’espèce humaine. 

→ Portrait très visuel, théâtral, excessif et caricatural qui constitue une satire.

 

II) La dénonciation des mécanismes de la passion

 

A. Une personnalité aliénée

· Perdu dans le temps : du lever au coucher du soleil, il revient avec le seul souvenir de ses tulipes mais atteint physiquement de sa perte de repères temporels (fatigué, affamé)

· Prisonnier de la Solitaire : il ne quitte pas le jardin, tourne en rond autour de la Solitaire

· Isolé, hors de la ville : il se coupe du monde, les fleurs remplacent les femmes. Pas de communication sociale.

· « planté « « qui a pris racine « « cœur épanoui « : métamorphose végétale, déshumanisation alors que les fleurs deviennent des femmes [l’Orientale (des 1001 nuits), la Veuve (figure littéraire des appétits charnels), l’Agathe (éthym. « bonne «)] et des maîtresses qu’il a envie de toucher : discours indirect libre : « il ne l’a jamais vue si belle «, « est-t-elle nuancée… «

· Obsédé par une seule femme-fleur : la Solitaire inaccessible (seule = sans lui) à qui il revient toujours mais qui le laisse « fatigué « « affamé « « fort « content d’un souvenir et les mains vides :  allitération en f. Manie concentrée sur un seul objet.

· Vide et futile : à la fin, la fleur a même disparu, éclipsée par les œillets. Ironie : il a vu « des « tulipes. L’indéfini pluriel → rien d’exceptionnel, des fleurs quelconques.

· Fou : « Cet homme raisonnable « : Antiphrase ironique « qui a une âme, [ ] un culte,  [ ]une religion « : 3 subordonnées à valeur adversative → n’a plus la faculté de juger des choses

 

B. La dénonciation de l'effet de mode

a. Un comédien: jargonne pour impressionner, gestes affectés, comédie

b. Une coquille vide : 

ü Réduit à son avoir, à son apparence : mode de la possession et non de l’être

ü Dans le monde du matériel (laisser pour 1 000 écus, prévaloir) sur lequel il n’a pas de prise : ce n’est pas lui qui décide mais la mode. (« quand les tulipes seront négligées et que les œillets auront prévalu «)

ü Versatile, inconstant et futile : « il [la] donnera pour rien quand les tulipes seront négligées « : défauts qu’annonçaient ses passages d’un tulipe à l’autre

c. Un être privé de spiritualité

ü Sans spiritualité : champ lexical de la spiritualité (calice , Dieu, âme, culte, religion) mais amour mystique pour une tulipe (la créature) et non pour le créateur. Présent de vérité générale → l’Homme est supérieur parce qu’il est doué de raison et soutenu par Dieu. Antithèse « il l’admire «/ «ce qu’il n’admire point « → perte de Dieu 

 

Conclusion

q Portrait caricatural et satirique d'un collectionneur soumis à la mode. Sa manie le déshumanise, jusqu'à le priver de son être. Le fleuriste se montre à l'opposé de l'honnête homme qui vit en harmonie avec ses semblables.

q Dénonciation d’une conduite qui mène à un repli sur soi au lieu de communiquer avec les autres hommes et avec Dieu.

q Mise en abyme du lecteur qui doit lui aussi garder son sens critique et une sagesse tournée vers le spirituel.

q Critique d’un obsédé, victime de la mode toujours pertinente puisque notre société médiatique pousse les gens à privilégier l'apparence aux dépends de l'enrichissement intérieur.

 

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