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La crise favorise le bricolage

Publié le 16/12/2011

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Le onzième Salon du bricolage et de la décoration pratique s'est tenu à Paris, au Palais du CNIT, au mois de novembre. L'affiuence a été considérable ; on a remarqué que le nombre des visiteurs augmentait chaque année. En déduira-t-on que le Français est naturellement bricoleur? On n'en était pas tellement assuré ces derniers temps, mais il faut croire que la crise économique lui a donné le goût, ou la nécessité, de faire tout ce qu'il peut lui-mème chez lui. Les mauvaises langues prétendent que les heures d'ouvrier, mème au noir, sont devenues si coûteuses qu'il vaut mieux bricoler, aussi bien qu'on le peut, son intérieur, d'autant que le travail des spécialistes laisse, de plus en plus, hélas, le client insatisfait. Le résultat, c'est le succès de ce Salon où, sur plus d'un hectare, on perce, on scie, on cloue, on peint, on colle, on fait de la serrurerie, on pose des vitres, on installe des chambranles et on construit mème des maisons.

« Révolution, comme dans d'autres pays, mais plutôt moins que dans d'autres ; et quand, pour les fètes religieuses, pour les fètes familiales, l'occasion se présentait de manger à sa faim, on transformait le repas en de superbes festivités où la qualité se confondait avec la quantité.

On voit cela surtout dans les tableaux flamands comme on le voit dans la littérature.

Les goinfrées font partie des romans de Restif de la Bretonne, de Balzac ou de Zola et de Maupassant.

On n'y peut rien : ces gens avaient faim.

Quand ils pouvaient manger, ils se remplis­ saient le ventre.

Mais ce qu'il faut noter, c'est qu'ils mangeaient bien, de la nourriture saine et de la nourriture bien préparée.

La cuisine bourgeoise était surtout une cuisine populaire.

Il paraît que nous n'avons plus faim.

Il paraît surtout que nous ne savons plus faire la part des choses.

Il suffit de regarder la publicité pour se rendre compte que tout a été faussé.

N'importe quel vin de mélange, qui n'est mème pas du vinaigre, devient sur les affi­ ches une sorte de nectar qui ravit ceux qui le boi­ vent.

La moindre boîte de conserve remplace la vraie cuisine.

Tout est truqué.

Il suffit de mettre une vieille femme sur la couverture d'un livre de cuisine, d'ajouter à une confiture ou à un plat sur­gelé le nom de grand'mère pour donner l'illusion que Luculus est entré dans votre deux pièces­ cuisine.

Cela ne serait pas grave et ne pourrait ètre imputable qu'à la politique de consommation qui a été celle des pays industrialisés jusqu'à la crise, si, en mème temps, il n'y avait là une véritable crise de civilisation.

Si les Français, -ou les autres - ne savent plus manger, c'est qu'il se passe de graves événements sur cette terre.

Il y a tout de mème une confusion des valeurs quand on prend des moules surgelées d'Australie pour des moules fraîches de Bretagne.

Mais il y a peut-ètre des raisons à cette évolution que toute bonne bouche ne peut que regretter.

Il n'y a pas si longtemps que les féculents, les pommes de terre ou les pâtes, les haricots ou les fèves, avaient le dessus du panier des ménagères qui revenaient du marché.

La viande était en-dessous, souvent modeste par sa taille.

Le pain entrait dans le menu de chaque jour pour une part importante ; il servait à tremper la soupe, il servait à saucer les jus, il était mème, en cas de besoin la punition des enfants méchants qui étaient condamnés à le manger sec, - dans un placard noir de .

préférence.

Aujourd'hui, on ne mange plus de pain, ou si peu que la consommation a diminué de près de la moité depuis le début du siècle ; on mange moins de pom­ mes de terre et les pâtes, qui faisaient, en Italie comme en France, le moment important du repas, ont tendance à disparaître.

Les topinambours, les navets, les crosnes n'excitent plus les palais raffinés de nos contemporains.

La consommation de viande a, en revanche, doublé en trente années.

Il faudrait s'en louer, aux dépens de la pauvre citrouille dont personne ne veut plus, si la viande en question avait bon goût et n'était pas un produit industriel innomable, importé d'on ne sait où.

Malheureuse­ ment, encore une fois, personne ne sait faire la dif­ férence.

Du bison polonais remplace très bien un beau charolais.

On n'y voit que du feu.

Il y a donc là un problème d'éducation.

Il faut bien reconnaître que ce ne sont pas les journaux populaires ni les livres de cuisine pour les gens pressés qui pourraient donner aux Français le secret d'un art oublié : celui du bien manger.

Reste donc, pour les amateurs, ce Salon de l'Alimenta­ tion qui a maintenant l'âge de raison.

On voudrait qu'il soit plus raisonnable.

Il y a là à boire et à manger, mais aussi rien qui vaille d'ètre bu ou mangé dans cette foire qui mèle les jambons et les champignons, les langoustes et les betteraves, les patates douces avec les pommes de terre bretonnes et les haricots mexicains avec ceux du Val de Loi­ re.

Il y a tout de mème, dans ce gouffre gastrono­ mique, plein de senteur, où le talent regarde modes­ tement la plus médiocre industrie qui lui fait front avec orgueil, plus que de quoi rèver : de quoi réflé­ chir.

Le XVIII 8 a la cote Il n'y a pas si longtemps que, dans les ventes publiques, tous les acheteurs se ruaient sur le moderne ou sur l'art d'avant-garde.

Il ne fallait pas manquer l'œuvre ignorée qui, plus tard, atteindrait des millions aux enchères.

Il paraît qu'on n'en est plus là.

Est-ce la faute de la crise ? Le public des salles de ventes se réfugie actuellement dans le XVIII• siècle.

Ce qui était plutôt méprisé voilà un ou deux ans trouve aujourd'hui preneur à n'importe quel prix.

On voit des objets vendus « pour rien » il y a dix ans, atteindre des taux extravagants.

C'est une affaire de mode probablement.

Les enchères sont aussi soumises au goût, et le goût, c'est tou­ jours celui des seuls connaisseurs.

Il arrive, sans qu'on y croit, qu'il soit télécommandé.

Il faut bien relancer le marché quand celui-ci flanche.

Aujourd'hui, un Boucher, si vous en avez les moyens et si vous vous contentez d'une œuvre assez mineure, vaut quelque 115 000 francs, un Fragonard de petit format, environ 350 000 francs.

Les meubles du xvm• siècle dépassent toutes les cotes habituelles.. »

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