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La critique des grands - La Bruyère

Publié le 15/09/2006

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Problématique : De quelle manière La Bruyère critique-t-il les mœurs des classes aisées du 17e siècle? Introduction Œuvre unique du célèbre moraliste français Jean de La Bruyère, Les Caractères (1688) est un recueil de portraits amers ayant pour but d'aider ses contemporains à se corriger. Le passage étudié est un extrait du portrait des grands : La Bruyère y dénonce l'égoïsme des classes sociales aisées qui asservissent les paysans sans scrupules. On peut se demander de quelle manière La Bruyère critique les mœurs de ces classes aisées du 17e siècle. Pour cela, nous mettrons tout d'abord en lumière les caractéristiques du texte, puis les deux mondes opposés que dépeint La Bruyère et enfin le point de vue de ce dernier. I Caractéristiques du texte 1)Le pathétique La toute première caractéristique de ce texte est le registre pathétique. En effet, on retrouve le champ lexical de la souffrance, avec des termes comme « misère « (l.1), « saisissent le coeur « (l.1), « manque « (l.1), « appréhendent « (l.2) et « malheureux « (l.8). Une autre spécificité du pathétique est de donner la souffrance « à voir «, ici grâce aux expressions « à la vue « (l.10) et « L'on voit « (l.11). De plus, la première phrase (« Il y a des misères sur la terre qui saisissent le coeur « l.1) donne le ton au texte : toute la description des paysans saisit en effet le cœur, on s'apitoie, on a pitié, preuve de la présence de pathétique. 2)L'essai La nature du texte, l'essai, découle en partie de ce registre pathétique : le pathétique suscite l'émotion du lecteur, ce qui permet son adhésion aux idées de l'auteur. Cette astuce est typique de l'essai, qui se veut persuasif. De plus, le narrateur laisse ses pensées vagabonder, tout en s'interrogeant sur un problème existentiel, attitude révélatrice du genre de l'essai. On peut cependant remarquer que la présence de La Bruyère reste discrète : seulement trois « je « (l.7-8) pour 20 lignes de texte. Enfin, l'auteur a utilisé plusieurs figures rhétoriques, car l'essai a pour but de convaincre. II Opposition entre deux mondes 1)Le monde des animaux, les paysans La Bruyère fait l'opposition entre deux mondes : il décrit tout d'abord des paysans miséreux, mourant de faim et travaillant comme des animaux. La Bruyère s'attache à cette notion d'animalité, il emploie une métaphore filée durant tout le dernier paragraphe : les hommes ne sont plus des êtres humains mais des « animaux farouches « (l.12), «mâles « (l.12) ou « femelles « (l.12) ayant une « face « (l.16) et non un visage qui vivent dans des « tanières « et parfois se « lèvent sur leurs pieds «. Les hommes sont également assimilés à des esclaves puisqu'ils sont « attachés à la terre «. Les paysans ont perdu toute leur humanité, ils sont à la fois animaux, esclaves, des êtres « brûlés par le soleil « (l.13) dont la voix et « articulée « (l.15), à la fois « livides « et « noirs « (l.13), au service des plus riches. 2)Le monde des hommes riches Le mondes des hommes riches est bien moins décrit : ce sont de « simples bourgeois « (l.5) à qui les paysans « épargnent […] la peine de semer, de labourer et de recueillir pour vivre « (l.18-19). Cependant, La Bruyère fait remarquer par deux fois que ces personnages plus aisés ont tendance à priver les paysans de nourriture, alors que ce sont eux qui la produisent. Il dénonce d'abord clairement certaines habitudes (« de simples bourgeois […] ont eu l'audace d'avaler en un seul morceau la nourriture de cent familles « l.5-6), puis se place du côté des plus pauvres : « ils méritent ainsi de ne pas manquer de ce pain qu'ils ont semé « (l.19-20). C'est du comportement des riches que va naître la critique de La Bruyère. III L'avis de La Bruyère 1)La critique de La Bruyère La description pathétique des paysans choque et montre de quel côté se trouve La Bruyère : il défend le peuple, face aux riches, qu'il juge sans scrupule et égoïstes. Ainsi, les riches sont capables d'engloutir en un dîner un repas qui aurait nourri quantité de paysans. La Bruyère ne blâme pas leur comportement, il leur reproche également de se donner des excuses (« seulement à cause qu'il étaient riches « l.5). Les pauvres sont transformés en animaux car ils n'ont pas d'argent et les riches profitent de leurs faiblesses. La Bruyère condamne donc les injustices sociales du 17e siècle, l'exploitation des classes sociales les plus basses par les plus riches. 2)Sa philosophie La Bruyère, lui, est conscient d'avoir la chance de ne pas appartenir au petit peuple. Mais son honnêté l'empêche de s'en réjouir, c'est pourquoi déclare-t-il : « Il y a une espèce de honte d'être heureux à la vue de certaines misères. « (l.10-11) L'oxymore entre « heureux « et « misère « correspond au dicton populaire : il ne faut pas se réjouir du malheur des autres. La Bruyère ne veut pas choisir entre « de si grandes extrémités « (l.7), il opte donc pour la « médiocrité « (l.9), il ne veut ni être « heureux « chez les riches exploitants, ni « malheureux « chez les pauvres exploités. Conclusion La Bruyère s'efforce ici de dénoncer les injustices sociales de son époque grâce au genre de l'essai, qui est convainquant car il nous émeut. Publié en 1688, Les Caractères pourrait être considérée comme une œuvre précurseur des Lumières, l'injustice sociale étant un de leur thème fétiche. On retrouve ce thème par exemple dans Le Mariage de Figaro de Beaumarchais.

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