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La Description Dans Le Roman

Publié le 24/09/2010

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Souvent, une description dans un roman peut paraître longue et même rébarbative.  Pourtant, depuis son origine jusqu’à aujourd’hui, la description, reste un moyen d’expression littéraire important pour les auteurs de romans, quels que soit le style d’écriture qu’ils utilisent, le courant auquel ils appartiennent ou l’époque à laquelle ils vivent. Pourquoi est-elle donc si  indispensable dans le roman ? Pour essayer de répondre à cette question, nous étudierons tout d’abord deux des rôles essentiels de la description, celui d’informer et celui de symboliser, puis nous verrons ce que la description permet de provoquer chez le lecteur.

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Que cela soit au début, au milieu ou à la fin d’un roman, une description permet toujours de délivrer des informations au lecteur, sans lesquelles il serait perdu.

 Décrire afin d’informer, d’expliquer ou de présenter ce révèle donc nécessaire pour l’auteur, notamment dans les premiers chapitres d’un roman, qui lui servent souvent à planter un décor, une situation, une époque ou un personnage. Ainsi, les premières pages des « Raisins de la colère « permettent à John Steinbeck de montrer la sécheresse qui sévit sur « les terres rouges et sur une partie des terres grises de L’Oklahoma «,  puis la tempête qui ravagea les cultures en emportant la terre dans des bourrasques de vent,  véritable désastre pour les fermiers américains du début du XXème siècle. Ce chapitre descriptif, sert donc à expliquer la situation de départ et le contexte dans lesquels vont évoluer l’action et les personnages. Alexandre Dumas lui, dans «  Les trois mousquetaires «, profite des premières pages du roman pour dresser un portrait de d’Artagnan, un jeune Gascon ressemblant à un «  Don Quichotte décorcelé, sans haubert et sans cuissards «,  afin de nous familiariser avec celui qui sera l’un des protagonistes du récit. Emile Zola aussi utilise le début de « l’Assommoir «, pour présenter Gervaise le personnage principal,  et le lieu dans lequel elle vit, un quartier pauvre de Paris.

Ce souci d’informer permet aux auteurs de créer grâce à la description, des atmosphères, mais aussi des univers. « Les Hauts de Hurle-Vent «, en est un bon exemple. En effet, Emily Brontë parvient à mettre en place une atmosphère mystérieuse et fantastique, simplement en évoquant les vents tumultueux qui balayent les landes de bruyères où est bâtie la maison des Earnshaw. Bram Stocker dans «  Dracula «, roman épistolaire sur les vampires, installe lui aussi une ambiance angoissante et gothique, en décrivant le château du Comte Dracula, construit en Transylvanie. De plus, à partir de mots, à partir de phrases, il raconte l’histoire d’une créature qui n’existe pas, à part dans les légendes. Pourtant grâce à la description, le vampire prend chaire dans notre esprit, et devient presque réel. Décrire est donc  un véritable outil de création pour l’écrivain, comme l’est le pinceau pour le peintre. Il permet de faire jaillir des mondes inventés de toutes pièces qui ne vivaient juste alors que dans l’imagination de l’auteur. C’est le cas de Tolkien qui,  dans la trilogie du «  Seigneur des anneaux «, réussit à bâtir un univers complètement différent du notre, avec d’autres peuples, d’autres sociétés, vivant sur une autre Terre. C’est le cas également de beaucoup d’autres auteurs de fantaisy, tels que David Edding, Pierre Grimbert ou Pierre Bottero. Le succès de ces romans tient de l’intrigue mais également de la cohérence avec laquelle est construit chaque univers, cohérence permise grâce aux nombreux passages descriptifs.

 

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Mais décrire ne se limite pas à informer ou créer. Suivant les auteurs, la description peut prendre une dimension plus profonde, plus significative.

Ainsi certains l’utilisent pour représenter la réalité. C’est le cas des  naturalistes qui cherchent à étudier la société mais aussi  le comportement des gens qui la composent.  Ces auteurs utilisent une démarche  presque scientifique pour écrire leur roman. En effet ils se documentent  sur le sujet qu’ils traitent, comme le montre les planches préparatoires qu’utilisait Zola pour écrire «  Germinal «, ou son dossier pour « L’Assommoir «, qui parle des recherches effectuées à l’époque sur l’alcoolisme. Leur souci de retranscrire la réalité est tel qu’ils se rendent sur les lieus même, afin de récolter le plus d’informations possibles. Tout ce travail de documentation transparaît principalement dans les descriptions, d’où leur importance dans ce type de roman. De plus leurs recherches leur permettent de décrire une profusion de détails. Ces derniers ne servent pas juste d'ornements à la description, ils possèdent un véritable sens. Ainsi dans le début de " L'Assomoir", Zola nous montre tous les éléments qui composent l'environnement de Gervaise, de la " moisissure du plâtre " à la peinture"rouge lie de vin". Grâce à cette précision, le lecteur à l'impression de voir la scène se dérouler devant lui. Ce désir de représenter la réalité est aussi très présent chez les réalistes. Ces derniers souhaitent rester le plus neutre possible envers leur personnage. La description leur permet de préserver cette objectivité. Ainsi dans l’extrait du « père Goriot « Balzac décrit les protagonistes sans émettre aucun jugement. Il ne parle que des choses visibles de l’extérieur, comme de l’apparence et du rythme de vie «  des pensionnaires de madame Vauquer «. C’est grâce à cette objectivité qu’il peut analyser le comportement et les relations de toutes ces personnes. Maupassant dans ses nouvelles comme « La parure « utilise le même procédé, souhaitant lui aussi comprendre les rouages, les mécanismes de la société.

Parfois, les auteurs se servent également de la description afin de symboliser l’état d’esprit, les sentiments ou les émotions de leurs personnages, notamment à travers des tableaux de paysage, qu’ils nous dressent au fil des pages. Ainsi, dans le début de «  Thérèse Desqueyroux «, François Mauriac, nous raconte la sortie du tribunal de Thérèse. Cette scène se déroule, lors d’une journée pluvieuse et brumeuse, dans des rues aux pavés humides. La nappe de brouillard qui entoure Thérèse, symbolise son enfermement sur elle-même et la façon dont elle se coupe du monde qui l’entoure. Par cette description de la brume, François Mauriac réussit à nous montrer un aspect de la psychologie de son personnage. De même, dans « Les Hauts de Hurlevent «, le caractère passionné de Catherine et de Heathcliff, l’amour tumultueux et violent, presque sauvage qui les unit, se reflète dans  la fureur des vents qui balaye la lande, dans la nature indomptable qui les entoure et que nous décrit Emily Brontë. Décrire devient alors un moyen de retranscrire les états d’âmes qui agitent les personnages, mais aussi ceux des auteurs, comme dans «  Une nuit dans le désert du nouveau monde «. En effet, dans cet extrait du « Génie du Christianisme «, Châteaubriand entraîne à la méditation, par sa description de la lune féérique qui domine une forêt baignée d’éclats d’argent. Cet état de méditation qu’il nous transmet à travers ses mots, correspond à l’état d’esprit dans lequel l’avait plongé la contemplation de ce paysage magnifique.

 Ces descriptions peuvent prendre une dimension encore plus abstraite, symbolique, voir philosophique, et représenter la conception du monde d’un écrivain par exemple, ou ses réflexions sur la vie et la mort,  l’amour et le temps. Ainsi dans «  La Peste «, Camus profite de la description du bain du docteur Rieux et de son ami Tarrou, pour nous délivrer sa conception du bonheur. Ce bain de mer au milieu de la nuit,  emporte les deux personnages vers l’infinité du monde. Ils sont en accords avec la nature et les éléments qui la composent et c’est cette harmonie qui les rend heureux. Les autres passages descriptifs du roman, sont plus durs et cruels car ils montrent les atrocités de la peste, la douleur qu’elle provoque, le malheur qu’elle apporte, notamment avec l’agonie du petit Othon. Camus s’en sert pour montrer l’absurdité du monde qui nous entoure.

 

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Les descriptions détiennent donc un véritable pouvoir sur le lecteur, sans qu’il ne s’en rende véritablement compte, et sans qu’il ne souhaite l’admettre non plus, étant donné qu’il les considère souvent comme longues et inutiles. 

Pourtant c’est grâce à elles qu’il est emporté dans les univers que créaient les auteurs, qu’il voyage d’époques en époques, de pays en pays, de cultures en cultures, de nuages en nuages…tout en restant sur sa chaise. Elles stimulent son imagination, ses sens, et lui permettent de dérouler dans sa tête une file d’images qui, en s’assemblant les une avec les autres, forment un film unique. Elles le dotent d’une véritable vision intérieure. C’est une seconde réalité qui naît à l’intérieur du lecteur, un monde d’encre et de papier qui se matérialise dans son esprit. Le lecteur arrive également plus facilement à s’identifier aux personnages du roman, à ressentir leur émotion, grâce aux descriptions. Il se met à leur place. C’est le cas dans l’extrait de « l’Assommoir « de Zola, «  À la fenêtre «. Ce texte décrit l’attente anxieuse de Gervaise. Le fait de suivre continuellement ses mouvements à la fenêtre, nous donne l’impression de voir le dehors de l’appartement à travers les yeux de la blanchisseuse, et l’on commence à ressentir son inquiétude. Par la suite, tout le long du roman on ressentira de la compassion pour elle, on s’affligera des malheurs qui la pourchassent. De même dans «  Madame Bovary « de Flaubert, le personnage de Charles Bovary, malgré son caractère  au premier abord assez ridicule et ennuyant, devient peu à peu attachant de par l’amour simple mais profond qu’il voue à sa femme. Sa détresse quand elle meurt nous bouleverse, notamment pendant la description de l’enterrement d’Emma à la fin du roman. Une simple description peut donc fournir de multiples émotions au lecteur.

De plus, la plupart du temps les passages descriptifs d’un roman, sensibilise le lecteur au monde réel qui l’entoure. Par exemple,  la description de la misère, peut l’amener à une prise de conscience. Elle lui fait voir ce qu’il ne connaissait pas ou ce qu’il refusait de regarder en face. C’est ce que recherche Zola dans ses romans sociaux. Qui en effet, devant les descriptions des mines de charbons, pareil à l’enfer, de «  Germinal «, n’est pas révolté par les conditions de vie et de travail terribles des mineurs ? Le lecteur peut aussi prendre conscience d’évènements appartenant au passé mais qui ont marqué l’Histoire. Ainsi «  J’ai pas pleuré « d’Ida Grinspan et de Bertrand Poirot-Delpech, est le témoignage d’Ida, une  jeune fille juive qui a été déportée à Auschwitz durant la 2ème guerre mondiale. Elle nous décrit au cours du roman, l’horreur des camps de concentration. Ce livre rentre dans le cadre de ce que l’on appelle le travail de mémoire. La description est essentielle dans ce travail, car elle permet au gens de s’imaginer avec plus de force ce qu’a pu être la Shoa, et montre qu’aujourd’hui encore rien ne doit être oublié. 

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La description est donc nécessaire dans le roman. De plus ce n'est pas seulement dans ce genre littéraire que son rôle est essentiel, mais aussi dans la poésie et parfois même dans le théâtre si l'on considère les didascalies. Ainsi Baudelaire dans ses " Petits poèmes en proses", utilisent lui aussi la description pour émouvoir, pour transporter, faire voyager ou pour exprimer ses propres sentiments, notamment dans " Le confiteor de l'artiste", qui reflète sa souffrance de ne pas arriver à retranscrire la beauté de la Nature. Un nouveau genre littéraire du XXème siècle, le Nouveau Roman, donne quand à lui encore plus d'importance à la description car, dans ce type de roman c'est elle qui fait avancer l'action. Ecrire et Décrire sont donc deux mots indissociables.

 

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