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La folie meurtrière (Médée, Sénèque, v. 910-937 et 945-957)

Publié le 23/04/2019

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folie
MÉDÉE, SÉNÈQUE : La folie meurtrière (v. 910-937 et 945-957) Question 1 Montrez la manière dont Médée parvient à prendre une décision monstrueuse. Après avoir commis un premier crime (le meutre de Créuse et de son père), Médée, malgré les conseils de sa nourrice, refuse de s'enfuir. Il faut maintenant qu'elle se venge de Jason, afin de mettre un terme à leur histoire. Elle souhaite redevenir ce qu'elle était avant de le rencontrer. Pour cela, elle prend une décision monstrueuse, elle décide de tuer ses enfants : liberi quondam mei, vos pro parternis sceleribus poenas date. Au tout début de sa tirade, Médée évoque ses crimes passés avec une certaine fierté, fierté qui est mise en exergue par le verbe juvat qui est martelé au début de la tirade de Médée et qui met évidence le paradoxe entre la notion de plaisir mais également de douleur. Elle fait un déroulement chronologique de tous ses crimes depuis qu'elle est partie de Colchide : le meurtre de son frère rapuisse fraternum caput, suivi par le vol de son père arcano patrem spoliasse sacro. A la fin du dernier vers, elle fait même don de la mort de ses enfants à son père et à son frère : fratri patrique quod sat est, peperi duos. Cela montre bien la volonté de Médée de lier le passé le plus lointain avec ce qu'elle va faire en créant une sorte de lien entre ces trois crimes qui sont pourtant éloignés spatialement et temporellement. En quelques sortes, Médée essaye de fausser la chronologie, de bouleverser l'ordre des choses puisqu'elle essaye de redevenir une virgo. Elle se revendique même comme épanouie par le crime : Medea nunc sum. Par ailleurs, cette phrase qui ouvre la tirade de Médée est très importante : ce sont ses crimes qui ont forgé son identité et qui vont la faire devenir un monstre. Ces trois mots montrent qu'elle a, en quelques sortes, accompli tout ce qu'elle devait faire pour devenir ce monstre mythologique, monstre qu'elle deviendra une fois qu'elle aura tué ses enfants. De plus, nous pouvons relever dans ce texte la présence du triptyque caractéristique du théâtre sénéquien, le cycle dolor, furor, nefas. En effet, Médée énonce les trois termes les uns après les autres : dolor au vers 5, furor au vers 21 et nefas au vers 22. Médée ne semble pas avoir de prise sur ce que son furor a décidé. Lorsqu'elle parvient enfin à comprendre ce que sa fureur attend qu'elle fasse, elle émet des réserves et semble à ce moment-là partagée en deux êtres qui se tiraillent. Cette prise de conscience, cette hésitation, donnent lieu à de nombreuses interrogations : le vers 20 est assez révélateur puisque Médée semble s'étonner elle-même du crime qu'elle s'apprête à commettre. De même le vers 28 indique très clairement l'hésitation de Médée. Encore une fois, on peut avoir l'impression que Médée est partagée en deux. Cette forme de dédoublement entre une Médée humaine et une Médée inhumaine paraît nécessaire pour qu'elle puisse prendre cette décision monstrueuse. Médée se dit obligée, malgré ses hésitations, d'accomplir un tel crime. Le seul motif qui l'y pousse est le fait que ses enfants aient Jason pour père et Médée pour mère. Ils sont donc coupables par leur naissance ; ils sont comme les héros tragiques sur lesquels le sort s'acharne en raison de leur ascendance. Enfin, le paradoxe du vers 25 est révélateur de la décision de Médée : Medea mater : occidant, non sunt mei ; pereant, mei sunt. Question 2 Etudiez les deux aspects du texte : sa violence, son pathétique. La violence de ce texte est dû, en grande partie, au fond plus qu'à la forme, notamment au travers du rappel de tous ses crimes. En effet, dès le début de sa tirade, Médée rappelle les deux meurtres qu'elle a commis précédemment. Chacun des deux meurtres est introduit par le verbe juvat qui est comme martelé et chacun d'entre eux est associé à des images violentes : rapuisse fraternum caput, artus juvat secuisse. D'ailleurs, l'image d'une violence inouïe qui entoure le meurtre du frère est comme un exemplum de cette Médée qui va devenir héroïque au sens noir du terme. De plus, le vocabulaire du crime et de la faute est omniprésent dans la tirade : scelus, fatimus, culpa, crimine, … La pathétique de ce texte, quant à lui, est surtout présent à partir du vers 29 de cette scène : Médée s'adresse à ses enfants pour qu'ils viennent à ses côtés ; ils savent donc ce qui les attend. Un paradoxe apparaît également dans ce même vers avec l'expression cara prolex avec laquelle elle désigne ses deux enfants : elle les appelle ainsi mais va les tuer. Médée renvoie donc ici une image très pathétique de la mère qui aime ses enfants mais qui doit les tuer pour se venger et ainsi redevenir virgo.

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