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La nation française pour le pacifisme

Publié le 22/02/2012

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1er septembre 1939 - Si un reproche pouvait être adressé à la France dans l'entre-deux-guerres, c'était d'avoir, en quelque sorte négativement, contribué au déclenchement du conflit : elle n'avait pas su se réconcilier totalement avec l'Allemagne weimarienne et, par la suite, elle n'avait pas osé. ou pas pu, s'opposer avec succès aux exigences et aux menaces de l'Allemagne hitlérienne. On peut, certes, incriminer les dirigeants responsables, mais on peut aussi se demander si la France possédait les moyens d'une politique de force, et si le pays l'aurait approuvée. Ainsi, les événements avaient révélé que le France ne possédait pas l'armée de sa diplomatie : celle-ci avait entouré l'Allemagne d'un réseau d'alliances, composé d'Etats faibles, incapables de résister seuls à une agression allemande : en raison des distances qui les en séparaient, l'armée française ne pourrait leur porter secours qu'en faisant irruption sur le territoire allemand : or elle avait été conçue et constituée pour des missions défensives, et elle ne possédait pas de corps d'intervention à base de chars et d'avions. Cette inadaptation de l'outil militaire n'était pas seulement le fruit d'une interprétation erronée des leçons de la Grande Guerre par l'état-major français : elle exprimait aussi la profonde volonté de la nation tout entière en faveur d'une stratégie défensive, parce qu'elle interdisait toute aventure, et qu'elle économisait des vies humaines. Une autre discordance s'était fait jour lorsque la décision avait été prise d'un réarmement massif au cours de l'été de 1936 l'intendance n'avait pas suivi : l'industrie, celle de l'aéronautique en particulier, n'avait pas pu satisfaire les commandes en raison d'un outillage et de structures vétustes. Les nationalisations n'avaient remédié que progressivement à cette carence il en était résulté un retard du réarmement français par rapport au réarmement allemand qui n'avait pas encore été rattrapé en septembre 1939. Les traces de la " grande saignée " Les moyens manquaient donc pour répondre par la force, avec quelque chance de succès, aux initiatives hitlériennes de l'annexion de l'Autriche ou du dépècement de la Tchécoslovaquie, défaites humiliantes pour la France, et grosses de conséquences fâcheuses, car elles détruisaient le réseau de ses alliances. Mais si la décision avait été prise de tenir tête, au risque d'une guerre, il est loin d'être certain qu'elle aurait été comprise et approuvée tant, dans le pays, était générale l'aversion pour la guerre, et grand l'amour de la paix. C'est que la " grande saignée " 1914-1918 avait laissé des traces profondes dans la conscience collective française, au point que jamais le mot de Barrès " les morts gouvernent les vivants " n'avait été aussi vrai (1) Le 11 novembre n'était pas commémoré comme une journée de victoire et de gloire, il était devenu un second jour des morts, où les anciens combattants s'écriaient d'une seule voix : " Plus jamais ça ! " Ce pacifisme foncier, le corps des instituteurs l'exprimait pleinement : or ils étaient un modèle culturel pour beaucoup de Français et ils constituaient la majorité des officiers de réserve. Les chefs militaires eux-mêmes communiaient dans cette répulsion pour les combats meurtriers. La " droite " n'était pas très éloignée de la " gauche " sur cette option capitale : c'était un modéré, Maginot, qui avait donné son nom aux fortifications sur la frontière de l'Allemagne, pour arrêter l'ennemi, en attendant son attaque : c'était un gouvernement d' " union nationale ", avec le maréchal Pétain comme ministre de la guerre, qui avait diminué, en 1934, les crédits militaires, alors que Hitler venait de décider le réarmement de l'Allemagne. L'ennemi, c'était moins l'Allemagne que la guerre. Brasillach ébloui et terrifié Certes, la défiance des Français demeurait générale à l'égard de l'Allemagne nazie : un Brasillach était revenu de Nuremberg à la fois ébloui et terrifié. mais le front populaire et ses réformes sociales, puis la guerre civile espagnole avaient ébranlé l'antigermanisme foncier de la droite française : l'Allemagne faisait moins peur à ceux qui voyaient dans le fascisme un rempart contre le bolchevisme, même si leur admiration continuait à aller à Mussolini elle fascinait ceux qui rêvaient en France d'un pouvoir autoritaire : le slogan " Plutôt Hitler que le Front populaire " résumait cette double tendance. En contrepartie, une évolution contraire avait, il est vrai, conduit des hommes de " gauche " à une redécouverte du jacobinisme et de la nécessité d'un fort potentiel de combat : contradictoirement, le Front populaire avait à la fois considérablement accru les crédits militaires, envisagé une intervention en faveur de l'Espagne républicaine, et s'était accompagné d'une violente explosion d'antimilitarisme qui avait approfondi le fossé entre l'armée et le peuple, au moment même ou la conscience du péril commandait de le combler. Plus résigné que résolus Ainsi aux divisions anciennes et nombreuses des Français s'en était ajoutée une autre, entre les partisans d'une politique de fermeté et ceux qui voulaient conserver la paix à tout prix. Une ligne de clivage partageait le gouvernement, les partis politiques (les modérés Reynaud et Flandrin : les radiaux Daladier et Bonnet : les socialistes Blum et Faure), les syndicalistes (Jouhaux et Belin), les familles spirituelles, les familles tout court, sinon chaque Français dans le secret de sa conscience. Cette division était paralysante pour des dirigeants politiques qui, en face d'une Allemagne apparemment unie et résolue, devaient regrouper la nation française pour pouvoir adopter un comportement efficace, en septembre 1939, les dirigeants français savent que la France devra, durant un temps indéterminé, se battre seule, alors que pour la première fois depuis Charles Quint, elle est menacée sur toutes ses frontières terrestres. Aucune réelle coopération n'est possible avec la Pologne, dont le pacte germano-soviétique rend la résistance aléatoire; La neutralité de la Belgique interdit toute manoeuvre d'envergure. Bien que les liens aient été resserrés avec la Grande-Bretagne, les deux alliés ne se sont dotés ni d'un commandement en chef ni d'un état-major. Quarante millions de Français vont donc affronter quasiment seuls quatre-vingts millions d'Allemands et peut-être quarante millions d'Italiens. Si un certain équilibre existe pour les armes classiques, et s'établit peu à peu pour les chars, par contre les chasseurs de la Luftwaffe conservent une supériorité certaine, et l'infériorité de l'aviation de bombardement française, même avec un appui partiel de la Royal Air Force, est à proprement parler catastrophique. Disparité des forces Les gouvernants français connaissent cette disproportion des forces mais ils ont décidé de soutenir la Pologne. Certes, la France honore ainsi ses engagements-pour la première fois depuis l'avènement de Hitler. Mais surtout, deux arguments péremptoires ont dicté la décision : agir autrement reviendrait à se séparer de l'Angleterre, et rien n'empêcherait Hitler de se retourner contre la France isolée avec des forces accrues, une fois la Pologne vaincue. Ce faisant, les dirigeants français ont agi plus contraints que volontaires, plus résignés que résolus. Jusqu'à la dernière minute il ont essayé de sauver la paix. Sollicitant de la chambres des députés des crédits exceptionnels qui n'avaient pas d'autre sens que l'imminence du conflit, Daladier le 2 septembre, prononça le mot " paix " trois fois plus souvent que le mot " guerre ", et la comparaison avec le discours de Viviani, en août 1914, est édifiante sur le degré français de combativité. Le gouvernement, pour ne pas créer l'irréparable, n'osa pas demander au Parlement le vote d'une déclaration de guerre. Le 3 septembre 1939, en adressant un ultimatum à l'Allemagne, la France mettait un terme à une période d'abdication qui n'avait fait qu'accélérer et grossir les exigences hitlériennes. Les dirigeants français montraient enfin qu'ils avaient pris conscience de la gravité de l'entreprise hitlérienne de conquête, d'asservissement et d'extermination, et qu'ils refusaient de la laisser se développer. HENRI MICHEL Le Monde du 29 août 1979

« Plus résigné que résolus Ainsi aux divisions anciennes et nombreuses des Français s'en était ajoutée une autre, entre les partisans d'une politique defermeté et ceux qui voulaient conserver la paix à tout prix.

Une ligne de clivage partageait le gouvernement, les partis politiques(les modérés Reynaud et Flandrin : les radiaux Daladier et Bonnet : les socialistes Blum et Faure), les syndicalistes (Jouhaux etBelin), les familles spirituelles, les familles tout court, sinon chaque Français dans le secret de sa conscience.

Cette division étaitparalysante pour des dirigeants politiques qui, en face d'une Allemagne apparemment unie et résolue, devaient regrouper la nationfrançaise pour pouvoir adopter un comportement efficace, en septembre 1939, les dirigeants français savent que la France devra,durant un temps indéterminé, se battre seule, alors que pour la première fois depuis Charles Quint, elle est menacée sur toutes sesfrontières terrestres.

Aucune réelle coopération n'est possible avec la Pologne, dont le pacte germano-soviétique rend larésistance aléatoire; La neutralité de la Belgique interdit toute manoeuvre d'envergure.

Bien que les liens aient été resserrés avecla Grande-Bretagne, les deux alliés ne se sont dotés ni d'un commandement en chef ni d'un état-major. Quarante millions de Français vont donc affronter quasiment seuls quatre-vingts millions d'Allemands et peut-être quarantemillions d'Italiens.

Si un certain équilibre existe pour les armes classiques, et s'établit peu à peu pour les chars, par contre leschasseurs de la Luftwaffe conservent une supériorité certaine, et l'infériorité de l'aviation de bombardement française, même avecun appui partiel de la Royal Air Force, est à proprement parler catastrophique. Disparité des forces Les gouvernants français connaissent cette disproportion des forces mais ils ont décidé de soutenir la Pologne.

Certes, laFrance honore ainsi ses engagements-pour la première fois depuis l'avènement de Hitler.

Mais surtout, deux argumentspéremptoires ont dicté la décision : agir autrement reviendrait à se séparer de l'Angleterre, et rien n'empêcherait Hitler de seretourner contre la France isolée avec des forces accrues, une fois la Pologne vaincue. Ce faisant, les dirigeants français ont agi plus contraints que volontaires, plus résignés que résolus.

Jusqu'à la dernière minute ilont essayé de sauver la paix.

Sollicitant de la chambres des députés des crédits exceptionnels qui n'avaient pas d'autre sens quel'imminence du conflit, Daladier le 2 septembre, prononça le mot " paix " trois fois plus souvent que le mot " guerre ", et lacomparaison avec le discours de Viviani, en août 1914, est édifiante sur le degré français de combativité.

Le gouvernement, pourne pas créer l'irréparable, n'osa pas demander au Parlement le vote d'une déclaration de guerre. Le 3 septembre 1939, en adressant un ultimatum à l'Allemagne, la France mettait un terme à une période d'abdication quin'avait fait qu'accélérer et grossir les exigences hitlériennes.

Les dirigeants français montraient enfin qu'ils avaient pris consciencede la gravité de l'entreprise hitlérienne de conquête, d'asservissement et d'extermination, et qu'ils refusaient de la laisser sedévelopper. HENRI MICHEL Le Monde du 29 août 1979. »

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