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La pluralité des philosophies est-elle un argument contre les philosophes ?

Publié le 08/10/2005

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Avant d'analyser précisément le sujet, il est utile de savoir qu'il renvoie à un argument fameux dans l'histoire de la philosophie, à savoir le premier trope d'Agrippa, philosophe sceptique de l'Antiquité. Cet argument, énonce que la pluralité des écoles philosophiques et de leur dogmes, et surtout les contradictions qu'il y a entre eux, est un argument contre la prétention de la philosophie à accéder à la vérité. Cette trope d'Agrippa est la première d'une série d'arguments qui constituent l'un des premiers manifestes du scepticisme contre le dogmatisme des écoles philsophiques.

Le sujet proposé repose sur une thèse implicite qui est celle du but du travail philosophique. En effet, si la pluralité évoquée peut être un argument contre les philosophes, c'est dans la mesure où elle contredit et, de là, invalide la prétention de ces derniers à produire certains discours, les discours vrais. Le philosophe est en effet celui qui s'efforce d'énoncer des vérités, c'est-à-dire des propositions en adéqauqation avec les choses qu'elles visent. Cependant, pour se distinguer de la simple opinion, qui peut aussi dire, fortuitement, le vrai, la vérité que cherche à atteindre le philosophe doit être prouvée rationnellement. La preuve, qu'elle soit logique ou expérimentale est ainsi capitale dans l'activité du philosophe car elle lui permet d'énoncer une proposition proprement vraie, c'est-à-dire nécessaire (qui ne peut pas ne pas être), voire universelle (qui vaut pour tous les êtres visés).

Dès lors, il est facile de voir en quoi la pluralité des philsophies pose problème. Cette dernière, qui se manifeste d'ailleurs souvent dans des conflits met en effet à mal le caractère de nécessité et d'universalité visé dans leur discours.

Plus qu'un argument contre la qualité des philsophes, il s'agit d'un argument contre la prétention même de ces derniers à atteindre le vrai qui, s'il doit être nécessaire et universel, ne saurait tolérer des énonciations multiles, voire contradictoires, entre elles.

Le scepticisme, qui prétend ainsi rester dans le doute quant à ce qu'il énonce opère donc d'abord un travail négatif en mettant en question la tâche même que s'assignent les philsophes et surtout leur certitude dogmatique d'être dans le vrai.

 

Le sujet présente cependant un paradoxe qu'il est indispensable de souligner. En effet, énoncer un argument, c'est énoncer une proposition reposant sur un système de preuves et donc, se fondant elle-même sur un modèle de l'énoncé vrai. Dès lors, prononcer un argument contre les philosophes reviendrait à philosopher soi-même! Le sujet invite ainsi à nous questionner sur la possibilité de critiquer la prétention à la vérité sans se placer sous la coupe de cette dernière.

 

Ces problématiques sont soulevées par le sujet, et ce dernier implique que l'on traite de l'opposition des doctrines philsophiques, voire de leur contradiction.

Cependant, il faudra prende garde à ne pas perdre de vue les termes mêmes employés dans l'énoncé. Ainsi, le terme employé n'est pas opposition mais pluralité, qui est plus large et qui invite à une réflexion sur la question de l'énoncé qui se dit vrai, en tant qu'il reste toujours ancré dans une temporalité et dans la particularité des sujets qui l'énoncent.

Il s'agira donc de s'intéresser à la tension irréductible entre le caractère nécessaire de la chose visée et le caractère historique et particulier de l'acte de connaissance, entre les deux termes de l'adéquation qu'est la vérité, le terme de la chose et celui de l'énoncé qui la vise, et, donc, de l'énonciateur.

Le philosophe est peut-être toujours voué à cette pluralité qui est la marque de sa finitude.

Cependant, comme nous l'avons noté, on ne saurait faire de ce constat un argument contre l'activité philosophique sans se contredire soi-même.

Pour sortir de l'aporie, le sujet semble lui-même indiquer une voie qui s'exprime dans ce terme de "philoosophes”. Le sujet ne parle pas en effet d'”argument contre la philosophie” mais "contre les philosophes”, particuliers, ancrés dans l'instabilité de l'histoire et la particularité de leur subjectivité mais aussi acteursd'une pensée nécessairement historique et "dialogale”.

Loin de voir ici la seule marque d'une finitude ne peut-on pas au contraire y lire une des caractéristiques de la philosophie? La pluralité mentionnée ne doit-elle pas être comprise comme diversité comme ouverture à la di-scussion, au dia-logue, qui restent les modes d'expressions constitutifs et indépassables d'une philosophie consciente de ses limites et critique envers elle-même?

Cette diversité des philosophies, loin d'être un argument (contradictoire) contre les philosophes, serait au contraire la preuve de leur activité critique et lucide.

 

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