La Vérité est-elle une et indivisible ?

La vérité se donne comme valeur essentielle aux sens multiples ; au sens commun, nous savons que la vérité est préférable à l'erreur ; au sens scientifique, une théorie fausse est une aberration ; au sens moral, celui qui ment détruit du même coup le fondement de la promesse et de la parole donnée. La vérité n'est pas une chose ou un objet, mais un rapport de conformité du discours avec la réalité. Quel que soit le domaine où on la rencontre, la vérité est adaequatio rei et intellectus , soit l'adéquation de la chose et de l'esprit. Cependant, il est clair que l'esprit et la chose à laquelle il s'applique ne sont pas deux réalités entièrement distinctes. D'un autre côté, l'histoire de la culture humaine nous montre que la "vérité" de ses représentations du monde s'est considérablement modifiée au fil des âges. La philosophie est apparue historiquement en Grèce, au vire siècle av. J.C., comme discours rationnel contestant la véracité des légendes et des mythes. L'histoire humaine est faite de ruptures avec l'ordre d'antan : elle exprime de nouvelles exigences qui satisfont mieux l'esprit. La Vérité une et indivisible peut être posée comme un horizon idéal vers lequel nous focalisons nos aspirations. Mais nous ne progressons qu'à l'aide de vérités partielles et multiples, qui tantôt s'additionnent, tantôt s'annulent, mais dont la somme constitue notre patrimoine. Nietzsche, enfin, a dressé une critique de la vérité en montrant qu'elle reposait sur la volonté de ne pas se tromper, ni de tromper les autres. Cette volonté suppose que la ruse, la précaution, la méfiance absolue offrent plus d'avantages qu'une absolue confiance dans l'existence.