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La voie de fait est-elle encore aujourd'hui protectrice des libertés fondamentales?

Publié le 05/12/2010

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Les origines de la voie de fait sont très anciennes. Elles remontent à l’Ancien Régime. La notion de voie de fait est apparue avec l’article 75 de la Constitution du 22 Frimaire de l’an VIII, qui dispose que «les agents du gouvernement, autre que les ministres, ne peuvent être poursuivis pour des faits relatifs à leurs fonctions, qu’en vertu d’une décision du conseil d’Etat«. Cependant, en cas de faute lourde et personnelle d’un des fonctionnaires, il n’y avait pas lieu d’appliquer l’article 75, car on était en présence d’une voie de fait.

La seconde période apparaît quand la notion de voie de fait se transforme en une « théorie autonome«, suite à l’abrogation de l’article 75 de la constitution de l’an VIII en 1870.

Ensuite, après l’affaire Action Française du 8 avril 1935 par le Tribunal des conflits, il va y avoir un fort mouvement jurisprudentiel, ce qui va nous donner la forme actuelle de la voie de fait.

Aujourd’hui, la voie de fait correspond à une atteinte grave de l’administration au droit de propriétés ou aux libertés fondamentales. On distingue deux types de voie de fait. Soit c’est une décision qui est constitutive de voie de fait, on parle alors de voie de fait par manque de droit, soit c’est l’exécution irrégulière d’une décision qui est en cause, c’est une voie de fait par manque de procédure.

Lorsqu’un acte de l’administration est entaché d’irrégularité exceptionnelles, il fait l’objet d’une dénaturation. Il ne peut plus être considéré comme étant rattaché à la compétence administrative, c’est donc le juge judiciaire qui devient compétent pour connaître de cette irrégularité, car il est le gardien des libertés fondamentales. Ce sont des libertés essentielles et spécialement protégées par la Constitution ou par la loi, par exemple la liberté d'aller et venir, la liberté de conscience et des cultes, la liberté de la presse …

Cependant, depuis la loi du 30 juin 2000, sont apparus de nouveaux procédés appartenant au juge administratif, qui vise à remplacer la voie de fait. C’est par exemple le référé liberté.

Nous pouvons donc nous demander si la voie de fait est devenue caduque.

Pour y répondre, nous nous intéresseront à la remise en cause du rôle de la voie de fait (I), puis nous verrons que cette remise en cause n’est pas totale (II).

 

I- La remise en cause de l’utilité de la voie de fait dans son rôle de protection des libertés fondamentales

 

Avant d’étudier cette remise en cause, il est important de constater que jusqu’aujourd’hui, c’est le juge judiciaire qui est compétent en matière de libertés fondamentales (A). Nous verrons par la suite que la compétence du juge judiciaire n’est pas exclusive, et que le juge administratif dispose maintenant de moyens efficaces pour protéger les droits et libertés (B).

 

A)  Le juge judiciaire: gardien du respect des libertés fondamentales

 

Lorsqu’il y a voie de fait, ce sont les juge judiciaire qui deviennent compétent pour connaître de ces irrégularités. Ce sont deux textes fondamentaux (1), qui donne aux juges judiciaire ses compétences (2).

 

1) Des textes consacrent la compétence du juge judiciaire.

 

a) L’article 66 de la Constitution du 4 octobre 1958

 

Cet article se situe dans le titre VIII qui est consacré à l’autorité judiciaire. Il est considéré comme l’une des dispositions majeurs en matière de droit fondamentaux. Il dispose que «l’autorité judiciaire gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi«. Cependant, son utilisation a longtemps été critiqué par la doctrine. De ce fait, le Conseil constitutionnel a du revenir sur sa jurisprudence, et réduire son champs d’application.

 

b) L’article 136 du code de procédure pénal

 

Le nouveau code de procédure pénale contient dans son article 136 des dispositions, qui indiquent que «(…) dans tous les cas d’atteinte à la liberté individuelle, le conflit ne peut jamais être élevé par le tribunal administratif, et les tribunaux de l’ordre judiciaire sont toujours exclusivement compétents.«

L’article 136 ne donne pas au juge judicaire la compétence ni pour se prononcer sur les actes administratifs, ni pour interpréter les décisions administratives individuelles.

C’est en matière de responsabilité que l’article 136 du code de procédure pénale donne compétence au juge judiciaire.

 

2) Les compétences du juge judiciaire

 

Grâce à ces textes, les tribunaux administratifs ont donc une grande compétence pour juger des irrégularités de l’administration. Nous verrons donc que c’est à eux d’apprécier le caractère grave et illégal d’un acte administratif (a), et qu’ils ont la compétence de faire cesser ou réparer la voie de fait (b)

 

a) L’appréciation de la gravité et de l’irrégularité

 

En matière de voie de fait, le juge judiciaire a compétence pour établir la voie de fait. Il peut donc lui-même apprécier l’irrégularité manifeste des décisions et opérations qui sont constitutives de voie de fait. Il peut donc non seulement apprécier la régularité d’un acte réglementaire, mais aussi la légalité des décisions individuelles.

 

b) Compétence de faire cesser, ou de réparer la voie de fait.

 

Les tribunaux judiciaire sont également compétent pour faire cesser et réparer la voie de fait, en condamnant l’administration à des dommages et intérêt. Ce sont des moyens efficaces dont dispose le juge judiciaire pour contraindre l’administration. De plus, le Tribunal des Conflits a accepté que le juge administratif condamne l’administration à des astreintes, et la jurisprudence a admis que le juge judiciaire puisse adresser des injonctions à l’administration.

 

Le juge judiciaire dispose donc de nombreux moyens pour  juger la voie de fait. Cependant, pendant longtemps, il  a «abusé« de la notion de la voie de fait, en ayant  pour habitudes d’étendre la notion et de l’utiliser « à tort et à travers«.

En effet, le juge judiciaire a eu tendance a assimilé illégalité grave et voie de fait.

C’est en partie pourquoi, de nouveaux moyens qui «concurrencent« la voie de fait sont apparus.

 

B) Le juge administratif dispose de moyens efficaces pour protéger les droits et libertés.

 

A cause de l’abus de voie de fait par le juge judiciaire, une restriction de la notion de voie de fait a eu lieu en 1997. De plus, le juge administratif dispose de nouveaux procédés. Depuis le 8 février 1995, le juge administratif dispose d'un pouvoir d'injonction, et depuis le 30 juin 2000, il d

 

1) Le référé liberté

 

Le référé liberté est une innovation de la loi du 30 juin 2000, qui est définie à l’article 521-2 du Code de justice Administrative. Cette procédure autonome permet à toute personne qui y a intérêt de saisir le juge des référés afin d’obtenir de celui-ci toute mesure nécessaire à la sauvegarde d’une liberté fondamentale dès lors que l’administration, dans l’exercice de l’un de ses pouvoirs, a porté à cette liberté une atteinte grave et manifestement illégale. Son objet est uniquement de protéger une liberté fondamentale («saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toute mesure nécessaire à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de 48h«: art. 521-2 Code de Justice Administrative).

 

2) Le référé suspension

 

Le référé suspension, qui était anciennement «sursis à exécution« est prévue à l’article 521’1 du Code de justice Administrative. Il permet à une personne qui y a intérêt de demander au juge des référés, s’il y a urgence, la suspension de l’exécution d’un acte administratif dont il demande parallèlement l’annulation au tribunal («quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision«: art. 521-1 Code de Justice Administrative).

 

II- Une remise en cause à relativiser

 

Dans cette seconde partie, nous verrons que la remise en cause de la voie de fait aujourd’hui n’est pas totale. En effet, même si le juge administratif dispose de moyens efficaces, ceux-ci ont un champ d’application différent, et des conditions spéciales sont requises pour la mise en place des référés suspension et liberté, ce qui laisse une marge de manouvre pour le juge judiciaire (A). Ensuite, nous verrons que la Jurisprudence actuelle réaffirme l’utilité de la voie de fait (B).

 

A) Des conditions spéciales, requises pour la mise en œuvre des référés.

 

Il existe plusieurs conditions relatives au référé liberté (1) et au référé suspension (2)

 

1) Conditions relatives au référés libertés

 

Certaines conditions doivent être remplies pour pouvoir invoquer un référé liberté. Il y en a quatre:

Il faut tout d’abord être en présence d’une liberté fondamentale, que cette liberté soit l’objet d’une atteinte grave, que cette atteinte soit manifestement illégale, et qu’il y ait une situation d’urgence.

 

2) Conditions relatives au référé suspension

 

Quatre conditions doivent être remplies: Il faut un intérêt à agir, qu’un recours en annulation soit parallèlement introduit, qu’il y ait une urgence à statuer, et qu’il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée. Si les conditions sont remplies, le juge des référés se prononce dans les meilleurs délais (souvent dans les 10 jours); s’il suspend la décision, elle cessera de produire ses effets jusqu’au moment où le tribunal statuera sur le fond. On peut suspendre une décision comme un refus.

 

Toutes ces conditions nécessaire à la mise en place des référés, constituent une contrainte. De plus, la voie de fait reste encore une théorie qui est utilisé, car le champ d'application des référé et de la voie de fait est différente.

 

B) La voie de fait reste malgré tout utile à la protection des libertés.

 

1) Les décisions prisent ne peuvent se rattacher à un pouvoir administratif

 

Comme nous l'avons vu précédement, lorsque l'administration commet une faute grave et illégale portant atteinte aux libertés fondamentales, on assiste à une dénaturation de son acte. Ce n'est plus un acte qui se rattache à l'administration, mais qui revient au gardien des libertés fondamentales, le juge judiciaire. Il est donc normal que ces décisions ne se rattachent pas à l'administration, et que ce soit les tribunaux judiciaire qui soient compétents.

 

2) La réaffirmation de la Jurisprudence sur l'utilité de la voie de fait

 

Depuis l'arrêt Action Française de 1935, le jurisprudence ne cesse de réaffirmer l'utilité de la voie de fait. Même depuis l'entrée en vigueur des différents référés libertés, la jurisprudence a maintenu sa position. On le constate tout d'abord par un arrêt rendu le 11 juin 2001 par la Cour de Cassation, Elle énonce que : «la rétention du demandeur ne peut être rattachée à l'exercice d'un quelconque pouvoir appartenant à l'administration et constitue une voie de fait comme ayant porté une atteinte grave à la liberté fondamentale d'aller et venir de l'intéressé. En conséquence, la cour est compétente pour en connaître.«

Ensuite, la jurisprudence s'est définitivement fixée sur une définition avec une décision rendu par le Tribunal des conflits, Mlle Mohamed, le 19 novembre 2001 : «lorsque l’administration, soit a procédé à l’exécution dans des conditions irrégulières d’une décision même régulière, portant une atteinte grave au droit de propriété ou à une liberté fondamentale, soit a pris une décision ayant l’un ou l’autre de ces effets si cette décision est manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir appartenant à l’administration«.

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