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L'Assommoir, La Déchéance De Gervaise

Publié le 26/09/2010

Extrait du document

 

Éléments d’introduction et contexte : 

 Zola : 

      C’est un naturaliste : il prône la peinture des êtres et de la   société avec les méthodes utilisées dans les sciences naturelles   : observation sur le terrain, exactitude, refus de l’interprétation   hâtive non fondée. Rejetant totalement les principes romantiques,   le romancier vérifie ainsi expérimentalement dans ses romans   le rôle des déterminismes sociaux et biologiques sur l’individu   et le groupe. C’est ce mouvement qu’il applique dans sa série   des « Rougon-Macquart «    

L’assommoir : 

   7ème volume des « Rougon-Macquart « mais le premier qui ait « l’odeur du peuple « pour Zola 

      A travers le destin de Gervaise Macquart, qui a suivi son amant le chapelier Auguste Lantier à Paris avec ses deux enfants Claude et Étienne avant d’épouser un ouvrier zingueur, Coupeau, l’écrivain restitue la langue et les mœurs des ouvriers, tout en montrant les ravages dus à la misère et à l’alcoolisme. 

La déchéance de Gervaise : 

 - L’extrait que je vais étudier se situe vers la fin du roman, lorsque, usé par l’alcool, le couple s’est enfoncé dans une misère et une violence de plus en plus grande. Le texte décrit le quotidien de Gervaise, en famine, saleté et moqueries. 

 Les procédés rhétoriques et leur interprétation : 

Procédés

Interprétations

Métaphore initiale au passé simple : « elle s’avachit «

Constat, résumé de tout le texte, son corps, son esprit, sa personnalité, tout se dégrade, comme un avachissement général

«chacun des abadons croissants de la misère et de la paresse «

Rappel de l’objectif de Zola, décrire cet anéantissement total

Imparfait « manquait «, « devenait «, « voulait «…

Décrire précisément les manifestations de cet avachissement

Registre de langue familier : « jacassait «, « piaulaient «, « dèche «, « salauds «, « la grande tétasse «

Pour mieux coller à son projet et illustrer le langage ouvrier, le langage du peuple, celui de Gervaise

« elle voulait sauver son lard « (c’est ce qu’elle se dit lorsqu’elle a une tâche à accomplir) & « Et puis zut ! « (c’est ce qu’elle doit se murmurer après être passée devant les Lorilleux)

Certaines phrases peuvent être comprises comme les siennes, rapportées au discours indirect libre

CL de la saleté, du manque d’hygiène : « ça pouvait bien rester par terre «,  « ne donnait plus un coup de balai que lorsque les ordures manquaient de la faire tomber «, « l’épaisseur de la poussière «, « assiettes sales «, « guenilles dégoûtantes «

Tout est passé au crible de la description, avec des termes variés et explicites qui créent un tableau repoussant dans l’esprit du lecteur, visualisant tout cette crasse amoncelée

CL de la famine : « tout petit morceau de pain qu’elle rapportait sous son tablier «, « les jours où elle dansait devant le buffet «, « la mauvaise nourriture qui lui vidait la peau «

Dresse un portrait pathétique de Gervaise, en train de mourir de faim

Antithèse entre le pluriel des « provisions « et le singulier hyperbolique du « tout petit morceau de pain «

Souligne la misère de Gervaise

Récurrence du terme « misère «

Renforce le CL de la famine

CL de la paresse : « sauver son lard «, « les côtes lui poussaient en long «, « paresse «, « rester en tas, tourner ses pouces «

Gervaise semble privée de volonté d’agir, de s’en sortir et, pire, elle paraît trouver confortable ce laisser aller, se complaire dans l’inaction ou alors « bouger quand il s’agissait de prendre du bon temps, pas davantage «.  Elle agit d’ailleurs en conformité avec ce laissé aller puisqu’elle « manquait l’atelier plus souvent «  détail qui indique qu’elle s’expose à une plus grande misère encore si elle perd son emploi

Comparaison : « molle comme une chiffe à la besogne «

Symbolise très explicitement son évolution vers la chose, sa déshumanisation progressive vers l’objet

CL de la surveillance : « guettaient «, « calculaient «, « savaient « + CL de la médisance : « se régalaient de potins «, « « langues de vipère «, « en train de l’appeler «, « les commentaires «

Met en évidence à quel point Gervaise est épiée et jugée, moquée, constamment, sans répit. Sa déchéance aurait pu rester discrète et elle aurait conservée sa dignité mais la présence malfaisante de ce couple lui ôte même cette dernière parcelle d’humanité, la dignité !

Discours indirect libre pour rapporter au détail près les paroles des Lorieux sur Gervaise : « Quelle dèche, quel décatissage, mes amis ! « ou « voilà où menaient l’amour de la fripe, les lichades et les gueuletons « ou « Dieu de Dieu «

Donne l’impression que ces personnages s’expriment en direct, apporte de la vie au texte et un effet de réel indéniable. Le lecteur a l’impression d’entendre ce couple parler et médire. D’ailleurs, pour renforcer cette impression, Zola emploie aussi le discours indirect : « une vraie poison disaient-ils «

Hyperboles : « ronronner la journée entière « et « s’en occupaient du matin au soir «

Insistent sur l’absence de paix et de tranquillité de Gervaise, soumise à leur fiel, matin et soir

Antiphrase ironique «des bons cœurs, des voisins obligeants !«

Résume toute l’attitude mesquine, cruelle et moqueuse de ce couple, ce que Gervaise résumera à son tour dans une expression plus fleurie : « ces salauds «

Enumération : « du feu, ou une pincée de sel, ou une carafe d’eau «

Fait la liste des très menus services, presque pas coûteux mais essentiels, qu’ils n’accordent même pas pour souligner la sécheresse absolue de leur cœur

Métaphores animales : « langues de vipère «, « mordre le monde à pleine dents «

Installent également les Lorieux comme des prédateurs, à l’affût de la faiblesse d’autrui, sources de danger

 

 Texte : Et Gervaise tint parole. Elle s'avachit encore ; elle manquait l'atelier plus souvent, jacassait des journées entières, devenait molle comme une chiffe à la besogne. Quand une chose lui tombait des mains, ça pouvait bien rester par terre, ce n'était pas elle qui se serait baissée pour la ramasser. Les côtes lui poussaient en long. Elle voulait sauver son lard. Elle en prenait à son aise et ne donnait plus un coup de balai que lorsque les ordures manquaient de la faire tomber. Les Lorilleux, maintenant, affectaient de se boucher le nez, en passant devant sa chambre ; une vraie poison, disaient-ils. Eux, vivaient en sournois, au fond du corridor, se garant de toutes ces misères qui piaulaient dans ce coin de la maison, s'enfermant pour ne pas avoir à prêter des pièces de vingt sous. Oh ! des bons coeurs, des voisins joliment obligeants ! oui, c'était le chat ! On n'avait qu'à frapper et à demander du feu, ou une pincée de sel, ou une carafe d'eau, on était sûr de recevoir tout de suite la porte sur le nez. Avec ça, des langues de vipère. Ils criaient qu’ils ne s'occupaient jamais des autres, quand il était question de secourir leur prochain ; mais ils s'en occupaient du matin au soir, dès qu'il s'agissait de mordre le monde à belles dents. Le verrou poussé, une couverture accrochée pour boucher les fentes et le trou de la serrure, ils se régalaient de potins, sans quitter leurs fils d'or une seconde. La dégringolade de la Banban surtout les faisait ronronner la journée entière, comme des matous qu'on caresse. Quelle dèche, quel décatissage, mes amis ! Ils la guettaient aller aux provisions et rigolaient du tout petit morceau de pain qu'elle rapportait sous son tablier. Ils calculaient les jours où elle dansait devant le buffet. Ils savaient, chez elle, l'épaisseur de la poussière, le nombre d'assiettes sales laissées en plan, chacun des abandons croissants de la misère et de la paresse. Et ses toilettes donc, des guenilles dégoûtantes qu'une chiffonnière n'aurait pas ramassées ! Dieu de Dieu ! il pleuvait drôlement sur sa mercerie, à cette belle blonde, cette cato qui tortillait tant son derrière, autrefois, dans sa belle boutique bleue. Voilà où menaient l'amour de la fripe, les lichades et les gueuletons. Gervaise, qui se doutait de la façon dont ils l'arrangeaient, ôtait ses souliers, collait son oreille contre leur porte ; mais la couverture l'empêchait d'entendre. Elle les surprit seulement un jour en train de l'appeler "la grand-tétasse", parce que sans doute son devant de gilet était un peu fort, malgré la mauvaise nourriture qui lui vidait la peau. D'ailleurs, elle les avait quelque part ; elle continuait à leur parler, pour éviter les commentaires, n'attendant de ces salauds que des avanies, mais n'ayant même plus la force de leur répondre, et de les lâcher là comme un paquet de sottises. Et puis, zut ! elle demandait son plaisir, rester en tas, tourner ses pouces, bouger quand il s'agissait de prendre du bon temps, pas davantage.

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