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Le Mariage Du Figaro - les rapports entre la Comtesse et Suzanne

Publié le 30/07/2010

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mariage

- La Comtesse est identifiée à ses qualités morales : c'est "la plus vertueuse des femmes... Un modèle de vertu, l'exemple de son sexe et l'amour du nôtre.... Un caractère aimable et vertueux".L'éloge dithyrambique participe à la mise en place de l'image de la femme victime du libertinage de son mari. Elle est un personnage diamétralement opposé à son mari. "Noble et belle mais imposante"(I,7) selon Chérubin, elle est consciente des défauts du Comte et en souffre. "Il ne m'aime plus" (II,1) confie-t-elle à Suzanne et la solitude à laquelle elle est contrainte lui pèse : "je ne suis plus la Rosine que vous avez tant poursuivie ! Je suis la pauvre comtesse Almaviva ; la triste femme délaissée, que vous n'aimez plus". La distance entre le prénom et la patronyme est ici éloquente : la jeune fille aimée et arrachée à un vieux tuteur jaloux ( Bartholo) dans "le Barbier de Séville" n'est plus qu'un être social condamné à assurer un rôle : celui de la femme trompée. Vertueuse, elle reste néanmoins fidèle à ce mari volage ( même si d'aucuns considèrent sa tendresse pour Chérubin plus importante qu'il n'y paraît) mais elle n'est pas résignée. Elle va tout faire pour reconquérir son mari et par là même sauver l'honneur du Comte. A l'école de Figaro, elle va , avec l'aide de Suzanne, élaborer une stratégie qui lui rendra son mari. Espiègle et ingénieuse Comtesse qui aura la joie d'entendre son mari lui demander pardon (II,19 ; V,19)    - Suzanne n'est pas une servante quelconque, elle est " spirituelle, adroite et rieuse ... mais non de cette catégorie presque effrontée de nos soubrettes corruptrices... Dans tout son rôle, il n'y a pas une phrase, pas un mot qui ne respire la sagesse et l'attachement à ses devoirs." Définie par Figaro, c'est "une charmante fille ! Toujours riante, verdissante, pleine de gaieté, d'esprit, d'amour et de délices ! mais sage..."(I,2) Ce portrait élogieux dicté par un amour sans borne corrobore celui de Beaumarchais et insiste sur la joie de vivre du personnage. Toutefois, Figaro lui reproche sa trop grande sagesse. De fait, Suzanne, très attachée aux traditions morales, garde les épanchements amoureux pour leur mariage et lorsque son fiancé lui demande "un petit baiser", elle refuse "[..] Et quand dirait mon mari demain ?" (I,1). Sauvegarder son honneur de jeune fille, sa dignité et son amour sont ses buts et c'est au nom de ces trois principes qu'elle refuse de céder au Comte malgré la promesse d'une dot conséquente : Suzanne ne se vend pas. Elle entretient avec Marceline des relations conflictuelles. La scène 5 de l'acte I met en présence les deux rivales et Suzanne persifle en traitant son aînée de "Duègne" (comprenez : vieille femme). Le jeu scénique des révérences ponctue ironiquement la querelle des deux femmes. Suzanne se laisse envahir par une colère jalouse lorsqu'elle voit Figaro embrasser Marceline (III,8 : quiproquo oblige, Suzanne ignore tout de la scène de reconnaissance) "Tu l'épouse à gré puisque tu la caresses". Personnage plein de bon sens et d'esprit, elle a le sens de la répartie. Au chantage du Comte elle répond par un autre chantage : "Point de mariage, point de droit du seigneur" (II,9). Lorsque le Comte lui demande de ne rien dire de ses intentions à Figaro elle détourne la réponse par une formule bien à propos : "Je lui dis tout hors ce qu'il faut taire."(III,19). Perspicace, dans la scène 8 de l'acte I, elle utilise "le gros fauteuil de malade" comme troisième lieu pour cacher Chérubin à l'arrivée du Comte. De même, à la scène 17 de l'acte II, sortant du cabinet à la place de Chérubin, elle sauve la Comtesse d'une situation qui lui était très défavorable. Sûre d'elle, elle n'hésite pas à se moquer des autres personnages en les contrefaisant. Ainsi se moque-t-elle de la timidité de Chérubin en présence de la Comtesse ( II,4) et traduit ses hésitations par des onomatopées péjoratives : " Et gnian, gnian, gnian, gnian...". Elle ridiculise la jalousie du Comte quand apparaissant devant lui elle dit : "Je le tuerai, je le tuerai. Tuez-le donc, ce méchant page."(III,17). Enfin, servante dévouée au service de la Comtesse, elle est une complice attachante qui ne recule devant rien (elle agira contre la volonté de Figaro) pour sauver l'amour de sa maîtresse pour son mari. (La relation maître /valet).    Relation : Dans la première scène de la pièce, Suzanne présente ses relations avec sa maîtresse sous le signe de la tendresse. En effet, elle rappelle à Figaro que la Comtesse veut être la première à la voir le jour de son mariage , sûrement pour lui prodiguer conseils et encouragements et en ce sens elle a presque le rôle de substitut de mère. L'acte II les réunit seules pour la première fois et la discussion qui les occupe témoigne de leur entière complicité et de leur affection réciproque. La Comtesse appelle Suzanne du diminutif affectif "Suzon", la camériste "n'[a] rien caché à Madame" quant aux propos que le comte lui a tenus, La Comtesse confie son désarroi "Il ne m'aime plus du tout" et affirme sa détermination à aider Suzanne à épouser Figaro ...je veux que tu épouses Figaro". Dés lors c'est une véritable alliance qui se conclue entre les deux femmes contre le mari et le maître. Elles vont jouer un rôle important et se révéler être, au fur et à mesure que la pièce progresse, bien meilleurs stratèges que Figaro. Tout d'abord, la Comtesse recommande d'agir sous les directives de Figaro : "Lui seul peut nous y aider" (II,1). Mais lorsque Figaro renonce à la stratégie du rendez-vous (IV,1), elle ordonne à Suzanne d'agir contre la volonté de son futur mari, pour l'aider à sauver son couple : "En me cédant ta place au jardin, tu n'y vas pas, mon cœur ; tu tiens parole à ton mari ; tu m'aides à ramener le mien."(IV,3). Dés lors, s'établit entre les deux femmes une complicité telle que, par le truchement du déguisement, la seule solution qui s'offre à elles est l'échange des identités : la frontière entre la maîtresse et la servante est abolie : le marquage social n'existe plus. Leurs échanges sont par moment semblables à ceux de deux "amies" : elles "chiffonnent" ensemble, elles jouent à déguiser Chérubin en fille, la Comtesse prête sa guitare à Suzanne pour qu'elle accompagne Chérubin dans sa romance ; lors de la cérémonie du mariage de Figaro et de Suzanne, elles échangent "des signes d'intelligence" (IV,9). Quand elles n'agissent pas ensemble, c'est tantôt la Comtesse qui agit en faveur de Suzanne, tantôt l'inverse. Ainsi, à la scène 13 de l'acte II, Suzanne tourne en dérision une situation qui aurait pu être dramatique de conséquences pour sa maîtresse lorsqu'elle prend la place de Chérubin dans le cabinet qui jouxte la chambre de la Comtesse après avoir pris soin de faire sauter le petit page par la fenêtre. Scène 24 de l'acte II, pour calmer la Comtesse qui craint que le Comte ne découvre Chérubin au château alors qu'il lui a donné l'ordre de partir, Suzanne va "recommander de le cacher si bien..." que personne ne pourra le découvrir. Scène 20 de l'acte II, la Comtesse presse son mari de célébrer le mariage de sa camériste : "Allons Monsieur le Comte, ils brûlent de s'unir ; leur impatience est naturelle ; Entrons pour la cérémonie". Ignorante de la scène de reconnaissance entre Marceline et Figaro, elle donne à Suzanne une dot pour qu'elle puisse s'acquitter des sommes dues par Figaro à Marceline et ainsi rendre impossible une union qu'elle réprouve.(III,17) ce qui provoque la colère du Comte : "au diable la maîtresse, il semble que tout conspire"(III,17). La Comtesse et Suzanne symbolisent l'entente parfaite possible entre le maître et le valet et forment un contrepoint sans équivoque au couple le Comte / Figaro. Beaumarchais s'écarte ainsi du schéma traditionnel de la relation conflictuelle dictée par la dépendance. Par ailleurs, si leur ingéniosité a triomphé de tous les pièges qui leur étaient tendus, c'est qu'elles étaient déterminées à sauver ce qui leur importe le plus : leur amour.

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