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LE NOEUD DE VIPÈRES (1932) ... Elle appuya sa main à mon bras.

Publié le 02/02/2013

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LE NOEUD DE VIPÈRES (1932) ... Elle appuya sa main à mon bras. Depuis combien d'années n'avait-elle pas fait ce geste ? L'allée débouche devant la maison, du côté du nord. Isa dit : Cazau ne range jamais les chaises du jardin. Je regardai machinalement. Les fauteuils vides formaient encore un cercle étroit. Ceux qui les avaient occupés avaient ressenti le besoin de les rapprocher pour se parler à voix basse. La terre était creusée par les talons. Partout, ces bouts de cigarette que fume Phili. L'ennemi avait campé là, cette nuit ; il avait tenu conseil sous les étoiles. Il avait parlé ici, chez moi, devant les arbres plantés par mon père, de m'interdire ou de m'enfermer. Dans un soir d'humilité, j'ai comparé mon coeur à un noeud de vipères. Non, non : le noeud de vipères est en dehors de moi ; elles sont sorties de moi et elles s'enroulaient, cette nuit, elle formaient un cercle hideux au bas du perron, et la terre porte encore leurs traces. Tu le retrouveras ton argent, Isa, pensais-je, ton argent que j'ai fait fructifier. Mais rien que cela, et pas autre chose. Et ces propriétés mêmes, je trouverai le joint pour qu'ils ne les aient pas. Je vendrai Calèse ; je vendrai les landes. Tout ce qui vient de ma famille ira à ce fils inconnu, à ce garçon avec qui, dès demain, j'aurai une entrevue. Quel qu'il soit, il ne vous connaît pas ; il n'a pas pris part à vos complots, il a été élevé loin de moi et ne peut pas me haïr ; ou s'il me hait, l'objet de sa haine est un être abstrait, sans rapport avec moi-même. Je me dégageai avec colère et gravis en hâte les marches de l'entrée, oubliant mon vieux coeur malade. Isa criait mon nom. Je ne me retournai même pas.

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