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Le Premier Homme Qui Passe Est Un Héros Suffisant

Publié le 30/09/2010

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INTRO :Autant de romans, autant de héros différents. Mais la tradition romanesque fait du héros le moteur de l’action, c’est lui qui dynamise le récit à travers ses aventures : il multiplie les rencontres, il incarne des valeurs, il représente l’écrivain lui-même, il prend l’apparence d’un homme exceptionnel, doté de qualités idéales, il évolue, il se transforme, il vit et meurt sous les yeux du lecteur ravi, étonné. Des romans de chevalerie au Hussard sur le toit de Giono, il semble en effet que le héros de roman est un être hors du commun qui accomplit un destin singulier. Mais nombreuses sont les oeuvres romanesques qui représentent des personnages plus proches du quotidien, plus familiers du lecteur. Crise de l’héroïsme : Zola écrit que « le premier homme qui passe est un héros suffisant «. On verra ainsi que la notion de héros évolue à travers l’histoire du roman, qu’aux héros magnifiques ont très vite répondu des héros ordinaires, avant que le roman ne cherche des voies nouvelles dans la remise en cause de la notion de personnage.

 

I : Le personnage du roman moderne à l’image de l’homme et de la société du XIX siècle :

 

1)      Le roman réaliste et naturaliste : miroir de la nature humaine.

Dès le milieu du XIX siècle et après la chute de l’empire, le genre romanesque est étroitement associé au contexte qui le voit naître :

Analyse détaillée et lucide de la société

Volonté de faire de la littérature l’application du Positivisme.

Avec la fresque des Rougon-Macquart, somme de vingt romans, Zola met en scène des personnages avec une lourde hérédité dans un milieu particulier (ouvrier, minier, bourgeois, etc.). L’écrivain selon lui doit appliquer à la lettre le principe scientifique d’objectivité afin de faire vivre à ses personnages les expériences de la vie quotidienne, en fonction de leur statut social, de leur profession, et des caractéristiques héréditaires.

 

2)      Les caractéristiques du personnage du roman moderne.

•         Le roman naturaliste " fatalement tue le héros ", observe Zola. En effet, il le tue au sens où le roman tel qu'il l'entend s'interdit les procédés qui recommandent traditionnellement le héros à l'attention du lecteur, c'est-à-dire que le lecteur ne doit pas admirer le héros pour ses vertus ou sno courage comme c’était le cas pour les romans d’éducation du XVII siècle. Refus du héros et refus du romanesque vont de pair.

De là, un affaiblissement des qualifications de ce héros. Il suffirait de mettre en parallèle l'énergie de Rastignac et de Frédéric Moreau (personnage principal de L'éducation sentimentale de Flaubert); ce dernier paraît morcelé, n'exister souvent que comme regard.

•         Il s'agit de combattre le lyrisme, quitte à céder le pas à la médiocrité. D'une part l'héroïsme romantique n’existe plus dans le roman moderne, d'autre part la prétention scientifique impose le fait qu’un héros n’est pas un être d’exception (sans moralité apparente).  Le personnage est donc un individu qui n’est pas intéressant dans sa singularité mais dans sa banalité, ses vices ou ses faiblesses, qu’elles soient héréditaires ou dues au poids social du milieu dans lequel il vit.( exemple typique : l’alcoolisme qui chez Zola est héréditaire ex : Gervaise)

 

3)      Fiction et réalité.

La fonction essentielle du roman moderne, qui passe d’abord par les caractéristiques des personnages, est avant tout d’apporter un témoignage historique et social, qui met en en évidence les interactions entre les milieux et les êtres. A travers cette recomposition fictive d’une époque et d’une société, le roman permet, comme en témoigne Maupassant par exemple au travers de son personnage Bel Ami, une analyse et une connaissance morale et psychologique. Le roman est avant tout un instrument de réflexion et de contestation.

 

II Les limites d’une telle conception sur le personnage de roman

 

1)      roman, société et histoire.

Au regard de la première partie, de telles ambitions et orientations naturalistes impliquent de ne rien cacher de la nature humaine. Ces romans mettent en scène les déviances sexuelles, le crime, la déchéance, et ont été rapidement jugées contraires à la morale.

•         Même s’il en s’agit pas d’un roman naturaliste, prendre pour exemple le procès intenté à Flaubert lors de la parution de Madame Bovary, roman jugé immoral en 1857.

•         Le tableau de Gustave Courbet «  L’origine du monde « est un manifeste naturaliste ( faire des recherches sur cette toile et montrer en quoi elle correspond aussi à la définition du roman naturaliste : objectivité, froideur, provocation).

 

2)      le romancier naturaliste est un observateur : pour autant, les réactions humaines sont-elles programmables ?

En revanche, les expériences que vit le personnage du roman naturaliste n’en reste pas moins des évènements fictifs (exemple ; L’œuvre de Zola, qui retrace au travers du personnage de Claude le destin de son ami et peintre Cézanne, est romancé). Car la littérature n’est pas une science, et elle ne peut pas programmer l’ensemble des réactions de la nature humaine. Cependant, l’expérience naturaliste de Zola a le pouvoir de métamorphoser le réel en lui conférant un statut de mythe exemple Paris dans La curée, les halles dans Le ventre de Paris.        

3)      le devenir du personnage du roman après le roman moderne : un anti-héros

Après Zola, le roman naturaliste et sa théorie n’a pas survécut. Son élève et disciple Huysmans dans A rebours par exemple mettre a mal la théorie du milieu en présentant un personnage décadent qui tentera et réussira à sortir de son milieu aristocrate, ce qui pour Zola à l’époque était une hérésie. L’homme ne survit pas selon lui au milieu qui l’a vu naître, malgré tous ses efforts.

Cette fatalité se retrouvera le siècle suivant sous une forme beaucoup plus violente, notamment dans le courant existentialiste ou bien absurde, exemple Camus, dans La chute ou encore L’étranger. L’absurde et l’incapacité du héros à changer son destin n’est pas sans rappeler la problématique liée aux personnages des tragédies classiques de Racine, qui étaient dans l’incapacité d’aller leur destin et de lutter contre les dieux. Le mysticisme classique est dans ce cas remplacé par l’incapacité des hommes à pouvoir communiquer avec les uns avec les autres.

Le « nouveau roman «, mouvement dont le chef de file fut Robbe-Grillet proposa quant à lui des anti-héros. L’intérêt de tels romans ne réside plus dans les actions ou les expériences du personnage, mais dans le déroulement de l’intrigue auquel justement le personnage n’a plus aucune prise ou emprise.

 

Conclusion :

 

La formule de Zola pour définir le personnage romanesque correspond en effet à la définition du héros de roman dès la moitié du XIX. Mais cette conception s’étiolera en même temps que le roman naturaliste sera oublié et transgressé par d’autres codes qui régissent la société française en pleine mutation, souvent violente, depuis la révolution industrielle. (L’impact des deux guerres mondiales a été fulgurant).

 

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