Devoir de Philosophie

Le Premier Portrait De La Princesse De Clèves: Commentaire Rédigé

Publié le 16/01/2011

Extrait du document

Madame de Lafayette, La Princesse de Clèves.

 

1er portrait de la Princesse.                                                     Lecture analytique (commentaire)

 

I. La construction du 1er portrait de la Princesse : comment est-elle présentée, quel est l’ordre de la description, qu’est-ce qui est dit d’elle, pourquoi, et en quoi peut-on dire qu’elle est le reflet d’une époque et d’un certain monde ?

II. Le discours de Mme de Chartres : comment ses paroles sont-elles rapportées, quelle est la conception de l’éducation qui est révélée par ces paroles, et quel portrait de la mère se dessine derrière cette présentation ?

III. Le monde de la Cour royale : comment la Princesse est-elle accueillie, quel effet provoque-t-elle, et en quoi peut-on dire que la Cour est décrite à la fois comme une scène de théâtre et comme une arène ?

 

Introduction : 

Phrase d’ouverture / présentation rapide du texte (mais lié à la suite de l’explication !!!) : titre, auteur, époque. Chef d’œuvre du roman de l’époque classique : langue riche et précise, et finesse d’analyse.

Situation : Il s’agit du début du roman ; mais le narrateur a déjà mis en place un tableau de la Cour comme lieu de raffinement mais également d’intrigues amoureuses, lieu aussi d’une grande violence, enfin lieu où chacun épie tout le monde et où la sphère intime et la sphère publique sont quasi superposées. C’est dans ce « monde « que Melle de Clèves est introduite par sa mère qui veut lui faire faire un grand mariage digne de son rang.

Pbq : Ce texte constitue un premier portrait de la Princesse qui contient en germe tous les enjeux du roman de l’intrigue de Cour et de lutte pour la sauvegarde de sa vertu.

Annonce du Plan : (I) Cet extrait est le 1er portrait du persg éponyme, moment attendu dans le roman ; (II) mais un second portrait lui est enchâssé, celui de Mme de Chartres, ce qui signale l’importance que revêtira la mère sur sa fille ; (III) car la Cour est en effet présentée comme dangereuse, où la Princesse de Clèves devient soudainement le centre de tous les regards.     et seule l’éducation sévère à la vertu qu’elle a reçue permet à la Princesse de Clèves de ne pas perdre son honneur.

 

I. La mécanique du portrait classique.

 

1. Portrait d’ensemble.

 

Cet extrait est la description d’une personne qui n’est pas nommée, sauf quelques lignes avant la fin : c’est le topos littéraire que tout lecteur attend : l’arrivée du personnage éponyme (qui donne son nom à l’œuvre) ; 2nde raison possible de cette ellipse : l’évidence de la beauté rend inutile de nommer d’abord le personnage ; mais l’ellipse nous rappelle aussi que l’individu à cette époque encore, et dans cette société n’existe pas individuellement mais par sa « race «, sa « gens «, son « sang «, sa généalogie.

 

On a ici une double présentation, dès la 1ère phrase : « beauté « et perfection. Répét° du nom « beauté « ; des hyperboles : « parfaite «, « tout le monde «, appuyées par l’intensif « si «.

Mais ce n’est qu’une qualification d’ensemble, on n’a pas encore de vraie « description «. 

Plusieurs étapes suivent : le nom  « maison « désigne la famille ; le personnage est une « héritière «. Elle est de la même famille qu’un persg qui a déjà été présenté au lecteur : le Vidame de Chartres (p.15 ; haute noblesse, persg prestigieux, commandant des troupes de l’évêque), qui constitue une sorte d’argument d’autorité.

La présentation passe ensuite à l’ « éducation « du personnage. C’est ce qui fait qu’elle constitue un excellent « parti «, que sa mère peut aspirer à lui faire faire un grd mariage. Ce n’est pas d’abord sa beauté qui en fait un bon parti ; ce n’est qu’un prestige supplémentaire. Toutefois, il ne faut pas oublier que la beauté, la finesse des traits est le reflet, à cette époque, de la finesse d’esprit et donc forcément (à cette époque !) de l’éducation et DONC de la « naissance « (cf voca de l’époque : gueux, vilain ; immonde / monde). Le visage est le miroir de l’âme :

Il constitue le dernier point de la présentation : tête, cheveux, visage : blancheur, clarté, lumière, « éclat « : mais l’éclat est aussi ou surtout une valeur morale : la pureté.

 

Conclusion du I 1 

Un portrait de l’époque classique : très ordonné ; d’abord un portrait d’ensemble puis une sorte de zoom avant ; mais avant de détailler le portrait, le narrateur évoque généalogie et éducation.

Le lecteur se trouve d’emblée face à un persg caractéristique de son milieu, mais qui surpasse en pureté tous ceux qui l’entourent.

 

2. Une éducation.

 

L’idéal humaniste du XVIème siècle invite à cultiver l’esprit, la beauté ainsi que la « vertu « (cf aussi Rabelais, Gargantua, l’Abbaye de Thélème ; le raffinement de la vie à la Cour au XVIème s. comme ds les Châteaux de la Loire). On en a la trace dans le vocabulaire de notre extrait  : « travailla «, « songea «, « rendre aimable «, et dans la syntaxe : « mais…pas seulement… aussi « : c’est le fruit d’efforts et d’une stratégie réfléchie.

Quelle est la principale question évoquée ici : peu de sincérité, tromperies, infidélité, malheurs domestiques (= au foyer). Il faut se méfier de l’amour et des hommes.

Méthode employée : au lieu d’éluder l’éducation sentimentale, on initie Melle de Clèves à la théorie : liberté et confiance réciproque de la mère et de la fille. L’objectif est de garder un comportement vertueux. Comment réussir : fuir la facilité, se méfier des autres et des plaisirs apparents, mais aussi faire preuve d’une « extrême défiance de soi-même « : pour cela, il faut donc être capable de s’analyser soi-même (roman d’analyse).

 

Les valeurs de l’époque et de Mme de Chartres sont le reflet de l’évolution des temps et des conceptions de l’homme (cf objet d’étude) : la « vertu « est à l’origine une valeur masculine (VIRTUS latine) : courage guerrier, honneur de la famille (cf Le Cid ou Horace de Corneille, début XVIIème s.), valeur par laquelle l’individu est au service du groupe, du clan, du collectif. Ici ces valeurs ont évolué ; certes selon Mme de Chartres, « la vertu « donne « éclat « et « élévation « donc ajoute à l’honneur de la famille (comme Le Cid), mais avant tout à son propre honneur, qui est en plus celui d’une femme : « une honnête femme « ; on pourrait faire le parallèle avec la notion d’ « honnête homme « au XVIIème qui signifie Homme d’honneur, celui qui possède la Vertu, qui est digne et qui est agréable aux autres.

 

Conclusion :

On voit donc que l’éducation qui est proposée à Melle est le reflet d’une époque en mutation : retour à un certain idéal de la Renaissance (d’où le déroulement sous Henri II) ; mais Mme de Lafayette écrit  sous Louis XIV : refus des valeurs masculines de la fin du XVIème et d’une partie du XVIIème siècles ; les notions de vertu, d’honnêteté, d’honneur sont retournées dans un sens à la fois plus intime et plus féminin. Or cette éduc° est dispensée par Madame de Chartres.

 

II. Mme de Chartres.

 

1. Les paroles de Mme de Chartres

 

Cet extrait qu’on a défini comme le portrait de Melle de Ch., est en réalité constitué d’une grde partie consacrée à l’action de sa mère.

Sa conception de l’éducation s’explique du fait  qu’elle sait ce qui attend sa fille à la Cour. 

On relève des paroles rapportées au Discours narrativisé (de « elle faisait svt à sa fille des peintures de l’amour « à la fin du §) : on n’a pas le détail, les paroles sont intégrées au récit, mais c’est bien Mme de Chartres qui s’adresse à sa fille : « montrait, persuader, contait, faisait voir «. Il s’agit de discours oraux à visée argumentative ; mais le Narrateur (= N.) emploie plutôt des verbes visuels que de déclaration : il s’agit de rendre ce qui est dit visible, concret, pour persuader ou convaincre ; c’est donc en même tps le N. qui cherche à convaincre son lecteur.

Mme de Chartres se présente ainsi comme un persg hors du commun.

 

2. le portrait de Mme de Chartres 

 

A l’intérieur du portrait de Melle de Ch., se trouve un 2nd portrait.

La hiérarchie respectée : elle n’est que la « femme « de M. de Chartres. Mais elle tient un rôle important, l’éducation de sa fille, comme il se doit à cette époque.

La partie qui lui est consacrée est importante en nbre de lignes. Nbreux pronoms personnels « Elle «, verbes d’action.

L’exposition de sa théorie et de sa pratique éducatives est exprimée par une longue période, avec pts-virgules, paroles rapportées. 

Elle a été capable de s’éloigner pdt plusieurs années de la Cour, ce qui pourrait signifier tomber dans l’oubli, ne plus exister (cf lettres de Mme de Sévigné, de Bussy Rabutin) ; et elle l’a fait pour sa fille.

On voit donc qu’elle a une personnalité forte. Une personnalité exceptionnelle aussi, différentes des autres femmes : oppositions : « la plupart des mères « / « Mme de Chartres « ; « s’imaginent que « (modalisation du N.) / « une opinion opposée «.

On remarque aussi la présence du Narrateur : « elle lui contait le peu de sincérité des hommes «, « elle lui faisait voir aussi combien il est difficile « ; or c’est également du discours narrativisé : le N. s’associe donc à son persg, dans la même analyse, la même pensée ; pour faire à la fois un tableau de la Cour ET pour montrer l’importance du persg de Mme de Chartres.

Cette description met en valeur l’influence capitale de la mère sur la Princesse : « sous la conduite de «, « ne trouvait presque rien digne de sa fille «, « elle voulut la mener à la Cour «. Elles sont présentées comme 2 persgs inséparables : le portrait de la mère est  enchâssé ds celui de la Princesse. Elles sont liées. La mère est le soutien de sa fille.

 

Conclusion :

On a donc un double portrait : amour profond de la mère pour sa fille, mais aussi rôle crucial sur elle, même après sa mort. C’est à la fois grâce à la vertu qu’elle lui a enseignée mais aussi à la confiance qui s’est instaurée entre les deux personnages que la P. de Clèves va résister à la tentation, peut-être jusqu’à la démesure.

 

III. Le monde de la Cour.

 

1. Le récit d’une 1ère entrée à la Cour.

 

L’extrait commence par la 1ère indication de l’arrivée de la P. de Clèves. Puis le récit est suspendu par l’explicitation de ses origines. Le récit reprend ensuite 2 phrases avant la fin de l’extrait : « Lorsqu’elle arriva «. 

 

Elle est accueillie par le Vidame, qui va la prendre sous sa protection à la Cour. « Elle arriva « : elle est sujet du verbe : elle semble avoir déjà trouvé sa place, être acceptée, justement par ce qui a été dit précédemment.

 

Mais à son arrivée : « il parut «, « qui attira «, « c’était «. La P. de Clèves, qui n’a d’ailleurs encore pas vraiment de nom, n’est pas non plus le sujet des 1ers verbes ; on la voit de l’extérieur, elle est débutante ou novice, pas encore acceptée. Où se situe le N. ? : dans la Cour ; on voit son arrivée. N. omniscient ? Peut-être plutôt focalisation interne, mais par le regard de la foule.

 

Le vidame et tous les autres courtisans (« tt le monde «) sont frappés à son apparition. Grâce à son charme, sa grâce, sa beauté, résultat de tout ce qui a été dit dans le portrait (origines, éducation) ; le N. précise d’ailleurs que « l’on avait déjà proposé plusieurs mariages « ;  (transition) elle est accueillie, elle devient objet d’admiration, et donc objet de tous les regards.

 

2. L’œil de la Cour.

 

Le chp lexical du regard est omniprésent, y compris par des mots comme « peintures, éclat «. 

« Parut « : la Cour est comme une scène de théâtre, toute personne qui la côtoie est observée physiquement mais aussi passée au peigne fin de la généalogie : intérieur et extérieur.

De plus, on sait, par les pages précédentes, que la Cour est le lieu de la galanterie, des intrigues amoureuses.

Enfin le discours de Mme de Chartres nous a expliqué que les hommes sont infidèles.

Le lecteur est donc invité à comprendre que la Cour est  le lieu de tous les dangers : danger pour la vertu, puisque tout sera fait pour que l’on cède à la tentation ; danger pour l’honneur, car, comme chacun est scrutateur, le secret est presque impossible, les réputations peuvent vite être détruites.

 

L’arrivée de la P. de Clèves constitue donc un véritable danger pour elle, danger renforcé par sa beauté et ses qualités.

On voit bien l’objectif de Mme de Chartres qui a veillé à constituer une sorte de carapace à sa fille, avant même son intronisation dans ce milieu.

 

Conclusion III :

 

la P. de Clèves est jetée dans l’arène. Elle est d’ores et déjà perdue. Tous les éléments de l’intrigue se mettent ainsi déjà en place.

 

Conclusion : (bilan + montrer qu’on a bien suivi/respecté la Pbq)

Cet extrait, premier portrait du personnage éponyme, est aussi le portrait d’une pureté.

Mais il contient également un portrait indirect de sa mère, qui va avoir un rôle fondamental dans le roman.

La 1ère apparition du personnage de la Princesse à la Cour constitue le point de départ de l’intrigue, et le N. a savamment installé tous les ingrédients nécessaires à l’élaboration de ce destin quasi tragique.

Liens utiles