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Le roi se meurt - Ionesco

Publié le 22/02/2012

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Le thème central de la pièce est annoncé dans le titre : Le Roi se meurt, et le roi c'est chacun d'entre nous. Ionesco nous donne à voir le comportement et les manières habituelles du comportement de l'individu confronté à sa propre fin. On distingue schématiquement trois attitudes successives face à une vérité choquante : - la dénégation, la révolte et la résignation. Dans un premier temps, Bérenger Ier refuse d'admettre qu'il est à l'agonie. - Puis il se révolte, non seulement contre le caractère inéluctable de sa fin, mais aussi contre lui-même qui n'a pas su réfléchir à sa propre condition. - Dernier stade, la résignation qui ne peut intervenir qu'après un cheminement intellectuel. Inclusivement, c'est aussi une réflexion sur l'écoulement du temps et la décrépitude, ainsi que sur la perception du réel. On peut aussi voir trois sentiments successifs qui sont la surprise (ou étonnement marqué par la colère, l'énervement du souverain, son entêtement), l'impuissance qui amène logiquement le troisième : la peur (crainte du personnage désemparé). En conclusion, la mort est scandaleuse parce qu'on n'a pas pris le temps d'y penser. Le déroulement de la mort du roi dans un laps de temps aussi court fait à la fois ressortir l'absurde et donne toute sa force face à cette vérité ignorée et pourtant toujours présente, celle de la fin, jamais préparée, toujours repoussée alors qu'inéluctable. Elle est aussi représentée comme un spectacle, d'où le deuxième titre que Ionesco avait initialement choisi : La Cérémonie. Tout d'abord on y présente des personnages hors du commun, un roi et son entourage (personnages types des tragédies). Le roi règne depuis l'éternité sur un royaume imaginaire, soumis depuis peu à des catastrophes naturelles, à des guerres et à un rétrécissement de ses frontières. Le roi va mourir (d'où le titre de la pièce), il est alors confronté à son destin et, est victime d'une force qui le dépasse, infligeant une forme de terreur sur le lecteur. Il sait (le roi) qu'il va mourir dans peu de temps, ainsi une sorte de compte à rebours se déroule tout au long de la pièce (1H30), les personnages le lui rappellent sans arrêt (avec précision), donc il ne peut que s'y résigner et accepter sa mort. Ceci le fait souffrir énormément et inspire au lecteur un sentiment de pitié. Ionesco désacralise le personnage du roi de théâtre le pouvoir royal est ici tourné en dérision. On analysera ensuite l'ironie tragique présente dans ce texte. On verra d'abord à travers le décor, les personnages et l'annonce de la catastrophe, qu'il s'agit d'une scène d'exposition parodique. L'affrontement entre les deux reines, le délabrement et les dérèglements du royaume, les métaphores de la perte du pouvoir royal et l'attente de la mort dessinent la mise en place d'un univers tragique. La Mort qu'Ionesco nous donne en spectacle, est la seule expérience existentielle que tous les spectateurs sont sûrs de devoir vivre (dans un futur et des circonstances indéfinis) et ce partage crée des liens intenses (peut-être pour certains « élus » même cathartiques) de solidarité, de fraternité, et consacre une communion d'esprit, tout au long de la cérémonie. Le Roi se meurt est une oeuvre complexe, plurielle, qui « touche » individuellement et universellement. C'est une oeuvre qui pose des questions et nous confronte avec l'absurdité de la vie ; une oeuvre de réflexion, de révélation aussi, certainement pas d'explication. En classe, il convient de la traiter avec pudeur, mais aussi avec courage, afin de prémunir les élèves, sans pour autant les immuniser mentalement et moralement, contre le Doute, l'Angoisse et le Désespoir. Dans Le Roi se meurt, la fonction royale a effacé la fonction humaine de Bérenger ; deux personnages secondaires remplissent plusieurs fonctions : le médecin qui est chirurgien, bactériologue, bourreau, astrologue, et Juliette qui est femme de ménage, infirmière et confidente. Dans Le Roi se meurt, Ionesco dénonce la dissociation de « l'être et le paraître » en dissociant, dans certaines scènes, le fond et la forme. La « tirade du petit chat » en est l'exemple le plus évident : le Roi y évoque une anecdote triste sur un ton neutre, sans émotion aucune. Dans Le Roi se meurt, la lumière est signe de vie, de jeunesse, d'espoir ; elle disparaîtra à la fin pour ne laisser que la brume de la mort. Ci-dessous, l'invocation du soleil. LE ROI Comment m'y prendre ? On ne peut pas, ou on ne veut pas m'aider. Moi-même, je ne puis m'aider. O soleil, aide-moi, chasse l'ombre, empêche la nuit. Soleil, soleil éclaire toutes les tombes, entre dans tous les coins sombres et les trous et les recoins, pénètre en moi. Ah ! Mes pieds commencent à refroidir, viens me réchauffer, que tu entres dans mon corps, sous ma peau, dans mes yeux. Rallume leur lumière défaillante, que je voie, que je voie, que je voie. Soleil, soleil, me regretteras-tu ? Petit soleil, bon soleil, défends-moi. Dessèche et tue le monde entier s'il faut un petit sacrifice. Que tous meurent pourvu que je vive éternellement même tout seul dans le désert sans frontières. Je m'arrangerai avec la solitude. Je garderai le souvenir des autres, je les regretterai sincèrement. Je peux vivre dans l'immensité transparente du vide. Il vaut mieux regretter que d'être regretté. D'ailleurs, on ne l'est pas. Lumière des jours, au secours ! Dans Le Roi se meurt, l'apprentissage de la mort se fait en étapes successives et irréversibles. Le spectateur assiste en direct à l'agonie de Bérenger qui présente un aspect physique (la corporalité de l'être humain) et un aspect métaphysique (la spiritualité de l'être humain). C'est la reine Marguerite qui aidera le Roi à franchir le seuil vers la mort. Elle sera son guide. Dans Le Roi se meurt nous sommes confrontés à notre propre mort. Nous souffrons avec Bérenger de notre impuissance, de notre incapacité de refuser de mourir. La pièce est agressive, elle choque par ce tabou qu'elle ose transgresser : parler de la mort et l'exhiber sur scène. Dans Le Roi se meurt, ce sera surtout le personnage de Juliette qui illustre cette absurdité, par la scène où elle évoque ses tâches quotidiennes : laver le linge, vider les pots de chambre, frotter les parquets, bêcher, piocher, semer… Partie 1 : les signes avant-coureurs de la mort (p.11-29) • description didascalique du décor : un palais délabré• introduction et présentation des personnages (opposition des deux reines Marie et Marguerite) (le médecin et Juliette : chacun a un rôle, mais plusieurs fonctions)• signes extérieurs/cosmiques (planètes explosées - cycle des saisons déréglé) Partie 2 : la révélation (de sa mort) au Roi (p.29-51) • révélation (par la reine Marguerite)• annonce de la durée de l'agonie : une heure et demie (qui va correspondre avec la durée du spectacle) ? réaction émotionnelle du Roi ? appel à l'abdication/à l'acceptation morale et physique de la mort ? réflexions sur la vie (exprimées par la reine Marie) et sur la mort (exprimées par la reine Marguerite) Partie 3 : le chemin vers la résignation (p.51-81) • révolte du Roi• cérémonie dirigée par la reine Marguerite• angoisse/panique du Roi ? signes extérieurs de cette angoisse : * impossibilité d'un discours raisonné et articulé (cris, gémissements, hurlements) * impression d'étouffer/d'être enfermé dans le palais, dans la salle du trône, dans son propre corps * efforts pour rester debout/peur de tomber, de s'abandonner• regret du passé & illusion de l'espoir • égocentrisme du Roi (qui sacrifierait tout et tous pour se sauver lui-même) Partie 4 : le chemin vers le renoncement (p.81-96) • chutes du Roi (qui font penser aux chutes du Christ portant sa croix)• aggravation de la dégradation physique • perte de pouvoir et de contrôle (« vouloir » versus « pouvoir ») • (re)valorisation de la vie (dans ses moindres détails/thème de la nourriture : ce qui tient en vie)• adieu aux plaisirs de la vie Partie 5 : le chemin de l'agonie (p.96-137) • défaite de l'amour (de l'autre et des autres) face à la mort (seul l'amour de soi subsiste)• souvenir et oubli • parodie des éloges funèbres et des propos après-enterrement (où le défunt est présenté sous son meilleur jour)• assistance de la reine Marguerite qui va guider le Roi vers la mort• libération de toutes les « attaches » à la vie• disparition du monde cette pièce est un « drame » au sens originel du terme ; comment les 3 unités (temps, lieu, action) sont respectées ; comment le triangle des personnages du Roi, de la reine Marie et de la reine Marguerite sont « enrôlés » dans l'intrigue et rappellent les personnages des tragédies classiques. • Le Roi se meurt respecte les 3 unités L'unité de temps : tout se déroule en une heure et demie (durée du spectacle). Six fois, le Roi est informé de la progression du temps et, par conséquent, de l'approche de sa mort : Tu vas mourir dans une heure et demie, tu vas mourir à la fin du spectacle. (p.37) ; Tu vas mourir dans une heure vingt-cinq minutes. (p.50) ; Dans une heure vingt-quatre minutes quarante et une secondes. (p.51) ; Il ne vous reste qu'un peu plus d'une heure, Sire. (p.56) ; Il nous reste trente-deux minutes trente secondes. (p.86) ; Il te reste un quart d'heure. (p.129). L'unité de lieu : le drame se déroule dans la salle du trône, le « living-room » du Roi (choix ironique du terme : living-room signifiant littéralement « pièce où l'on vit » !). Les lieux qui entourent (concentriquement ?) la salle du trône sont évoqués dans le texte. Ces lieux reflètent symboliquement la mort prochaine du Roi : le palais qui se dégrade (fissures, chauffage en panne, toiles d'araignées partout), le royaume qui se meurt si (invasion des terres par la mer, vieillissement précoce de la population…), d'étranges phénomènes météorologiques et cosmiques qui semblent annoncer la fin du monde. L'unité d'action : le Roi se meurt. • Le triangle Bérenger - Marguerite - Marie Le Roi Bérenger est le personnage central autour duquel les autres s'activent. Il porte le prénom de Bérenger comme les héros de trois autres pièces d'Ionesco : Tueur sans gages (1959), Le Rhinocéros (1960) et Piéton de l'air (1963), ce qui fait parler certains critiques de la « tétralogie d'Ionesco ». Dans Le Roi se meurt, c'est l'individu qui

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