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Le Roman Est-Il Forcément Le Récit D'Une Vie ?

Publié le 30/09/2010

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Le roman connaît au XIXème siècle une fortune inégalée, plus précisément durant la période réaliste, comme si l'ancrage dans le réel était un élément constitutif du genre. Dampmartin, critique du XIXème siècle, s'interroge ainsi sur les rapports que le genre entretient avec les éléments historiques. Il voit dans le roman "l'histoire la vie privée" et lui oppose l'Histoire, consacrée à la "vie publique". Faut-il considérer que le genre romanesque s'attache essentiellement à des destins individuels, dont il dévoile l'intimité ? Ne pourrait-on envisager qu'il prenne une dimension plus collective, et qu'il dresse le tableau d'une époque ou d'un événement précis ? Nous montrerons tout d'abord que le roman retrace les destinées de ses héros. Nous verrons ensuite qu'il peut présenter un intérêt social, politique ou économique.

 

Le roman pourrait se définir comme le récit d'une vie : celle de l'auteur, dont la biographie apparaît parfois entre les lignes, mais aussi celle du héros, dont nous suivons l'évolution tout au long du texte.

 

Le roman prend parfois une dimension autobiographique. Sous le masque se dissimulent alors les traits de l'auteur. L'exemple des Illusions perdues est particulièrement révélateur. Les expériences de Lucien de Rubempré sont avant tout celles de Balzac. Nous trouvons trace de ses débuts littéraires avec des romans historiques,  L'Archer de Charles IX pour Lucien, L'Héritière de Birague et Clotilde de Lusignan pour Balzac. De même, les difficultés et les inventions de l'imprimeur David Séchard permettent à l'auteur d'accumuler les détails techniques liés à la fabrication du papier. Il aborde également des questions juridiques et financières liées à ses propres expériences d'imprimeur et de directeur de revue en faillite. En un sens, Les Illusions perdues mettent en scène les deux incarnations de Balzac, David et Lucien. Le roman s'enracine alors dans l'expérience de l'auteur et c'est sa vie même qui est la matière de l'intrigue.

 

Mais le héros que met en scène un romancier est aussi un individu à part entière, doté d'une expérience propre, d'un caractère et d'un destin qui n'appartiennent qu'à lui. Bien des oeuvres présentent ainsi la naissance et l'évolution vers l'âge adulte d'un

personnage dont le lecteur voit au fil des pages le caractère se faconner et s'affirmer. Le Père Goriot retrace en ce sens l'apprentissage de Rastgnac. L'étudiant perd progressivement sa naïveté au contact de ses amours, de la haute société parisienne et du mystérieux Vautrin, qui lui expose ses vues cyniques sur les moyens de parvenir. La mort de Goriot marque la fin de son enfance et lui fait répandre "ses dernières larmes de jeune homme". Dans bien des cas le roman s'intéresse à la formation et à l'initiation d'un individu et à son apprentissage des codes (sociaux, amoureux, esthétiques...) qui lui permettront d'accéder à la maturité.

 

Le genre romanesque apparaît donc comme le lieu où s'exprime de façon privilégiée l'épopée intime d'un personnage. Il retrace l'histoire d'un coeur humain, mais peut aussi se nourrir de l'Histoire officielle. Nous montrerons ainsi que l'ancrage dans la réalité historique donne plus de crédit à la fiction romanesque. Nous verrons ensuite que les romans peuvent constituer une source de documentation sociologiques et économiques.

 

La référence à l'Histoire à un moment précis permet de légitimer un texte romanesque et de lui donner la force du vrai. Ainsi, Le Rouge et le Noir présente un tableau de la France et des meurs politiques dans les dernières années de la Restauration. Il critique le régime hybride qui suit la Révolution de juillet. La Chartreuse de Parme donne lieu au récit de la bataille de Waterloo. Plus encore qu'un effet de réel, il s'agit pour Stendhal d'un outil qui révèle caractère de son héros au contact des événements. Surtout, la référence historique permet ici de décrire l'intérieur d'une bataille, telle que la vit un combattant. On voit donc que dans le roman l'Histoire peut parfois servir de décor mais elle est intériorisée pour servir l'intrigue et l'évolution des personnages.

 

Documentation sociologique  et économique : dans Le Rouge et le Noir, monde de l'aristocratie parisienne, de la noblesse de province, milieux ecclésiastiquess. Maupassant et les paysans normands, les préjugés bourgeois. Zola : finances et spéculations dans L'Argent, mineurs et grévistes dans Germinal. Le roman est bien selon le mot de Balzac "l'histoire des moeurs".

 

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