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Le siècle des totalitarismes.

Publié le 19/03/2013

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Le siècle des totalitarismes

Le totalitarisme est probablement le système politique qui a le plus marqué le xxe siècle du fait du nombre de personnes concernées, de la taille et de la puissance des États totalitaires, mais aussi de leur impact décisif sur l'histoire et en particulier sur le déclenchement des guerres. Les États totalitaires se caractérisent par une emprise totale du pouvoir politique sur tous les aspects de la vie d'une société. Ce sont des régimes dictatoriaux à parti unique où toute opposition est interdite et durement réprimée, le plus souvent par une police politique toute-puissante. Les libertés individuelles sont supprimées et la population est tenue sous contrôle non seulement par la terreur mais également par la censure et la propagande. L'économie, la culture, les loisirs sont également contrôlés par l'État, et son chef charismatique fait le plus souvent l'objet d'un culte de la personnalité. Ces États développent tous un projet de société autour d'une idéologie forte qui les pousse également à l'impérialisme (volonté de s'étendre par la conquête ou les alliances et de constituer un empire). Si l'on se réfère à cette définition, il y a eu trois États totalitaires au cours du xxe siècle : l'Italie fasciste de Mussolini (1922-1943), l'Allemagne nazie d'Hitler (1933-1945), et l'URSS de Staline (1922-1953). Pour l'URSS, les bases du régime totalitaire sont cependant jetées avant 1922, avec le gouvernement de Lénine, et la sortie du totalitarisme ne se fera que progressivement après la mort de Staline et jusqu'aux années 1980.  Comment de tels systèmes politiques ont-ils pu s'implanter dans des États aux origines anciennes et aux institutions en apparence solidement établies ? Il est clair qu'ils ont profité de réelles fragilités : de l'usure du tsarisme pour l'URSS et des difficultés et erreurs politiques nées de la fin de la Première Guerre mondiale pour l'Italie et l'Allemagne. Comme nous l'avons vu plus haut, ces régimes ont de réels points communs, mais aussi leurs spécificités propres. Mais tous se confronteront dans les années 1930 aux démocraties occidentales, du fait de leur nature même et de leurs idéologies qui les poussent à l'expansionnisme.

1. Les régimes totalitaires dans l'entre-deux-guerres : genèses, points communs et spécificités
La naissance des régimes totalitaires

La conquête du pouvoir par le fascisme en Italie

Entre 1918 et 1920, une importante crise morale, politique et sociale secoue l'Italie. Des usines sont occupées par les ouvriers à Milan et à Turin. La multiplication des mouvements sociaux oblige des patrons à fermer leurs entreprises. Mais dans certains cas les ouvriers décident de poursuivre la production en prenant les postes d'employés. On retrouve ce même mouvement dans les campagnes où des paysans sans terre occupent les grandes propriétés terriennes (les latifundias). Ces manifestations s'inspirent en partie des idées socialistes et du modèle bolchévique, mais elles sont également portées par d'anciens combattants de la Première Guerre mondiale qui, alors qu'ils ont consenti de gros sacrifices, n'ont pas retrouvé les emplois espérés à leur retour des combats. De plus, un fort sentiment d'injustice a été ressenti dans la population italienne lorsque les revendications territoriales du pays n'ont pas été satisfaites par le traité de Versailles, malgré le ralliement italien au camp des vainqueurs. Par exemple, la ville de Fiume sur l'Adriatique n'a pas été rattachée à l'Italie.

La bourgeoisie est inquiète de voir se développer les mouvements sociaux et l'idéologie socialiste, les ouvriers sont mécontents de leur sort tout comme les anciens combattants qui, de plus, ne sont pas satisfaits de la manière dont le gouvernement a négocié la fin de la guerre. Les mécontentements sont divers, mais tout le monde s'entend pour critiquer la démocratie libérale parlementaire en place  : l'antiparlementarisme et les forces antidémocratiques se développent. Mussolini et le parti fasciste vont profiter de la situation pour prendre le pouvoir. Benito Mussolini est issu de la petite bourgeoisie, c'est un ancien combattant qui a été journaliste et instituteur. Il réussit à réunir dans son parti, les Faisceaux italiens de combat, créé en 1919, des mécontents de tous bords : anciens combattants comme lui, nationalistes, et même syndicalistes révolutionnaires. Les Faisceaux n'ont de ce fait pas de ligne idéologique précise, ils semblent même se rapprocher des idées socialistes en militant pour moins d'inégalités sociales, mais ils défendent en fait des principes démagogiques tirés des différentes tendances qui les composent et donc susceptibles de séduire le plus grand nombre. Mussolini va dans un premier temps faire briser les grèves à sessquadre, milices d'anciens combattants (« chemises noires ») qui n'hésitent pas à menacer et torturer les syndicalistes et leurs familles pour faire cesser les mouvements sociaux. Ils ont même recours à l'assassinat. Son action séduit la bourgeoisie d'affaires et les chefs d'entreprise qui le financent. Le mouvement recrute de plus en plus de personnes et a de plus en plus de moyens. En 1921, les Faisceaux deviennent le « Parti national fasciste » et affichent leurs ambitions politiques. Malgré l'affaiblissement des partis de gauche et l'échec de la grève de 1922 (brisée), la conquête du pouvoir par les urnes n'est pas assez rapide pour Mussolini. Il décide donc de faire un coup d'État : une marche sur Rome est décidée en octobre 1922. Le roi veut éviter une guerre civile, il nomme donc Mussolini à la tête du gouvernement en pensant qu'il pourra négocier avec lui, mais il n'en est rien et ce dernier va peu à peu transformer l'État italien en régime autoritaire. Il a cependant réussi à arriver au pouvoir légalement.

L'avènement d'Hitler et du nazisme en Allemagne

• Hitler est fasciné par le modèle fasciste et va reprendre les mêmes méthodes pour conquérir le pouvoir. L'Allemagne de la République de Weimar connaît elle aussi une crise politique, économique et sociale grave. Désignée comme responsable de la Première Guerre mondiale par le traité de Versailles, elle doit payer de lourdes réparations aux vainqueurs (en particulier à la France). Une partie importante de la population allemande ressent très mal le « diktat » de Versailles qui provoque colère et frustrations. Ce sentiment favorise la montée d'un nationalisme allemand à l'esprit revanchard qui réclame une Allemagne forte et expansionniste (les défenseurs du pangermanisme veulent une reconquête de tous les territoires européens où se trouvent des peuples germaniques). Il favorise aussi la recherche de coupables, de « boucs émissaires » : la République de Weimar mais aussi les Juifs. L'antisémitisme se développe. D'autre part, entre 1918 et 1919 le mouvement spartakiste (communistes allemands) tente de lancer des insurrections sur le modèle des révolutions bolchéviques en Russie. Cette situation inquiète fortement la bourgeoisie et les milieux d'affaires, mais aussi une partie de la classe moyenne : tous voudraient un État plus fort garant de l'ordre social et de la sécurité de la population. Le mécontentement monte donc contre la République de Weimar jugée à la fois responsable du fiasco de Versailles et impuissante à en finir avec l'insécurité. La situation empire en 1930 lorsque l'Allemagne est touchée de plein fouet par la crise économique consécutive au crash de Wall Street de 1929  : les faillites d'entreprises se multiplient et dès 1930, six millions d'Allemands se retrouvent au chômage.

Comme en Italie, la situation est favorable à l'arrivée au pouvoir de partis nationalistes, antiparlementaristes et antidémocratiques. Hitler a participé en 1919 à la fondation du petit Parti ouvrier allemand dont il prend la direction et qui devient le NSDAP en 1921 (Parti national-socialiste des ouvriers allemands). Il est issu de la petite bourgeoisie, c'est un artiste raté et un ancien combattant plein de rancœur. Comme les Faisceaux italiens, le NSDAP a une idéologie très démagogique fondée sur l'antisémitisme, l'anticommunisme, le nationalisme, l'esprit revanchard hostile au Diktat de Versailles. Hitler lance une tentative de putsch dans le Land de Bavière en 1923 qui est un fiasco complet. Arrêté, il écrit en prison la première partie de son livre qui deviendra la base de l'idéologie nazie : Mein Kampf(« Mon combat »). Son parti ayant été interdit, il le refonde en 1925 après avoir été libéré et décide deconquérir le pouvoir par les urnes en s'appuyant sur les difficultés de plus en plus importantes du gouvernement allemand et sur la montée de l'insatisfaction. Son plan est couronné de succès : le parti nazi, qui a obtenu 2,6 % des voix aux élections législatives de 1928, obtient près de 40 % des suffrages en juillet 1932. Entre ces deux dates, à l'instar du parti de Mussolini, le NSDAP se dote de ligues professionnelles et de milices armées, les Sections d'assaut (« chemises brunes »). Hitler s'impose comme orateur efficace et n'hésite pas à abandonner le versant social de son programme pour séduire les grands industriels allemands qui vont le financer et le soutenir pour le faire arriver au pouvoir. Après la victoire de juillet 1932, le président Hindenbourg l'appelle donc en toute légalité à la tête du gouvernement et il devient chancelier. En mars 1933, il réussit à manœuvrer pour obtenir les pleins pouvoirs pour quatre ans et en juillet le parti nazi devient le parti unique du pays. Hitler entame alors la « mise au pas » de l'Allemagne.

L'appropriation du pouvoir par Staline en URSS

• Staline n'arrive pas au pouvoir par les urnes, puisque la Russie n'a jamais été une démocratie. En février 1917, une première révolution a mis fin au tsarisme, la dernière monarchie absolue européenne. Mais le régime parlementaire qui est alors mis en place connaît des difficultés qui permettent aux leaders bolchéviques Lénine et Trotski de lancer la Révolution bolchévique en octobre 1917 (« Octobre rouge »). Ils mettent en place un régime de type communiste s'inspirant des idées marxistes et fondé en particulier sur la nationalisation de toutes les propriétés et entreprises privées (collectivisation de l'économie). Mais le nouveau régime connaît des débuts difficiles : une guerre civile fait rage entre les partisans du régime bolchévique (transformés par Trotski en « armée rouge ») et ceux de l'ancien régime tsariste (« l'armée blanche », soutenus par les puissances occidentales). La situation du pays est dramatique :la guerre et une terrible famine ont tué 8 millions de Russes. Lénine met en place un régime qui est d'emblée autoritaire et antidémocratique, en vue de la victoire. Il établit un régime dictatorial avec une police d'État chargée de traquer les opposants, un puissant appareil d'État et une économie qui n'est qu'en partie collectivisée. Pour permettre au pays de se redresser et aux paysans de se nourrir, il a en effet créé la « Nouvelle Politique Economique » (NEP) en tolérant en partie des propriétés privées et une économie de marché. Lorsqu'il décède en 1924, une querelle de succession se déchaîne entre les principaux prétendants à la direction d'une Russie devenue l'URSS (en 1922).

Staline est l'un des prétendants les plus sérieux à la succession de Lénine, avec Trotski et Kamenev. Il mettra quatre ans pour écarter et supprimer tous ses rivaux (répression, assassinat de Trotski, procès truqués de Moscou entre 1936 et 1938 pour éliminer les anciens compagnons de Lénine, etc.) et arriver au pouvoir. En 1929 il supprime la NEP, lance une collectivisation à marche forcée de l'économie et met en place un régime totalitaire.

De réelles similitudes entre les trois totalitarismes

Des États tous puissants qui ne supportent aucune opposition politique.

Tous sont dirigés par un leader charismatique (Mussolini, Staline, Hitler sont tous trois des orateurs de talent), faisant l'objet d'un véritable culte de la personnalité (portraits, propagande dans tous les médias, dans les écoles, etc.). Dès leur arrivée au pouvoir, les trois hommes ont tout d'abord veillé à s'assurer de la fidélité de leurs fonctionnaires et à éliminer les opposants potentiels (en Allemagne Hitler procède ainsi à une véritable épuration de l'administration en excluant les Juifs et les communistes). Le pouvoir est fortement centralisé (les Länder allemands perdent leur indépendance).  En Italie et en Allemagne, les anciennes institutions sont conservées mais n'ont plus de pouvoirs réels (le roi d'Italie et le Parlement italien ne peuvent plus qu'enregistrer les décisions prises par le gouvernement ; de même pour le Reichstag allemand). Mussolini, Hitler et Staline concentrent les pouvoirs entre leurs mains et gouvernent en s'appuyant sur un cercle restreint de proches  : « Grand Conseil du fascisme » pour Mussolini ; dirigeants SS pour Hitler, qui s'applique à entretenir des rivalités entre eux pour mieux les diriger ; cadres du parti communiste de l'Union Soviétique (PCUS) aux ordres de Staline.

Hitler, Staline et Mussolini s'appuient sur de puissants partis uniques qui quadrillent littéralement le pays (les syndicats indépendants sont par exemple abrogés et remplacé par les syndicats officiels des partis). Dans les trois cas, des polices politiques sont chargées de réprimer toute forme de contestation et toute velléité de pluralisme. Le NKVD en URSS (il deviendra le KGB), la SS et la Gestapo dans le troisième Reich, l'OVRA dans l'Italie fasciste constituent des réseaux d'informateurs et encouragent la délation pour repérer les opposants. En Italie, les opposants sont exilés, mais dans l'Allemagne nazie des camps de concentration sont ouverts dès 1933 et on y déporte les communistes, les socialistes, et tous ceux considérés comme des « ennemis politiques » qui « souillent le corps allemand ». En URSS, Staline ordonne une première vague de terreur entre 1929 et 1932 avec la « dékoulakisation » : 1,8 millions de paysans russes « aisés » sont déportés dans des camps (les goulags) en Sibérie ou dans des régions éloignées de l'URSS. Une seconde vague de répression, « la grande terreur », se déroule entre 1936 et 1938 (procès de Moscou ; 700 000 personnes exécutées par le NKVD). 15 millions de Soviétiques seront déportés dans les goulags entre 1917 et 1953.

Une société sous contrôle (vie quotidienne, culture, loisirs)

Les régimes totalitaires veulent contrôler et surveiller tous les aspects de la vie des populations, depuis l'enfance jusqu'à l'âge adulte. Dès leur plus jeune âge, les enfants sont enrôlés dans des groupes maîtrisés par les partis : jeunesses hitlériennes (Hitlerjugend), Ballilas en Italie, camps de pionniers en URSSLes programmes scolaires sont remaniés de manière à inculquer à la jeunesse les valeurs du régime et à former les cadres obéissants des nouvelles sociétés auxquelles aspirent les dictateurs.

Les adultes également doivent adhérer aux syndicats officiels des partis ou aux associations de loisirs s'ils ne veulent pas subir de pression de la société où la délation et le contrôle mutuel sont encouragés. En URSS, c'est l'État qui organise les vacances des ouvriers « les plus méritants ».

Toute la société est soumise à une importante propagande d'État qui contrôle tous les médias, y compris le domaine artistique. Des styles artistiques « officiels » voient ainsi le jour alors qu'à l'inverse on interdit « l'art dégénéré ». En Allemagne, des autodafés ont lieu en place publique (des bûchers sont dressés pour y brûler des milliers de livres interdits). Les autorités organisent également de grands rassemblements où les leaders font des discours enflammés devant des milliers de personnes. Dans tous les cas, les populations sont partagées entre consentement (certains par conviction, beaucoup parce qu'ils n'ont pas le choix) et résistance (mais cette dernière reste modérée ; ainsi en URSS, les paysans finissent par obtenir un lopin de terre privé en 1935). L'économie est au service de l'État.

• En Italie et en Allemagne, les fascistes et les nazis sont arrivés au pouvoir avec l'aide des milieux d'affaires qui continuent de les soutenir lorsqu'ils sont au pouvoir. En contrepartie, la propriété privée est maintenue, et les industriels peuvent continuer à s'enrichir avec l'aide des appareils d'État. Ainsi, en Allemagne, certains industriels profitent de la main d'œuvre des camps de concentration. Les réformes sociales ne font plus partie des programmes politiques des deux États. En revanche, Hitler et Mussolini savent que pour maintenir la paix sociale ils doivent faire en sorte d'en finir avec le chômage. Ils lancent donc des programmes de grands travaux, souvent à la gloire de leur régime, qui permettent d'employer des milliers de personnes même si les caisses des États se vident. Leur ambition est de développer l'autarcie économique de l'Italie et de l'Allemagne.

En URSS, Staline veut collectiviser l'économie et développer l'industrie lourde (il se méfie des campagnes, trop conservatrices de son point de vue). L'État met en place des plans quinquennaux ambitieux qui fixent les objectifs de production à atteindre. Alors que la Russie était en retard du point de vue industriel, elle devient la troisième puissance industrielle du monde en 1937 (en ayant également recours au travail forcé des goulags). Les progrès sont considérables, mais ils se font au détriment de l'agriculture (les coopératives officielles (Kolkhozes) et les fermes d'État (Sovkhozes) ne seront jamais vraiment productives, car les paysans ne seront pas motivés par le travail sur des terres collectivisées. L'industrie de biens de consommation est également sacrifiée. 

De réelles différences entre les trois totalitarismes

• Mussolini est obsédé par le modèle de l'empire romain. Il veut mettre en place un État autoritaire encadrant et façonnant la population italienne pour favoriser l'émergence d'un homme nouveau, « viril, agressif et conquérant », sur ce qu'il estime être le modèle antique. Dans l'Italie fasciste, l'État est au dessus de tout et domine une population qu'il faut remodeler sur ce principe. L'Italie fasciste n'est cependant pas un État raciste à l'origine, même si elle finit par adopter des législations racistes en 1935 (interdiction des mariages mixtes en Éthiopie) et des lois antisémites en 1938 (sous l'influence de l'Allemagne).

• Hitler est fasciné par l'Italie fasciste. Il reprend l'idée d'un État autoritaire et veut également refondre la société allemande. Mais l'originalité de sa politique est que cette transformation est dictée par l'obsession d'atteindre « la pureté de la race » : le racisme est au cœur de l'idéologie nazie. Il s'appuie lui aussi sur de prétendues références à l'Antiquité lointaine et à une « race aryenne » qui aurait dominé l'Europe dans des temps anciens avant d'être pervertie par le métissage et le mélange « des sangs » avec les autres peuples européens jugés « inférieurs ». Hitler n'hésite pas à détourner des théories scientifiques comme le darwinisme pour justifier son projet : y compris au sein de la « race aryenne », ce sont les plus forts qui doivent dominer et être servis par les plus faibles et les peuples inférieurs (cette idée est au cœur de la politique de « l'espace vital » ou Lebensraum). Hitler pense également que les découvertes scientifiques peuvent aider l'Allemagne à atteindre cette pureté de la race et la domination de l'Europe : il ordonne des dizaines de pseudo-expériences scientifiques dans les camps, envoie des archéologues à la recherche d'objets mythiques, a même recours aux sciences occultes. Pendant ce temps, les malades (physiques ou mentaux) sont stérilisés ou éliminés. Hitler interdit également tout mariage mixte et ordonne à Himmler de mettre en place une politique eugéniste de reproduction des « meilleurs éléments », obéissants aux critères de la « race aryenne », dans des centres destinés à cet effet : les Lebensborn.

• L'URSS de Staline est fondamentalement différente des autres totalitarismes. En Italie et en Allemagne, l'existence d'une hiérarchie et d'une inégalité entre les hommes va de soi, et est même glorifiée : il y a des forts dominants et des faibles dominés travaillant pour les plus forts, que ce soit pour des raisons sociales ou raciales (dans le cas de l'Allemagne). Au contraire, Staline veut imposer le communisme et une société sans classes sociales où tous les Soviétiques seraient en théorie égaux. Son objectif final est la disparition de l'État, la « dictature du prolétariat », et une société égalitaire capable de « s'autogérer ». Mais il estime que pour atteindre ce but, il faut d'abord qu'un État autoritaire transforme les anciens Russes, héritiers de siècles d'asservissement et trop attachés aux biens matériels et à la mesquinerie de l'ancien régime, en Soviétiques défenseurs de la nouvelle société communiste. Il se méfie en particulier des campagnes trop conservatrices à sont goût (il en vient). C'est cette analyse qui poussera paradoxalement les dirigeants soviétiques à imposer à leur population un système totalitaire fondé, en théorie, sur l'égalité de tous mais dominé en réalité par une caste de cadres du PCUS, la Nomenklatura

2. Les totalitarismes face aux démocraties dans les années 1930

Les régimes totalitaires sont fondamentalement expansionnistes et préparent rapidement une économie de guerre. Face à eux, les démocraties occidentales veulent éviter à tous prix une guerre impopulaire au sein de leurs opinions publiques traumatisées par 1914-1918. Cette ligne politique va les amener à des erreurs politiques. 

Les régimes totalitaires se préparent à la guerre et multiplient les coups de force

• Hitler veut reconquérir un « espace vital » pour l'Allemagne et en finir avec le Diktat de Versailles. Il met donc rapidement en place une économie de guerre et investit dans une modernisation de son armement : il est convaincu qu'il faut mettre au point des armes nouvelles et pour cela fonde des centres de recherche spécialisés. La propagande nazie met en avant les valeurs guerrières et prépare les plus de 80 millions d'Allemands à la guerre.

Hitler se méfie cependant de la réaction des démocraties, et en particulier de la France. Tout en rétablissant la puissance militaire de l'Allemagne, il va donc les tester en multipliant les provocations et les coups de force. En 1933, il sort l'Allemagne de la SDN, et en 1935 il rétablit le service militaire pour reconstituer une puissance armée allemande (la Wehrmacht). En 1936, il remilitarise la Rhénanie. Ces mesures sont des violations flagrantes du traité de Versailles. Mais la SDN se contente de sanctions économiques et les grandes puissances occidentales n'osent pas mobiliser leurs troupes par peur d'une escalade vers la guerre. À partir de ce moment, le Führer sent qu'il peut tabler sur la faiblesse des démocraties et aller plus loin.

De son côté, Mussolini revendique les terres ayant une population italienne du Trentin, du Tyrol du sud, d'Istrie et de Trieste (les terres irrédentes). Poursuivant son ambition de conquérir un empire aussi puissant que l'Empire romain, il veut étendre les colonies italiennes au-delà de la Lybie, de l'Érythrée et de la Somalie. Lui aussi a développé toute une propagande pour préparer sa population à l'idée d'une guerre. Il attaque en 1935 l'Éthiopie, seul État africain vraiment indépendant et membre de la SDN. Une fois de plus, cette dernière se contente de sanctions économiques inefficaces. L'Allemagne est le seul État à avoir soutenu l'Italie fasciste. Mussolini et Hitler se rapprochent et mettent en place « l'axe Rome-Berlin » en 1936. Mussolini imite la politique expansionniste d'Hitler et revendique désormais la Grèce, l'Albanie, la Corse, Nice et la Savoie.

Les deux régimes totalitaires apparaissent comme des puissances fortes face à la faiblesse des démocraties occidentales. De nombreux régimes autoritaires d'Europe de l'Est vont se rapprocher de l'Allemagne et de l'Italie par peur de l'impérialisme soviétique. En 1936, les deux États soutiennent également le général Franco alors que débute la guerre civile espagnole. Avec le recul du temps, cette dernière peut apparaître comme une « répétition » des débuts de la Seconde Guerre mondiale : la France et le Royaume-Uni refusent d'intervenir, l'Italie et l'Allemagne envoient des troupes aux franquistes (l'aviation allemande bombardera Guernica en 1937), l'URSS soutient les républicains espagnols (Brigades internationales). Jusque là, Staline s'est concentré sur la russification des peuples de l'URSS et leur conversion au patriotisme soviétique. L'URSS est donc restée en retrait en recommandant même aux partis du Komintern de ne pas s'allier aux autres partis, ce qui favorisera le succès du parti nazi (Komintern :« Internationale communiste » née en 1919 et regroupant tous les partis soutenant la Révolution soviétique). Mais il change brutalement de politique en 1934 car il craint l'expansion du fascisme en Europe. Il appelle alors à la création de « fronts populaires » regroupant toutes les forces antifascistes. Pour les mêmes raisons, l'URSS entre en 1934 dans la SDN. Une alliance avec les démocraties est alors sérieusement envisagée.

Des démocraties occidentales affaiblies

Les démocraties occidentales sont affaiblies par la crise économique des années 1930 qui les touche durement. Face à la crise économique et à l'augmentation du chômage, le capitalisme libéral peine à trouver des solutions. Beaucoup d'intellectuels se tournent vers les modèles allemand et soviétique qui, avec leurs économies sous contrôle et planifiées, semblent mieux s'en sortir. Face à ces difficultés, les États se concentrent davantage sur leur politique intérieure et sont tentés par le retour au protectionnisme. Si quelques voix se font entendre pour signaler le danger de la montée en puissance des régimes totalitaires, elles passent au second plan derrière le refus des gouvernements démocratiques de contrarier leur électorat et leur opinion publique touchés par les difficultés économiques et peu favorables à l'idée d'une nouvelle guerre mondiale aussi meurtrière que la première.

Cette situation explique la politique britannique et française de recherche de compromis avec une Allemagne pourtant ouvertement provocatrice vis-à-vis des deux puissances (politique de l'apaisement). Elle explique aussi l'attitude du Front populaire français en 1936 qui refuse toute aide officielle aux républicains espagnols alors que la menace de la montée de l'extrême droite française l'a amené au pouvoir.

Cette attitude passive des deux grandes démocraties conforte Hitler dans sa politique expansionniste. À partir de 1938 la marche à la guerre est clairement amorcée même si les Occidentaux se bercent encore d'illusions. Hitler manœuvre avec l'extrême droite autrichienne pour rattacher le pays à l'Allemagne en mars 1938 (Anschluss), puis annexe les Sudètes (région tchécoslovaque) en septembre 1938. La faiblesse de la France et de l'Angleterre éclate au grand jour lors de la signature des accords de Munich le 30 septembre 1938 par lesquels les deux États reconnaissent cette annexion et l'imposent même à la Tchécoslovaquie. Le Premier ministre britannique, Neville Chamberlain, a joué un rôle essentiel dans la signature de cet accord et a convaincu son homologue français Daladier, pourtant plus réservé sur la question. Cette signature est le symbole de la politique d'appeasement qui est cependant dénoncée par certains opposants dans les deux États.

Staline, devant l'échec d'une nouvelle tentative d'accord avec la France et le Royaume-Uni contre l'Allemagne, décide finalement d'accepter le pacte de non-agression proposé par Hitler. Le pacte germano-soviétique du 23 août 1939 établit que l'Allemagne nazie et l'URSS ne se feront jamais la guerre. Une clause secrète prévoit qu'en cas d'invasion de la Pologne par le IIIe Reich, l'URSS s'approprierait l'est du pays. Les deux puissances savent qu'elles se feront la guerre, mais gagnent ainsi du temps. Quant à la France et au Royaume-Uni, c'est le Britannique Churchill qui a le mieux résumé leur situation en commentant ainsi la signature des accords de Munich : « Vous aviez le choix entre le déshonneur et la guerre. Vous avez choisi le déshonneur et vous aurez la guerre ». 

 

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