Devoir de Philosophie

Le travail est-il une contrainte ?

Publié le 04/12/2010

Extrait du document

travail

Le travail est au croisement d’une activité privée et d’une activité sociale. Il s’exerce durant le temps de ma vie mais il ne concerne pas que moi car il engage une communauté d’hommes, qui me procure à titre de groupe mon travail, qui permet les échanges, qui développe les techniques dont je peux ensuite user à titre privé. Comme activité privée, le travail est tour à tour développement de soi et fatigue, effort sur ma paresse. Comme activité sociale, il est tour à tour perte de mon temps, captif des autres, des horaires, des objectifs qui me sont donnés, et promotion de ma petite personne à l’appartenance à une communauté. Cette quadruple opposition est-elle cause du sentiment souvent vécu du travail comme contrainte ? Pourtant, la contrainte véritable se joue dans la possibilité d’un passage à la limite : je ne suis contraint que là où mon acte s’accomplit sous peine de perdre la vie. C’est rarement le cas pour le travail. Faut-il changer le sens du mot « contrainte « ? Lui donner l’équivalent de celui de nécessité ou d’obligation ? On perdrait alors la spécificité du travail car on peut appeler nécessaires ou obligatoires des actes qui n’ont rien à voir avec lui, comme tomber d’une tour (nécessité de la pesanteur) ou ne pas mentir (obligation que je peux revendiquer comme mienne). On verra que la contrainte du travail ne concerne pas son exercice privé mais plutôt le rapport à autrui et plus largement à la communauté : il y aura contrainte là où le travail interdit la liberté, c’est-à-dire là où l’autonomie, la capacité à être l’auteur de la loi qui m’oblige, s’est volatilisé au profit de la soumission.

 

1) La contrainte n’est pas exercée par la nature sur le travail : ce serait confondre travail et nécessité.

a) le travail résout la difficulté de l’homme à survivre car la nature est avare de biens comblant mes besoins.

b) mais la nécessité naturelle ne peut être appelée contrainte : elle est la condition de possibilité de l’existence humaine ainsi que sa limite. Je ne suis pas contraint par la mort, par la loi de la gravitation ou par le besoin de s’alimenter.

c) le travail de la nature est un acte qui grandit l’homme et augmente ses pouvoirs : par la technique, par l’objectivation dans la matière de ce qu’il a d’abord pensé. (Hegel : texte vu en classe)

d) pas plus ne peut-on dire que l’effort, la pénibilité sont des contraintes, dans la mesure où ils sont intérieurs au travail lui-même, et donc sont sa possibilité. Sinon, tout effort ou pénibilité pourraient s’appeler contraintes : l’entraînement du joueur de foot comme les charges de plâtre du sculpteur ou une partie de cache-cache dans un lieu escarpé !

2) La contrainte du travail est un conflit d’obligations

a) Une obligation n’est pas une contrainte : nous sommes obligés de travailler, or toute obligation s’accompagne de la liberté de ne pas la suivre. L’obligation du travail est double : en moi-même, elle est exigence de comprendre le monde intellectuellement ou pratiquement, dans la société, elle est obligation d’augmenter la richesse collective.

b) Il y a conflit : je suis aussi mon propre obligé : j’ai comme le dit Kant l’obligation morale de me cultiver (car que deviendrait une communauté d’hommes voués à des tâches laborieuses, sans temps de réflexion et d’invention) il y a conflit entre le temps que je donne au groupe et le temps dont je voudrais disposer pour moi-même

c) une part de ma vie est soustraite, donnée à la communauté : le salaire comme fin du travail me fait vivre celui-ci comme une contrainte réelle : je dois gagner ma vie (ou je meurs) , or la gagner passe par des activités absurdes, qui ne se plient ni à la nécessité de l’objet à faire (artisanat par ex), ni à la solidarité sociale (travailleur atome, pris dans des impératifs « mondiaux «), mais qui ne prennent sens que par leur fin – la paie. Plus je travaille pour de l’argent, plus je vis mon travail comme contrainte, c’est-à-dire hétéronomie, subissant la loi des autres.

3) La contrainte du travail s’appelle la soumission à un ordre dans lequel il m’est presque impossible de prendre part et de m’y identifier.

a) Je ne peux être dans une obligation envers la société que sur un plan moral ou politique, mais pas sur le plan du travail. Il faut que je me sente membre de la communauté et non pas atome de celle-ci pour que le travail soit une obligation

b) dès lors, faute de l’obligation sociale, le travail est soumission : à un rythme devenu une cadence, au patron, aux objectifs d’exploitation. Il y a soumission quand un principe en dehors de moi domine et menace. Le travail est contrainte : à sa source (analyse du capitalisme chez Marx : je vends ma vie comme force de travail marchandise), dans son effectuation (travail parcellaire, travail devant machines -à commencer par l’ordinateur, pas fatigant mais modelant l’esprit à son rythme), dans sa fin : toucher un salaire comme si la fin de la vie était le pouvoir d’achat, dans les relations internes (hiérarchie qui repose moins sur l’obéissance volontaire du travailleur que sur sa peur d’être mis à la porte)

c) il n’et pas difficile de montrer que la soumission n’est pas dans le travail lui-même comme acte de transformation de la nature et de soi-même mais bien dans un type de société où les hommes ne sont plus les auteurs de leur travail, ni ne peuvent obéir (donc librement) à la hiérarchie. 

d) La chance serait que le travail offre à tous l’occasion de la recherche d’un bien vivre ensemble, ce qu’Aristote appelle la caractéristique humaine par excellence.

Liens utiles