Devoir de Philosophie

L'éphémère a t-il de la valeur ?

Publié le 17/03/2012

Extrait du document

L’éphémère a-t-il de la valeur ?

 

Est éphémère ce qui est bref et momentané ; il faut noter que l'éphémère n'est court que par rapport à une échelle temporelle définie : par exemple, un jour est éphémère par rapport à un an. C'est ainsi l'homme qui définit ce qui est éphémère. En outre, cette notion très subjective porte implicitement en elle celle de la fragilité qui peut remettre en cause sa valeur, c'est-à-dire son importance, son caractère indispensable et le fait qu'elle mérite d'être retenue. L'éphémère a-t-il alors un intérêt qui lui donnerait de la valeur ? Toutefois, est-il nécessaire que les choses durent éternellement pour avoir de la valeur ? L'enjeu de cette réflexion va donc être de réfléchir sur la valeur possible de l'éphémère. La question se pose clairement : L’éphémère a-t-il de la valeur ?

 

 

* * *

 

 

Le terme éphémère, qui provient d’un vocable grec qui veut dire « d’un jour », permet de désigner ce qui est passager ou de courte durée. Tout ce qui est éphémère a une durée de vie courte et disparait ou termine en très peu de temps.

Par exemple: un joueur de football est engagé par un club, joue à deux matchs et résilie son contrat. La presse annonce, dans ce cas, l’éphémère passage dudit joueur dans l’équipe.

« Nous sommes ensemble depuis trente-huit ans. Les rares fois où l’on s’est fâché, les disputes étaient toujours éphémères », pourrait dire un homme faisant allusion à un mariage de longue durée. L’adjectif éphémère est le contraire de long, étendu et durable.

D’autre part, l’éphémère est le nom d’un petit insecte ne mesurant pas plus de deux centimètres de long dont les ailes sont assez inégales et qui habite dans la vase des ruisseaux. Il est nommé ainsi justement pour la brièveté de sa vie: un jour.

Étienne II est plutôt connu sous le nom de Pape éphémère du fait d’être décédé trois jours avant d’avoir été élu, en l’an 752. Il ne figure pas dans les listes des papes étant donné qu’il est mort avant d’avoir été ordonné Évêque de Rome, qui était un réquisit pour être pape à l’époque.

Dans le cadre philosophique, l’éphémère est associé à ce qui n’a beaucoup d’importance, ce qui est superficiel et non transcendant. Il faut s’attendre à que les beaux-arts et les manifestations plus éminentes de la culture parviennent à durer longtemps (autrement dit, qu’elles ne soient pas éphémères): « Le critique d’art est persuadé que l’exposition qui est en cours au Musée des Beaux-Arts aura une durée de vie éphémère et que, tôt ou tard, les personnes ne s’en rappelleront même plus ».

 

 

Qu’est-ce que l’éphémère ? Au sens premier du terme, quelque chose qui ne dure pas. Là, c’est un peu plus difficile de se contenter de cette définition… En effet, qu’est-ce que quelque chose qui ne dure pas ? Qu’est-ce que « durer » ? Tout dépend de la façon dont on considère l’objet auquel s’applique cette notion, à mon avis. J’en vois deux : soit on considère un état particulier de l’objet, soit on le considère dans sa globalité, notamment en prenant en compte son interaction et son influence sur l’environnement.

Prenons l’exemple d’un monument. On peut considérer qu’il « dure » jusqu’à ce qu’il soit détruit par un événement ou simplement l’usure du temps (ce qui s’accorde bien avec la notion de durée). Mais cesse-t-il d’avoir « de la valeur » pour autant ? Certes non, ne serait-ce que tant que son souvenir demeure dans la mémoire des gens. On peut aussi prendre l’exemple d’une vie humaine. Le souvenir d’un homme demeure bien au-delà de sa mort. Et quand bien même son souvenir disparaîtrait, par la façon dont il a modifié son environnement, son influence demeurera ad vitam æternam. En effet, je ne crois pas un instant que le monde pourrait être identique si on avait la possibilité de retourner dans le passé et qu’on décidait de l’utiliser pour empêcher la naissance d’une personne prise au hasard (non, je ne fais pas référence à Terminator). Les changements seraient peut-être minimes, mais ils seraient là, et peut-être (probablement ?) modifieraient-ils de façon plus radicale encore un futur lointain. L’effet papillon ramené à l’échelle des relations humaines.

 

En somme, si on considère que la notion d’éphémérité s’applique à un état donné d’un objet (au sens large du terme : monument, être humain…), il me paraît indéniable que l’éphémère a de la valeur. Si, au contraire, on considère que quelque chose dure tant que son souvenir ou son influence demeure (pour résumer), alors l’éphémère n’existe tout simplement pas.

 

 

* * *

 

 

Cette réponse a l’avantage de ne pas considérer la notion d’éphémérité sous l’angle de la durée « relative ». J’ai pris l’exemple d’un monument. Certains existent depuis plusieurs milliers d’années. Or, en général, on attribue plus volontiers le qualificatif d’« éphémère » à quelque chose dont l’existence se mesure en secondes, minutes, heures… voire en jours, mais rarement plus. Mais je trouve cette façon de considérer l’éphémérité… disons fluctuante, et sujette au changement en fonction de l’observateur. Il me semble ardu d’analyser une notion dont la définition change selon le point de vue. Je préfère donc y appliquer une définition binaire qu’on pourrait résumer par « est éphémère ce qui cesse d’exister au bout d’un certain moment », « cesser d’exister » pouvant, à mon avis, être traduit de deux manières, celles que j’ai décrites plus haut.

J’ai dit que la valeur était liée (pour moi) à la notion de jugement. J’ai également écrit que l’éphémère possédait de la valeur ou n’existait pas car, dans ce dernier cas, tout objet modifiait son environnement et y imprimait une influence durable, ou plutôt : sans fin. Mais est-ce vraiment le cas ? Cette notion d’infini ne peut être vraie que si l’univers dans lequel nous évoluons est, lui aussi, sans fin. De « l’éphèmere n’existe pas », on passerait ainsi à « tout est éphémère » ! Le problème, c’est que je ne connais personne capable de savoir si tel est le cas ou non. Le premier cœur de la question originelle, en revanche, est plus intéressant. La « valeur » est liée au jugement, donc à la conscience. Cette conscience est-elle elle-même éphémère…? D’un point de vue individuel, c’est fort possible. Nul ne sait ce que devient notre conscience après notre mort. Certains croient en l’immortalité de l’âme, d’autres sont purement matérialistes, mais personne n’a la réponse. On pourrait considérer que ça n’a pas d’importance. Si notre conscience est vouée à disparaître et que la valeur de toute chose cesse ainsi d’être à nos yeux, elle est toujours présente tant qu’il existe d’autres consciences pour entretenir cette valeur.

 

 

* * *

 

 

C'est à partir de Nietzsche que la notion de valeur a été introduite dans la philosophie. Nietzsche a critiqué de façon radicale les valeurs chrétiennes, trouvant l'origine de toute valeur chez l'homme. Les valeurs sont un concept de psychologie et de sociologie décrivant les croyances et les convictions d'un individu ou d'une société. La valeur est communément employée pour mesurer l'importance, l'intérêt d'un être, d'une chose, d'une idée, suivant l'estime qu'on lui porte. Quelque chose ayant de la valeur est donc caractérisé comme supérieur, digne d'estime. Les jugements de valeurs sont alors bien souvent subjectifs, relatifs à une personne.  L'éphémère, en tant que substantif, est caractérisé comme quelque chose de momentané, de limité dans la durée, qui dure peu. La notion d'éphémère s'oppose alors a celle de la durée. Pour traiter ce sujet, il me semble donc difficile de ne pas généraliser. L'attention sera alors portée sur ce qui est couramment décrit comme ayant de la valeur. Le temps caractérise principalement l'existence humaine. Sans la notion de temps, l'existence humaine ne serait pas ce qu'elle est. Aucune existence ne peut ne pas avoir d'aboutissement. Nous sommes tous impuissants face à l'éphémère. . Faut-t’il alors prendre positivement cette éphémérité ou penser que ce qui est court doit être dévalué face à ce qui dure? Le caractère temporel de l'existence humaine en réduit il sa valeur, ou est-ce   ce grâce a quoi notre existence obtient justement,   une certaine valeur?    L'éphémère n'a aucune valeur. Ce qui est éphémère est par définition sans avenir. Cela reviendrait alors à dire que l'éphémère ne mène à rien. Son utilité s'en voit alors réduite. Comment quelque chose qui n'a aucune finalité pourrait il être porteuse d'une valeur? Quand on parle de gloire éphémère par exemple, cela a souvent une connotation péjorative. 

 

 

* * *

 

En conclusion, la notion de valeur reste liée à celle de la conscience (collective plutôt qu’individuelle, donc) et pose la question de l’éphémérité de cette dernière. Nous sommes passés de « l’éphémère a-t-il de la valeur ? » à « la valeur est-elle éphémère ? » Il est malheureusement (ou heureusement, c’est selon) peu probable que l’humanité soit immortelle. « L’univers est né sans l’homme et mourra sans l’homme », disait Claude Lévi-Strauss. Si la valeur est liée à la conscience comme je l’ai écrit plusieurs fois, alors elle est, très probablement, éphémère… À la question « l’éphémère a-t-il de la valeur ? », on répondrait alors par « tout est éphémère, y compris la valeur… » du moins si on considère que la valeur est effectivement intrinsèquement liée à la conscience.

Liens utiles